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Saison Hippique 2024

Quand la politique dépasse les chevaux…

4 mai 2024, 10:00

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Quand la politique dépasse les chevaux…

Gavin Glover, président du MTC, lors de l’assemblée générale annuelle de l’institution le 21 juillet 2023.

À l’aube de la nouvelle saison hippique qui débute cet après-midi, la politique a déjà pris le pas sur la compétition. C’est le cas de le dire, car cette nouvelle saison comportera effectivement d’énormes enjeux avec, en toile de fond, les prochaines législatives.

QU’on se le dise, en plus de deux siècles d’histoire, jamais les courses n’ont été autant politisées.

D’un côté, People’s Turf PLC (PTP) dont le patron Jean Michel Lee Shim serait, selon ses détracteurs, un des principaux bailleurs de fonds du Mouvement socialiste militant (MSM), a intérêt à ce que le gouvernement en place soit reconduit pour consolider son assise dans le paysage hippique.

En face, le Mauritius Turf Club (MTC), qui a été relégué sur la touche sous le règne du MSM, souhaite vivement un retour de l’opposition au pouvoir pour retrouver ses prérogatives en tant que principal organisateur hippique et se refaire ainsi une santé financière.

Même si les courses hippiques ne suscitent plus autant d’engouement que par le passé, il n’en demeure pas moins qu’elles restent encore, à ce jour, une des activités qui passionnent le plus les Mauriciens.

Une étude (Economic Impact Assessment), effectuée en 2018, avait révélé que l’industrie hippique employait à l’époque – directement et indirectement – au moins 2 200 personnes, contribuait Rs 679 millions aux caisses de l’État et générait Rs 6,2 milliards (environ 1,7 %) au Produit intérieur brut (PIB) du pays. Cette étude avait également révélé que les courses hippiques étaient de loin l’évènement le plus suivi sur la télévision nationale – «the most viewed event on TV in Mauritius».

Selon un observateur, la communauté hippique pourrait constituer un vivier d’électeurs d’au moins 150 000 à 200 000 personnes et ce n’est certainement pas un hasard si les partis politiques, surtout ceux de l’opposition, s’y intéressent d’aussi près. Dans les coulisses, la campagne a déjà commencé, avec les différents protagonistes qui n’hésitent pas à afficher ouvertement leurs couleurs.

Alors que du côté du MSM, il n’y a pas grand monde, à l’exception de l’organe de presse de Jean Michel Lee Shim, Mazavaroo pour défendre – à défaut de vanter – le bilan de PTP, du côté de l’opposition, les soutiens sont beaucoup plus nombreux. Le Mauritius Turf Club, club bicentenaire, qui compte 700 membres et qui a été contraint de licencier plus de 250 employés depuis l’avènement de PTP, soutient ostensiblement l’alliance Parti travailliste-Mouvement militant mauricien-Nouveaux Démocrates (PTr-MMM-ND).

Après avoir refusé de prendre une licence d’organisateur de courses pour la présente saison, le président du MTC, Gavin Glover, qui est également l’avocat de Navin Ramgoolam, a déjà annoncé un «retour probable du MTC en 2025…» tout en affirmant qu’il n’était pas question à l’heure actuelle «de se soumettre aux diktats d’un concurrent qui, lui, semble avoir les coudées franches avec les autorités…»

Dans la même lignée, à l’occasion du rassemblement du 1er-Mai, Navin Ramgoolam a donné le ton dans son discours en demandant à ses partisans de carrément «aret zwe lekours… tou fixe! Atann MTC retourné kan nou revini ou ava rezwe!» Il est également important de faire ressortir que le député Richard Duval, des Nouveaux Démocrates, est un membre du MTC et était entraîneur de sa propre écurie pendant plusieurs années.

Parallèlement, l’ex-entraîneur Vincent Allet, dont la licence a été suspendue par la Gambling Regulatory Authority (GRA), à la suite de ses démêlés avec Lee Shim l’année dernière, s’affiche ouvertement aux côtés de Rouges dans les circonscriptions nºs 5 et 6 dernièrement.

Par ailleurs, même s’il n’est pas au pays actuellement, l’ancien entraîneur de l’écurie Gujadhur, Ramapatee Gujadhur, est également connu pour avoir des affinités avec le PTr. On se souvient qu’il avait décidé de fermer la plus vieille écurie du turf – la plus populaire de l’île – car il ne voulait en aucun cas s’associer à PTP. Navin Ramgoolam n’a d’ailleurs pas manqué de faire allusion à la fermeture de cet établissement dans son discours du 1er-Mai. Il a, par la même occasion, annoncé que l’assainissement et la relance de l’organisation des courses figurent parmi les 20 mesures phares de son programme électoral.

Il est clair, désormais, que l’opposition cherche à tabler sur (i) la désaffection palpable des turfistes, qui se traduit d’ailleurs pat une nette baisse des revenus provenant des paris (NdlR : plus de 35 % depuis 2022), (ii) l’élan de sympathie dont jouit le MTC au sein de la communauté hippique, une sympathie qui est clairement palpable sur les réseaux sociaux, (iii) l’état du Champ-de-Mars, qui est un des patrimoines de notre pays ainsi que (iv) la diabolisation à travers les réseaux sociaux et d’une certaine presse de tout ce qui touche à PTP

Alors que l’opposition a déjà sorti l’artillerie lourde, force est de constater que la réplique se fait toujours attendre du côté du gouvernement. Le MSM sous estime-t-il l’impact que pourrait avoir le climat délétère qui règne dans l’industrie hippique lors des prochains suffrages ?

Tout en soulignant que la désaffection du public turfiste a débuté bien avant l’entrée en lice de PTP, un proche du pouvoir estime que ce phénomène n’aura pas une influence aussi significative lors des prochaines élections. Il est d’avis que la majorité des électeurs, dont les turfistes, auront d’autres considérations plus importantes et urgentes que leur intérêt pour la chose hippique, lorsqu’ils seront appelés aux urnes prochainement.