Publicité

Lakaz Mama Marguerite et ses 29 enfants !

1 février 2016, 18:48

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Lakaz Mama Marguerite et ses 29 enfants !

Il y a des Rencontres qui façonnent une vie entière et des montagnes bâties au départ avec une seule pierre...

Roger et Annick Rabemananjara sont assis à table au milieu des enfants. C’est l’heure du goûter, après l’école. Dans le calme, chaque enfant prend son thé au lait et ses biscuits disposés sur un plateau individuel aux couleurs chatoyantes. Alors que certaines familles peinent à gérer deux ou trois enfants, le couple veille sur 29 mineurs âgés de quelques mois à 18 ans! Roger, originaire de Madagascar n’élève jamais la voix et c’est avec douceur mais fermeté qu’il fait comprendre aux enfants les règles de vie.

Bien sûr, Roger et Annick ne sont pas seuls pour assumer cette grosse responsabilité, ils sont épaulés au quotidien par une équipe de 12 carers, répartis au sein de deux shelters : Lakaz Mama Marguerite et La Maison de Don Bosco.

L’Association Des Amis de Don Bosco a été imaginée pour accueillir seulement les petites filles mais aujourd’hui la prise en charge est mixte.

Leur organisation, L’Association Les Amis de Don Bosco gère également deux crèches-garderies à Le Hochet-Terre Rouge et à La Résidence La Cure, un centre de lecture à Sainte-Croix et un espace thérapeutique à Baie du Tombeau. Sans oublier le programme de déjeuners quotidiens pour les élèves à l’école primaire Marcel Cabon.

«Ce qui peut surprendre c’est que lorsque nous avons démarré en 2009, nous n’avions rien !», se souvient Roger Rabemananjara. A moins que tout ait réellement débuté un peu plus tôt lors de la rencontre entre Roger et Annick…

Après de courts séjours à Maurice en 2004 et 2005, Roger est détaché pour un an à Maurice par La Congrégation Salésienne, à laquelle il appartient. « Ce qui m’a profondément touché, lors de mes visites de terrain, notamment au Morne, c’était une certaine familiarité avec l’environnement et la culture malgaches et l’enracinement profond des difficultés sociales», se rappelle Roger.

Impliqué dans différents projets, Roger accompagne également les jeunes et les familles au Collège St Gabriel, St Montfort et Verbruggen. Annick est alors animatrice volontaire à l’Oratorio de Don Bosco, Route Nicolay, auprès des enfants en situation de rue. Roger renonce à sa vocation de prêtre et épouse Annick en 2007.

«Auparavant je n’avais jamais envisagé le social comme ‘une carrière’, je voulais être missionnaire. Mais j’avais déjà oeuvré dans un orphelinat à Madagascar. Petit à petit, mes engagements envers les pauvres ont pris une grosse partie de ma réflexion, de mon discernement. Puis, j’ai préféré apporter ma contribution autrement, comme un laïc, mais toujours au plus près de la personne humaine, là où il y a le plus de besoin », explique Roger Rabemananjara.

Annick poursuit : «Notre vocation pour le social au service des enfants et des jeunes, c’est cela qui nous a réunis, en plus de l’amour que nous partageons. Et toute notre vie a été façonnée autour de notre grand projet».

Un projet d’abord griffonné sur des feuilles de sketchpad A3... «Roger avait rempli une pièce avec des post-its collés aux murs, puis à partir de toutes nos idées, il a dessiné le croquis de la maison de nos rêves. La maison que nous espérons voir sortir de terre prochainement», confie Annick.

Pour en arriver là, il faudra encore travailler dur en 2016 et 2017 pour trouver les parrains, acheter un terrain, obtenir les permis, bâtir un bâtiment à la fois écologique et «child friendly». Mais les obstacles ne font pas peur au couple.

«Quand nous avons commencé, nous vivions de petits boulots. C’était un choix, nous souhaitions consacrer le maximum de temps pour construire les fondations de notre projet. Nous avions quitté nos emplois respectifs au Foyer Père Laval. Annick était coiffeuse et j’étais animateur sur un programme du Fonds Mondial de Lutte contre le Sida. Je travaillais bien souvent le soir pour animer des sessions de prévention dans les dortoirs des ouvriers malgaches. J’ai aussi été éducateur sportif dans une école de la Zone d’Education Prioritaire… Nous avons commencé à organiser les premières réunions sous un arbre et les premières sorties pour les enfants, sans ordinateur, sans accès à Internet à la maison. Nous allions donc à La Poste pour taper et imprimer des lettres. Je me rappelle d’un jour où nous avions mis sur pied une sortie extrascolaire sur le papier sans une roupie en poche… J’ai alors pris l’annuaire et j’ai commencé à réfléchir aux potentiels donateurs. Et je me suis souvenu que j’avais rencontré Cassam Uteem à une fonction. J’ai décroché le téléphone, et Cassam Uteem a accepté de payer le bus ! Je crois que la clé c’est d’oser frapper aux portes, même très haut», s’amuse Roger, qui se souviendra longtemps de cette anecdote.

Ensuite, tout s’enchaine très vite, encouragés par l’équipe de volontaires (toujours restés proches d’eux aujourd’hui dans le comité de l’organisation), l’enthousiasme des enfants, et les feedbacks positifs des parents, les projets se concrétisent. D’abord sous l’égide du MACOSS puis de leur propre organisation, L’Association Des Amis de Don Bosco.

Pour ceux qui voudraient se lancer dans le social, Roger et Annick ne manquent pas de conseils avisés.. «Ce qui est primordial, c’est une bonne base en management de projets et il ne faut manquer aucune occasion d’apprendre. A nous deux, nous avons cumulé beaucoup de formations : Counselling, Disability Watch, Child Watch, NGO management, WIN leadership Programme, prévention des addictions… », cite Roger, «Nous avons aussi énormément bénéficié de l’accompagnement de M. Dauhoo de SOS Poverty. Ce qui m’a touché à Maurice, c’est l’entraide entre professionnels dans le secteur social sans barrière entre les différentes communautés religieuses».

Convaincue par les projets de l’Association Des Amis de Don Bosco, Georgina Ragaven, consultante CSR à Lafarge, aujourd’hui «marraine de l’association» a permis le lancement du premier projet d’envergure, en 2011, la crèche de Terre Rouge, baptisée La Maison de l’Enfance.

La même année voit se concrétiser Lakaz Mama Marguerite. La première fille retirée à la garde de ses parents biologiques par la Child Development Unit, fait son entrée dans la vie de Roger et Annick le 7 décembre 2011.

«Nous avons toujours gardé dans notre coeur deux enfants en particulier, un frère et une soeur hébergés au Foyer Père Laval. C’est cette relation privilégiée avec eux que nous avons eu envie de multiplier avec d’autres enfants», relate Annick. Aujourd’hui, 29 enfants considèrent Annick comme leur maman et autant appellent affectueusement Roger «papie»,. Dont sept fratries qui ont eu la chance de ne pas être séparés et envoyés dans différents shelters.

«Notre vocation pour le social, au service des enfants et des jeunes, c’est cela qui nous a réunis, en plus de l’amour que nous partageons.»



Un double travail de réhabilitation

«Nous n’aimons pas le mot shelter. Nous militons pour le regroupement familial au sein d’une maison qui doit se rapprocher autant que possible d’un environnement familial», souligne Annick Rabemananjara, de L’Association Des Amis de Don Bosco.

Et leur «famille recomposée» n’exclut pas les liens avec les parents biologiques, tient à préciser Roger Rabemananjara : «Nous travaillons beaucoup avec les parents. La première étape est de leur expliquer la décision de justice et de leur montrer que le placement de l’enfant est révisable dans le temps, en fonction de la situation. Au premier abord, ils nous prennent pour des ‘voleurs d’enfant’ et se révoltent, puis ils comprennent».

Le profil des enfants accueillis varient : victimes de violences de toutes formes, d’abandon, de négligence. Les séquelles sont difficiles à surmonter pour l’enfant et le travail de réhabilitation doit être mené en parallèle du côté de l’enfant et de ses parents (ou d’un proche) quand ils sont connus et retraçables. «Il nous est déjà arrivé d’aller rendre visite à un papa entre 23h et 2h du matin, après son shift de nuit, car nous avions besoin de comprendre l’histoire d’un enfant. Nous assistons également aux visites entre les parents et l’enfant dans les bureaux de la Child Development Unit, tout en respectant l’intimité de ces retrouvailles», précise Roger.

Puis un jour, pour une poignée d’enfants vient le jour des ‘grandes’ retrouvailles et du retour dans la famille biologique. «Nous considérons nos résidents comme nos enfants, voire davantage tant nous cheminons avec eux 24h sur 24 dans les épreuves comme dans les moments de bonheur, alors bien sûr c’est une souffrance de nous séparer d’eux. Mais nous essayons de ne pas le montrer à l’enfant. Nous jouons un rôle pour que cela reste une joie pour lui de rentrer auprès de ses parents. Et puis, nous devons aussi consoler les autres enfants, ceux qui restent. Cela fait plus d’un mois qu’une enfant est repartie chez elle, et les autres, surtout son amie la plus proche, peinent à se remettre moralement de son absence. Tout cela il faut le gérer», raconte Annick.

A ce jour, une dizaine d’enfants ont pu regagner leur domicile, après quelques mois passés au shelter, sans rechute, sans retour par le système d’alternative care de la Child Development Unit. D’autres séjourneront à Lakaz Mama Marguerite plusieurs années, voire jusqu’à leur majorité.et même encore plus tant qu’ils ne sont pas en mesure de s’assumer financièrement.

«Parfois nous gardons des liens avec l’enfant après son retour dans sa famille biologique. Parfois c’est impossible car les parents ne le souhaitent pas du tout et nous respectons leur choix. Certains enfants ne nous oublient pas. Ainsi un ancien résident nous visite à chaque fois sur le chemin de son pèlerinage de Père Laval. Parfois aussi la providence fait bien les choses.. Une semaine j’ai pensé très fort à une jeune fille et je l’ai rencontrée par hasard lors d’une consultation à l’hôpital. J’ai douté que c’était elle car elle avait bien grandi. puis en entendant son nom, nos regards se sont croisés et j’ai pleuré de joie, car à cet instant ce que je ressentais était bien plus fort que de recevoir le plus gros des cadeaux !», confie Annick Rabemananjara.



Appels aux parrains et autres donateurs

Pour limiter les coûts liés à la location des maisons, L’Association Des Amis de Don Bosco ambitionne d’acheter un terrain de deux à trois arpents pour bâtir une résidence (alternative care unit) mixte pour ses résidents (des enfants retirés à la garde de leurs parents sur décision de justice). Ce centre comprendrait également des espaces verts de loisirs et des jardins dédiés à la culture biologique.

L’ONG réfléchit à d’autres projets sur le long terme, qui nécessiteront d’importants fonds de parrains et autres donateurs.

« Notre souhait est que nos enfants puissent poursuivre des études universitaires dans quelques années et qu’ils ne soient pas limités par des contraintes financières. Alors, nous rechercherons activement des parrains pour chaque résident», annonce Roger Rabemananjara.

Le Manager de l’Association Des Amis de Don Bosco reste à la disposition des entreprises et des donateurs pour détailler ses projets CSR. Contact : amisdedonbosco_mu@ymail.com ou 241 1311 ou 5 252 3790.