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Shakeel Mohamed, député travailliste : «Je ne serai jamais leader du PTr»

24 janvier 2015, 12:58

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Shakeel Mohamed, député travailliste : «Je ne serai jamais leader du PTr»

Vous avez dit que vous alliez féliciter le gouvernement pour ses bonnes décisions. Avez-vous déjà fait votre liste ?
Le gouvernement excelle dans l’art de la communication. Je le félicite pour cela. Chaque petite décision est présentée comme un exploit. C’est ce qui le différencie du précédent gouvernement. Lorsque l’ancien régime a eu l’occasion de communiquer durant la campagne électorale, des décisions stupides ont été prises. Le gouvernement actuel est très bon aussi quand il s’agit de noyer le poisson…

 



Que voulez-vous dire ?
Pendant les élections, il évoquait une baisse du prix de l’essence. Il n’y a pas de meilleure opportunité que la chute du prix sur le marché mondial pour le faire. Or, rien n’a été fait. Le nouveau régime affirme aussi qu’il compte utiliser les windfall gains pour la réparation de tuyaux. Il s’agit d’une taxe indirecte. Il a aussi promis des nominations à travers des appels à candidatures. Sauf dans le cas de l’ICAC (Independent Commission against Corruption ; NdlR) et de la MBC (Mauritius Broadcasting Corporation ; NdlR) où aucun appel à candidatures n’a été lancé. J’en conclus que ce n’était pas nécessaire…

 



Accusez-vous le gouvernement de bluffer ?
Je constate, pour le moment, qu’il y a des halfbaked cakes. Fantastic ideas, mais la mise en pratique n’est pas totale. C’est plutôt une politique de règlement de comptes qui prévaut actuellement. Le PTr l’a également fait, mais j’appartiens à une nouvelle génération. S’il faut condamner les agissements du précédent gouvernement, faisons-le. S’il y a eu faute dans l’affaire Betamax, prenez une décision une fois pour toutes.

 



Justement, que pensez-vous du contrat de Betamax ?
Il faut certainement le revoir s’il y a quelque chose qui n’est pas correct. Ce que je ne comprends pas, en revanche, c’est qu’il y avait, selon mes informations, un seul  soumissionnaire – en l’occurrence Betamax – lors de l’appel d’offres.

 



Est-ce suffisant pour résilier le contrat ?
Non, je ne pense pas. Mais tout contrat doit avoir une porte de sortie, c’est-à-dire, contenir une clause faisant état de termination, modification ou amendment.

 



L’examen des 1 150 arpents de l’État offerts à des proches de l’ancien pouvoir, c’est aussi un règlement de comptes ?
Depuis l’indépendance de Maurice, tous les gouvernements ont alloué des terres de l’État à des personnes qui en ont fait la demande. Qu’y a-t-il de mal à cela ? L’important, toutefois, est de les octroyer sur  la base de projets qui apporteront un plus au pays. S’il faut résilier certains contrats, qu’on le fasse.

 



Considérez-vous qu’il y a eu abus du PTr ?
Au Cabinet, je ne mettais pas de visage sur les dossiers qui étaient présentés. J’examinais les avantages que cela pouvait apporter à l’État. Cependant, si les conditions n’ont pas été respectées, c’est suffisant pour reprendre le terrain. C’est inacceptable que des gens proches du pouvoir obtiennent des terres.

 



Arvin Boolell s’est dit ravi que le pandit Sungkur a démoli sa terrasse à Trou-aux-Biches. Et vous ?
Personne n’a le droit de construire un édifice sur un terrain de l’État sans permission. Vous ne pouvez pas obtenir un lot de terre à bail et y ajouter une terrasse en plus. Les règles doivent être les mêmes pour tous. Des hôtels ont transformé des grazing lands en golf course sans autorisation. Dans le cas du pandit Sungkur, je pense qu’il devait la démolir. Il a même sollicité mon père pour qu’il soit son avocat. Mais il lui a dit qu’il devait d’abord démolir tout ce qui avait été construit dans l’illégalité s’il voulait qu’il le défende.



Doit-on montrer du doigt le financement par le secteur privé des partis politiques ?
Il est clair qu’il existe une relation incestueuse entre plusieurs gouvernements et certains bailleurs de fonds. Il est temps d’y mettre de l’ordre. Le peuple est las de la culture «a job for the boys». La MBC, it’s a job for the boys. Idem pour Robert Desvaux, à la Tourism Authority. Celui-ci n’aurait pas eu le poste s’il n’était pas l’ami de Xavier Duval.

 



En parlant de «jobs for the boys», les casinos de l’État comptent 200 employés surnuméraires. Le PTr est-il responsable de cette situation ?
Tous les gouvernements qui se sont succédé ont perpétué le système. Le PTr, qui subit une phase de restructuration, doit appartenir à une nouvelle ère lors de laquelle les choses sont faites différemment. No more jobs for the boys! Cela ne doit pas exister. Vous rendez-vous compte qu’à la MBC, des chauffeurs sont devenus cameramen ?

 



Les personnes qui croient au changement sont en force au PTr ?
La grande majorité croit à ce changement. Le réveil a été brutal. Tous ont bien appris la leçon.

 



Est-ce un avis que partage le leader du parti ?
Oui. Ce n’est pas uniquement le leader qui fait le parti, car celui-ci compte plusieurs membres. C’est ce que pense la grande majorité qui importe le plus, et non ce que pense un seul homme. On ne peut plus perpétuer un système dans lequel tout s’articule autour d’une unique personne.

 



Suggérez-vous un leadership collégial ?
Ce qu’il faut c’est davantage de démocratie. Un leader de parti doit être élu par les membres.

 


Le leadership de Navin Ramgoolam doit il être remis en question ?
Oui. S’il doit rester le leader, il doit être élu par les membres. C’est comme cela qu’on remonte la pente. Rien de plus normal.

 



Arvin Boolell est cité comme challenger. Pensez-vous qu’il ferait un bon leader ?
De nombreuses personnes ont le potentiel d’être leader du PTr.

 



Arvin Boolell en fait il partie ?
Je répète. Beaucoup de monde a le potentiel d’être leader du PTr. Je suis convaincu que tous doivent avoir la chance de se présenter et de laisser les membres prendre une décision.

 



Vous visez une position dans la hiérarchie du parti ? Qu’il s’agisse du leadership ou d’un autre poste ?
Ce qui est triste c’est que vous ne pensez même pas que je puisse devenir leader…

 



J’ai tout de même évoqué le terme «leadership» dans ma question…
Non, non. Vous n’avez pas pensé leader, mais leadership, une position dans la hiérarchie. Vous ne m’avez pas demandé pourquoi ce ne serait pas moi le leader. Et vous savez pourquoi ? C’est parce que tout le monde pense qu’il faut un hindou à la tête du PTr. C’est là où tout est faussé. Quand est ce que l’ability primera-t-il sur l’aspect community ? L’idée que Shakeel Mohamed devienne un jour le leader du PTr ne vous a jamais traversé l’esprit. Et vous avez raison. Moi non plus je ne pense pas que je puisse devenir le leader du PTr.



Vous vous dites pour le changement, mais vous ne pensez pas pouvoir devenir leader du PTr ? Vous vous contredisez.
Non, je suis réaliste. Je constate que it’s a lost battle. Tout comme Showkut (Showkutally ; NdlR) Soodhun ne deviendra jamais le leader du MSM.

 


L’enquête de Roches-Noires joue-t-elle contre le leader du PTr dans le cadre du renouvellement ?
Je n’en sais rien. Il appartient à Navin Ramgoolam de savoir si cela jouera contre lui. C’est lui qui doit porter lefardeau et le stress. La dernière fois que je l’ai vu, il m’a semblé très serein et confiant en la justice. Ce qui m’agace, c’est l’amalgame malsain qui est fait entre Ramdhony et l’affaire Roches-Noires. Quelle est la connexion ? Je ne vois toujours pas.

 



Navin Ramgoolam a parlé de «plan machiavélique » pour le piéger. Qu’en pensez-vous ?
Tout ce que je peux dire, c’est qu’il est nécessaire de respecter l’indépendance de la police et du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP). Il incombe à la police de décider s’il faut ouvrir une enquête ou pas. Et c’est le DPP qui doit décider s’il y a matière à poursuivre. Si on fait cela, j’ai confiance en l’avenir de notre pays.

 


Le Parlement reprend bientôt avec l’exercice budgétaire prévu en mars. Vos camarades de parti au Parlement sont tous néophytes. Les aidez-vous à se préparer ?
J’ai appris à connaître ces députés. Leur maturité et leur volonté de travailler m’ont impressionné. Ce que je regrette c’est qu’ils n’étaient pas au Parlement entre 2005 et 2014. Je regrette aussi que les trois n’aient pas été ministres.