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Good Governance and Integrity Reporting Bill: pourquoi Bhadain fait-il peur?

25 octobre 2015, 07:11

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Good Governance and Integrity Reporting Bill: pourquoi Bhadain fait-il peur?
Il est, pour l’opposition, l’homme à abattre, le fougueux qui est tant le maillon fort que celui faible du gouvernement. Mais Roshi Bhadain n’a pas froid aux yeux. Après avoir crevé l’abcès BAI de ses doigts, il présentera, mardi, un projet de loi contre l’enrichissement illicite. Dans les coulisses de cette initiative pour remplir un vacuum juridique, le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance a dû batailler ferme sans toujours l’emporter. La preuve : la différence entre la proposition initiale qu’il a rédigée (notre document exclusif), et la version finale qui sera présentée à l’Assemblée nationale, mardi, est abyssale. La plupart des pouvoirs qu’il voulait s’octroyer ont tout simplement disparu, du moins dans la forme.

Explication du texte de loi 

Vivre largement et ostentatoirement au-dessus de ses moyens sans pouvoir expliquer la provenance de ses richesses n’est pour l’instant pas un délit. Si la commission anticorruption (ICAC) n’est même pas mandatée à interroger le détenteur de ces biens, la Mauritius Revenue Authority (MRA), elle, doit se contenter de taxer ces richesses. L’Asset Recovery Unit, de son côté, ne peut procéder à des saisies uniquement que quand il a été prouvé devant une cour de justice que ces richesses résultent d’activités criminelles. En somme, que c’est une activité illégale prouvée qui a conduit à la richesse accumulée. 
 
Si le Good Governance and Integrity Reporting Bill passe le test de l’Assemblée nationale et qu’il entre en vigueur, comme le souhaite Roshi Bhadain, le 1er janvier 2016, c’est le chemin inverse qui sera emprunté. La richesse accumulée – sans que la police, l’ICAC, ou la MRA n’aient prouvé une once d’activité illégale – suffit pour être passible d’une amende de Rs 50 000 et d’un an de prison et, bien sûr, la saisie des biens. 

Exemple 

Prenons le cas des dollars découverts dans les valises et les coffres de Navin Ramgoolam. Il revient actuellement au Central Criminal Investigation Department (CCID) de prouver que cette masse de billets provient d’un délit. Ce qui explique aussi la stratégie du silence adoptée par l’ancien Premier ministre ; aussi longtemps que le CCID ne prouve pas de délit, Navin Ramgoolam peut dormir tranquille. Mais selon la nouvelle loi, un silence de plus de 21 jours sera désormais sanctionné. Le silence n’est plus un droit ; ce n’est plus la culpabilité qui doit être prouvée, mais l’innocence. «Cela n’entame en rien la présomption d’innocence», assure Ivan Collendavelloo, rédacteur de la Prevention of Corruption Act (PoCA) et ministre du gouvernement actuel. «À Hong Kong, certains ont tenté de contester la constitutionnalité d’une telle pratique, mais la cour les a déboutés. Roshi Bhadain vient simplement aujourd’hui combler une lacune dans les lois mauriciennes.»

Comment ça marchera?

  1. Il y aura deux étapes conduites par deux institutions qui seront créées. D’abord, une Integrity Reporting Services Agency, dirigée par un directeur nommé par le ministre de la Bonne gouvernance, se chargera de recueillir les dénonciations. C’est elle qui aura le pouvoir de sommer un citoyen de s’expliquer, dans un délai de 21 jours, sur ses richesses. Si elle est satisfaite des explications, l’affaire s’arrête là. Au cas contraire, elle soumet ses recommandations de «saisie» à l’autre institution, l’Integrity Reporting Board. En cas de panne, l’agence peut demander un ordre de juge pour avoir accès à la liste de biens immobiliers que possède un individu.
     
  2. L’Integrity Reporting Board est lui décrit comme une instance indépendante. À sa tête, un ex-juge du Commonwealth ou un ancien chef juge mauricien et deux assesseurs. Son travail : étudier les recommandations de l’agence et ordonner à celle-ci d’entamer les démarches auprès d’un juge pour faire saisir les «biens inexpliqués».

Ce qu’il voulait

“The minister shall… The minister may… With the consent of the minister.” Dans une version initiale du projet de loi datant du 29 juillet, 40 paragraphes étalés sur six pages commencent par ces phrases. Le paragraphe 25 stipulant même que “The minister may investigate – in conjunction with any other person he may nominate – any suspected malpractice or other matter which appears to him on reasonable grounds to involve a serious breach of this act”. Outre le pouvoir d’enquêter, Roshi Bhadain s’octroyait le droit, au paragraphe 16, de détenir des copies de documents et tout fichier informatique pour le «successful implementation of this act» . Côté institutions, l’Asset Recovery Unit, actuellement attachée au bureau du Directeur des poursuites publiques, et les services de renseignement de l’ICAC allaient passer sous la tutelle du ministère de la Bonne gouvernance. Tous ces paragraphes ne figurent pas dans la version finale. Que s’est-il passé entre ces deux versions ? 

Les méfiances qui perdurent

Il faudra, malgré ces changements, anticiper une levée de boucliers et des débats animés pour le vote de ce texte de loi. Selon la version finale, l’Integrity Reporting Services Agency, le premier niveau de la traque des biens mal acquis, opérera sous le ministère de la Bonne gouvernance et c’est le ministre, avec l’accord du Premier ministre, qui nommera le directeur. Le ministre peut ensuite, à la demande de l’agence, déléguer des officiers de son ministère au service  de l’agence.
 
Au-dessus de cette agence trône l’institution la plus importante : l’Integrity Reporting Board (IRB). C’est cette instance, qui sera présidée par un ex-juge mauricien ou un ancien juge du Commonwealth, qui décidera de la saisie des biens. Le Premier ministre décidera seul, sans consultation avec le leader de l’opposition, pour identifier et choisir cette personnalité. Ce président de l’IRB disposera de deux assesseurs, qui seront nommés par... Roshi Bhadain

«Nouvo bebet»

Le Good Governance and Integrity Reporting Bill est bien inquiétant et effrayant, selon le leader de l’opposition. Ce projet de loi «très dangereux» dit-il, vise à amender la Constitution, estime Paul Bérenger. Pour lui, le Good Governance and Integrity Reporting Bill a été rédigé de manière à épargner le Sun Trust et à coincer l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam, puisque la loi pourra être appliquée de manière rétroactive jusqu’à sept ans «comme par miracle». 
 
Le leader de l’opposition trouve que ce projet de loi est une tentative de créer une diversion pour ne pas introduire une nouvelle Assets Act, et il serait contraire au concept de la présomption d’innocence. Paul Bérenger ajoute que le projet loi prévoit une Integrity Reporting Services Agency qui serait un «nouveau bebet à la Bhadain», avec un directeur nommé par le ministre. Cette agence pourra demander des explications par écrit sur la provenance des fonds qu’une personne  possède ou utilise et elle pourra même demander des informations sur une propriété. 
 
«Je ne comprends pas comment sir Anerood Jugnauth peut laisser passer une telle chose», s’interroge le leader de l’opposition. «Mo krwar ena sorselri ladan ; vremem gouvernman la enn lakaz diab. Mo pa konpran ki manyer ene boug connu pour être dangereux kouma Bhadain ena enn gut parey lor latet tou sa banla. C’est effrayant et  vicieux ; le backdating est calculé pour tirer le Sun Trust d’affaire», estime Paul Bérenger.