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Raj Dayal risque dix ans de prison

24 mars 2016, 08:18

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Raj Dayal risque dix ans de prison

Après le choc, place aux questions qui taraudent le public. Pourquoi Raj Dayal a été éjecté du Conseil des ministres, le temps que dure l’enquête de l’ICAC, alors que l’ex-ministre des Finances y siège toujours? Comment remonter la pente pour le gouvernement Lepep après les démêlés de Pravind Jugnauth, Vishnu Lutchmeenaraidoo et maintenant Raj Dayal? Les ministres soutiennent-ils leur ex-collègue? Et qu’en pense le secteur privé?

L’ex-ministre Dayal est passible de quelle infraction?

Dans la loi, un ministre est, au même titre qu’un fonctionnaire, considéré comme un public official. Si la conversation sur la bande sonore est claire, prouvant qu’il y a eu solliciting en privé, c’est-à-dire que le public official a demandé une faveur comme une somme d’argent à quelqu’un pour, en retour, faire approuver une demande, c’est une transgression de l’article 10 (5) ou même l’article 12 (2) du Prevention of Corruption Act (PoCA).

Que risque-t-il si les allégations sont avérées ?

Le terme soutenir utilisé dans la bande sonore équivaut à une sollicitation directe. C’est-à-dire, «je te donne le permis si en échange tu me soutiens d’une quelconque façon». Si c’est prouvé ainsi, la loi prévoit dix ans de prison.

Une fois la déposition du plaignant enregistrée, quelle est la prochaine étape?

Il faut en premier lieu obtenir un certificat d’authenticité qui prouve que la bande sonore n’est pas manipulée. Pour cela, la police a un Forensic Department. L’ICAC a aussi des équipements pour le faire. Il faut également prouver que les voix qu’on entend sur la bande sont bien celles du plaignant et de la personne incriminée.

S’il y a contestation sur l’identité de la personne incriminée, il faudra solliciter un expert en Afrique du Sud pour l’authentification de la voix car Maurice n’est pas équipé en la matière. Puis, ce sera au tour de la personne incriminée de donner sa version des faits.

Les bandes sonores sont-elles inadmissibles en cour?

Tout enregistrement est admissible en cour si c’est son auteur qui vient témoigner. Pour l’affaire Bacha, la personne qui avait enregistré la conversation ne pouvait venir déposer en public. Bien entendu, le hearsay, c’est-à-dire aller dire ce qu’on a entendu de quelqu’un d’autre, est inadmissible dans une cour de justice.

Le plaignant bénéficie-t-il d’une protection policière ?

Il faudra protéger le témoin absolument. Si c’est un politicien qui a essayé de convaincre l’homme d’affaires, l’ICAC devrait demander une protection policière du témoin pour que personne n’essaye d’influencer celui-ci. Ça coûte cher mais il faut songer à tout ça car à l’étranger, on a vu des enlèvements de témoins dans des cas très sensibles. Ici, dans l’affaire L’Amicale, le témoin principal est resté caserné pendant plus d’une année dans l’enceinte de la Special Mobile Force. Il fallait le protéger. L’ICAC doit aussi demander au témoin de rapporter toutes les tentatives d’intimidations.

À quoi peut-on s’attendre au cours de l’enquête de l’ICAC?

Dans le passé, il y a eu des cas où le témoin a changé sa première version.

Quelle est la durée d’une enquête comme cela?

Cela dépend du nombre de personnes qui travaillent sur le dossier. Dans des cas impliquant des politically exposed persons, l’affaire devrait devenir prioritaire pour la commission. Cela dépend aussi des circonstances. À titre d’exemple, si l’accusé tombe malade ou si son représentant légal est adepte des delaying tactics, les enquêteurs mettront plus de temps.

Dans un cas de corruption, les enquêteurs de l’ICAC ont 21 jours pour boucler leur enquête préliminaire. S’ils ne peuvent pas le faire, le board de la commission anti-corruption n’aura d’autre choix que de leur accorder une extension. Ici, pas de limite prévue dans la loi mais ça doit être dans un délai raisonnable. Place ensuite à l’étape de l’enquête approfondie dépendant des éléments qui vont surgir au cours de l’enquête préliminaire. Cela se fait en collaboration avec le département légal de la commission, Après enquête, le rapport est soumis au board qui l’analyse et fait une recommandation au directeur des poursuites publiques.

L’ICAC a-t-il le pouvoir d’arrestation?

La commission n’a pas le pouvoir d’arrestation. Toutes les arrestations, sans exception, se font avec le feu vert du commissaire de police. L’ICAC aurait dû avoir le pouvoir d’arrestation pour ne pas se retrouver avec des avocats qui abusent du système en ne se présentant pas avec leur client lors d’une convocation. Car l’ICAC ne peut rien faire si la personne incriminée ne se présente pas lorsqu’elle est convoquée.

Le plaignant encourt-il lui aussi la prison étant donné que dans la bande sonore, il dit être disposé à donner un terrain en échange du permis EIA?

Dès qu’il part à l’ICAC pour dénoncer le cas, ça change tout ; même si techniquement il commet lui aussi une offense. Si on ne lui accorde pas d’immunité, jamais la commission ne pourra mettre la main sur le public official. Après tout, l’esprit de la loi veut interdire tout public official de commettre des actes de corruption. Toutefois, la question se pose. Et l’ICAC a sûrement dû la poser. Pourquoi le plaignant a-t-il fait cet enregistrement ?

Ce que dit le PoCA


L’article 10 (5) du PoCA : «Any public official who solicits, accepts or obtains a gratification from any other person for himself or for any other person in order to make use of his influence, real or fictitious, to obtain any work, employment, contract or other benefit from a public body, shall commit an offence and shall, on conviction, be liable to penal servitude for a term not exceeding 10 years.»

L’article 12 (2) (a) du PoCA : «(2) Any public official who solicits, accepts or obtains from any other person, for himself or for any other person, a gratification for giving assistance or using influence in –

(a) promoting, executing, or procuring a contract with a public body for the performance of a work, the supply of a service, or the procurement of supplies; shall commit an offence and shall, on conviction, be liable to penal servitude for a term not exceeding 10 years.»