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Questions à... Arnaud Henri

«À ce rythme, il n’y aura bientôt que des travailleurs indiens au port»

29 mars 2024, 20:06

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«À ce rythme, il n’y aura bientôt que des travailleurs indiens au port»

Arnaud Henri, Artiste et travailleur social du Village 25, Agaléga

Un mois ce vendredi depuis l’inauguration en grande pompe par les Premiers ministres mauricien et indien de la piste d’atterrissage et de la jetée. Qu’est-ce qui a changé dans la vie des Agaléens ?

Absolument rien. Nou ti mem dan nwar, y compris une moitié de la nuit du 12 mars. Ce n’est qu’à l’arrivée (NdlR, l’entretien a été réalisé mercredi de la semaine dernière, deux jours après l’arrivée du Trochetia à Agaléga) du bateau Trochetia que nous avons reçu un des deux générateurs promis. Ce qui veut dire que seul le Village 25 peut être alimenté en électricité et pas La Fourche. Pourtant, on nous l’avait promis avant même la visite du Premier ministre. Afcons nous avait prêté un générateur, mais ça aussi ne marchait pas des fois.

Y a-t-il eu de nouvel atterrissage d’avion après l’ATR72 d’Air Mauritius ou l’accostage de navires autres que le «Mauritius Trochetia» ?

Non, pas encore.

De nouveaux visiteurs étrangers ont-ils débarqué du «Trochetia» la semaine dernière ?

Personne d’autre pour le moment. Il y a seulement les techniciens indiens arrivés avant l’inauguration. Ils sont une bonne cinquantaine, et on les voit actuellement en train d’installer des appareils et des antennes. Mais je dois surtout dire que nous sommes de moins en moins d’Agaléens à travailler sur la nouvelle jetée comme c’était le cas dans le passée à chaque arrivée de bateau. Pourtant, de génération en génération, nous avons risqué nos vies en mer houleuse pour débarquer les marchandises, dont des véhicules comme des minibus sur les palanquées, et on nous avait dit que notre travail sera moins périlleux avec la nouvelle jetée. Or, le constat est qu’ils ont drastiquement réduit le nombre d’Agaléens qui pouvaient compter sur enn ti travay apar comme «débardeurs» (stevedores) et skippers. On était une bonne soixantaine de stevedores et skippers agaléens avant que les Indiens ne s’en mêlent. Nous ne sommes qu’une dizaine aujourd’hui et on dirait que tout est fait pour nous en dégoûter. Par exemple, la condition de tonnage n’est plus respectée. Pourtant, nous sommes syndiqués. À ce rythme, bientôt il n’y aura que des Indiens en fonction à la jetée.

Savez-vous au moins quand estce que les Agaléens pourront travailler à l’aéroport ? (Rire narquois) Déjà qu’on se débarrasse de nous au port, maintenant vous me parlez de l’aéroport.

Pendant combien de temps encore les Agaléennes seront contraintes de venir sur l’île principale pour accoucher ?

Ce n’est pas demain la fin. En fin de compte, nous ne sommes fixés sur rien du tout. Le Premier ministre est venu faire ce qu’il avait à faire et est reparti, nous laissant dans l’incertitude.

Les futures mamans tout comme les Agaléens malades auraient pu enfin bénéficier pleinement de tous les services existants de l’hôpital super équipé construit par les Indiens et ainsi ne plus avoir à être évacués à Maurice ?

C’est logique que cet hôpital n’est pas pour les Agaléens mais pour les pilotes et autres membres du personnel indien. Et le Premier ministre qui vient dire qu’il n’y aura pas de base militaire ! n Pourquoi, justement, êtes-vous toujours persuadé du contraire ? D’abord, la presse indienne sur internet même maintient à ce jour qu’Agaléga est une base militaire. De ce qu’on m’a dit, il s’agit d’une base militaire stratégique. On ne verra pas de militaires indiens s’entraîner comme dans des camps, mais ce sera une base militaire pour la surveillance.

Le Premier ministre a aussi dit que les vols commerciaux sur Agaléga ne sont pas à l’ordre du jour dans l’immédiat. Est-ce que cela ne vous révolte pas alors que la veille de cette déclaration, il avait inauguré une piste d’atterrissage plus longue que celle de Rodrigues ?

Ce qui est troublant, c’est qu’il est venu procéder à des inaugurations alors que les choses ne sont pas prêtes et qu’il reste encore des installations à faire. Eski bann indien lamem panvi ki trouv enn bann zafer ki pou éna?

Quand est-ce que les Agaléens pourront-ils enfin faire venir des matériaux de construction de Port-Louis pour que les nouveaux mariés cessent enfin de n’avoir d’autre choix que de recourir aux barils pour avoir de la tôle pour une extension de la maison parentale existante ?

Sa péna! Pa ekzisté sa! Inn fini bafwé sa! Le Premier ministre a dit que certains ont construit illégalement. Ces personnes doivent maintenant faire une requête à l’écrit et attendre l’approbation pour espérer obtenir des sacs de ciment et des tuyaux.

L’éducation dans tout ça ?La voix des parents d’enfants agaléens déplorant le manque d’enseignants et le choix restreint de sujets en secondaire, a-t-elle été entendue ?

Quatre nouveaux enseignants sont arrivés sur le Trochetia la semaine dernière. Le personnel du secondaire a été renforcé. Par contre, il faut les encourager. Ils ont quitté leur famille, leur confort, pour venir se consacrer à nos enfants que nous souhaitons voir s’occuper de et défendre notre île à l’avenir. Ces enseignants doivent être bien traités si on veut qu’ils prodiguent un bon enseignement à nos enfants. Là, j’apprends qu’ils sont quatre à se partager une cuisine.

Le supermarché inauguré par le Premier ministre a-t-il enfin été approvisionné ?

Pas encore. Des travaux sont toujours en cours. Aster pé mont létazer.