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Arif Currimjee, homme d’affaires: «Tout n’a pas un prix»

7 novembre 2013, 16:18

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Arif Currimjee, homme d’affaires: «Tout n’a pas un prix»

Adepte de l’économie libérale, l’industriel mauricien, Arif Currimjee, estime néanmoins que ce n’est pas un modèle qu’il faut suivre aveuglément. C’est en cela aussi que le budget 2014 est essentiel. Il devrait, selon, lui, permettre de dresser une nouvelle orientation de politique économique générale.

 

«L’économie libérale est la voie qu’il faut suivre. Par contre, il faut apprendre de ce qu’on a vu ces dernières années. Il y a des limites à ne pas franchir. Nous sommes dans une économie de marché. Mais est-ce qu’on peut devenir une société de marché? Tout n’a pas un prix. Tout ne peut pas s’acheter»,affirme, d’entrée, Arif Currimjee qui pour rappel a aussi été l’un des anciens présidents du Joint Economic Council (JEC).  Le fait demeure que l’économie libérale implique qu’il y ait une inégalité qui peut être acceptable si les services de base sont ouverts à tout le monde. C’est le point de vue qu’expriment les champions du libéralisme économique. «Si tout doit être payé, l’inégalité ne pourra plus être justifiée. Je crois toujours dans ce modèle mais je crois aussi que le marché ne peut pas être présent dans tous les secteurs économiques et sociaux», prévient notre interlocuteur.

 

Les rengaines

 

La même ritournelle revient à la veille de chaque présentation de budget. C’est connu. On parle de période de transition, d’étapes intermédiaires ou à franchir… «Malheureusement, on dit cela chaque année : nous nous trouvons à un point critique. Mais, je crois vraiment qu’on est à un moment où le pays doit prendre une nouvelle trajectoire parce que les secteurs traditionnels de l’économie s’essoufflent, que ce soit le textile, l’agriculture, le tourisme, voire le sea-food hub et les services financiers… Je ne crois pas en une croissance globale de l’économie passant par ces secteurs», analyse Arif Currimjee.

Il ne s’agit pas pour autant de trouver un nouveau secteur. C’est un concept révolu. Trente-quarante ans de cela, on pouvait identifier un nouveau secteur créant 10 000 à 15 000 emplois. Ce n’est plus le cas désormais, estime l’industriel. «Il faudrait, par contre, créer une plateforme de mesures incitatives et régulatrice qui permettra aux entrepreneurs de lancer des activités dans tous ces différents secteurs et surtout dans les nouvelles technologies où, à l’avenir, des compétences additionnelles vont intégrer le marché du travail», suggère Arif Currimjee.

 

Les vœux pieux

 

Il y a aussi ces projets qui demeurent comme des vœux pieux. C’est le cas de Maurice Ile Durable (MID) ou encore l’industrie de l’océan qui sont théoriquement à fort potentiel. Pourquoi on ne s’est pas avancé plus rapidement dans ces secteurs? Est-ce un manque de transparence? Cela est peut-être aussi dû au fait que le secteur privé n’a pas les compétences dans ces nouveaux secteurs sauf dans le MID et le secteur des énergies. «Donc, il faut attirer ces compétences. Je crois que notre performance depuis plusieurs années, et cela date d’avant l’actuel gouvernement, n’a pas été assez bonne pour attirer de nouveaux investisseurs», lance calmement Arif Currimjee.

Il faut, en ce sens, s’inscrire dans une nouvelle dynamique. Une réalité qui se construit graduellement et qu’il faut absolument prendre en compte. Cette réalité est basée sur un phénomène qui dure depuis quelques années et, désormais, elle influe sur les décisions et choix d’investissement du secteur privé. «Le fait d’avoir une roupie mauricienne forte et stable implique que, lorsqu’un entrepreneur veut investir dans un secteur d’exportation, il va réfléchir à deux fois, voire trois fois. Par exemple dans le passé, il était beaucoup plus simple d’investir dans un hôtel. Aujourd’hui, si on assume une roupie forte, le retour sur investissement devient extrêmement difficile à garantir», explique Arif Currimjee. C’est vrai pour le textile et pour certaines activités des technologies de l’information et de la communication… Par contre, avec une roupie forte, c’est beaucoup plus facile d’investir à l’étranger. C’est le phénomène qu’on enregistre à présent. Mais c’est un choix de politique générale qui oppose d’ailleurs des décideurs. A chaque présentation de budget, le ministère des Finances et la Banque de Maurice s’affrontent sur cette question. L’Etat se doit d’arbitrer. C’est, toutefois, difficile de le faire surtout lorsqu’on est acteur soi-même.

 

Le rôle de l’Etat

 

«L’Etat mauricien devrait se retirer de certains secteurs. L’Etat doit être présent dans l’éducation, la santé, les services publics de base accessibles à un coût raisonnable. Par contre, il y a des secteurs où l’Etat ne remplit pas nécessairement une fonction», assure, à cet effet, l’industrie. A ce chapitre, il cite l’aviation, par exemple. A travers le monde, c’est le secteur privé qui a été le plus innovant dans ce secteur, ajoute-t-il. Même les compagnies étatiques de l’aviation les mieux gérées commencent à avoir des problèmes. «Pour nous, à Maurice, l’aviation est doublement importante car elle a des effets sur beaucoup d’autres secteurs», prévient Arif Currimjee. C’est l’une des raisons qui explique d’ailleurs que l’investissement à Maurice a nettement baissé mais il est plus élevé à l’étranger… «Il y a de gros investissements mauriciens à l’étranger», confirme notre interlocuteur.

Le ministre des Finances peut jouir d’une marge de manœuvre restreinte. Mais, il peut aussi, à en croire Arif Currimjee, œuvrer afin de rendre l’économie mauricienne plus dynamique. A lui d’en faire la démonstration.