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Archipel des Chagos: les incroyables documents des Lemière

16 septembre 2018, 19:45

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Archipel des Chagos: les incroyables documents des Lemière

 

L’homme est particulier, limite excentrique. L’histoire qu’il nous raconte est folle. «Ma famille et moi sommes propriétaires de huit îles de l’archipel des Chagos.» Notre incrédulité ne le déstabilise pas. Il y est habitué. Les documents qu’il nous montre aux archives nationales vont se charger de nous convaincre. On est encore plus rassuré quand on comprend la motivation de Paul Lemière : «La famille Lemière ne cherche pas à devenir plus riche qu’elle ne l’est. Mais ces documents peuvent aider dans la quête de la souveraineté mauricienne.» Incroyable, dites-vous ? Et vous n’avez encore rien vu.

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Cinq feuilles de papier. Tellement vieilles qu’elles ont bruni, au point de ressembler à des papyrus. Pour les restaurer, puis les préserver, les archives nationales les ont plastifiées. Les cinq feuilles se ressemblent toutes. En haut : entête de la vieille administration coloniale et signature de sir Henry Barkly, gouverneur de Maurice à l’époque ; en bas : signature de John Douglas, secrétaire colonial et la date. Et quelle date ! Le 11 octobre 1865. C’était il y a 153 ans. Ce sont des concessions de terre par l’administration britannique et se lisent ainsi :

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«Know all Men by these Presents, that, by Virtue of the Power and Authority in me vested by THE QUEEN, I do hereby grant from this day forth and forever unto Henry PLASSON, Auguste LOUYS, and Hyppolite LEMIÈRE, their heirs and assigns, all that portion of land, consisting of Danger Island, situate in the Chagos Archipelago, Dependencies of Mauritius.»

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Dans les quatre autres feuilles, l’administration n’a fait que changer les noms des îles. En somme, selon les cinq documents, Henry Barkly fait don de huit îles à Plasson, Louys et Lemière : Sea Cow, Trois Frères, Danger, Eagle, Boddam, Anglaise, La Passe et Le Diable. Diable ! Pourquoi donc les Anglais donneraient donc ces îles à ces trois-là ? Avant qu’on ne pose la question, Paul Lemière enchaîne : «Je suis le descendant d’Hyppolite Lemière. Il est le papa de mon grand-père, Gaston John Lemière. Sachez qu’à la mort de Plasson, mon arrière-grand-père a racheté ses parts. Tout est dans le registrar.» Et il nous montre une copie du document de vente et s’envole vers un monologue retraçant l’histoire et l’arbre généalogique de sa famille. Il faut insister pour se faire entendre. «Pourquoi les Anglais cèdent-ils ces îles à ces trois-là ?»

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«Pour produire de l’huile de coco, bon sang !» comme si c’était une évidence. «Au-delà d’avoir été le premier homme de couleur membre du gouvernement colonial en 1846 et premier homme de couleur à accéder au rang de maire de Port-Louis en 1953, mon arrière-grand-père était un fin businessman engagé, entre autres, dans le commerce de l’huile produite sur les îles Chagos. Notre huile servait à éclairer Londres», lance Paul Lemière fièrement.

«Propriétaire de huit îles, vous êtes riche alors ?» Il n’en fallait pas tant pour toucher sa fibre poétique. «La famille Lemière a toujours été riche. Riche de coeur, d’esprit et d’argent. Cela ne change rien. La vie est courte. On laisse tout derrière soi. On meurt nu. On ne s’attache pas aux ‘savates des morts’…»

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Mais alors donc pourquoi fait-il tout ça ? Établi en Australie et de passage à Maurice, il a insisté pour qu’on l’accompagne aux Archives nationales. Paul Lemière explique d’abord qu’il est un passionné d’histoire et de documents d’archives. «C’est excitant, vous ne trouvez pas ?» Ensuite, il pense que ces documents peuvent aider Maurice dans sa quête de souveraineté sur les Chagos. «C’est un des rares documents où les Chagos sont décrits comme des dependencies of Mauritius. Alors dites aux Anglais de ne pas jouer aux imbéciles en prétendant que les Chagos n’ont jamais fait partie de Maurice. Mes documents, signés par un gouverneur qui agit sous l’autorité de la reine Victoria les démentent.»

Elizabeth n’a qu’à bien se tenir !