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Laurent Baucheron de Boissoudy: «L’enfant ne peut faire son deuil qu’avec la vérité»

4 janvier 2023, 22:00

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Laurent Baucheron de Boissoudy: «L’enfant ne peut faire son deuil qu’avec la vérité»

Cette année, plusieurs parents ont perdu la vie dans des circonstances tragiques, dont des meurtres. Hélas, ce deuil est difficile à gérer, d’autant plus qu’il faut l’annoncer aux enfants des victimes. Comment s’y prendre ? Que dire et ne pas dire ? Explications avec Laurent Baucheron de Boissoudy, psychologue clinicien, qui travaille à l’association Open Mind et à la Ruth School.

Comment annoncer à un enfant que son parent est décédé ?
Parler de la mort est un sujet tabou dans nos cultures, et c’est toujours très délicat pour les parents et les familles d’annoncer le décès d’un parent à un enfant. Cependant, pour annoncer la mort d’un parent, nous pouvons nous appuyer sur deux principes : être vrai et être simple.

Quel est l’impact sur l’enfant quand on choisit une autre approche, par exemple quand le parent est en voyage ou au travail, et qu’il reviendra ?
S’il nous semble parfois trop délicat, trop difficile de parler à un enfant de la mort de son parent, le fait de penser aux conséquences très négatives qu’aura sur lui le fait de travestir la vérité, ou même de lui mentir, va nous aider à ne pas le faire et à lui dire la vérité.

Comment se sent-il en apprenant que ses proches ont menti sur la disparition des parents – par exemple, en disant que le parent est au travail au lieu de dire qu’il est mort ?
La pratique clinique nous montre que les enfants auxquels on a menti souffrent ensuite d’un manque de confiance envers les autres, les adultes notamment. Ils vont eux aussi développer un rapport ambigu avec la parole. Un enfant auquel on a menti va peut-être, lui aussi, utiliser le mensonge lorsqu’il aura quelque chose de délicat à dire à ses proches.

Du coup, risque-t-il d’être incapable de faire son deuil ?
Cela va rendre plus difficile et plus compliqué de faire son deuil, bien sûr, si on ne lui dit pas la vérité. Si on énonce d’autres arguments qui sont faux sur le décès de son parent, cela va effectivement empêcher le processus de deuil. Le petit va rester perturbé pendant des années. Par conséquent, il ne pourra pas faire son deuil. L’enfant ne peut faire son deuil qu’avec la vérité.

Y a-t-il des manières spécifiques pour aborder le décès d’un parent en fonction de l’âge des enfants ?
Si le principe de la vérité et de la simplicité reste le même pour annoncer le décès d’un parent à un enfant, nous pourrons cependant tenir compte de l’âge de l’enfant dans les mots que nous utiliserons, et la façon de l’annoncer. Un enfant de moins de 5 ans est en contact étroit avec le monde de l’imaginaire, des images, et nous pourrons recourir aux images telles que «monter au ciel», «rejoindre le Bon Dieu», «retourner à la terre», «dans l’Univers», «dans les étoiles».

Ce sont des images qui, dans l’absolu, ne sont pas fausses, et qui aideront l’enfant à faire une transition entre présence et absence du parent. Dans ses pensées, peut-être ses prières, l’enfant pourra envisager que sa maman ou son papa soit parmi les étoiles ou parmi les arbres d’une forêt…

Entre six et dix ans, les enfants ont des connaissances beaucoup plus riches à propos des processus de naissance et de mort qui font partie de la vie. Nous pourrons parler de la mort du parent comme de celle d’un grand-père ou d’une grand-mère, celle d’un chien ou d’un chat, mort récemment dans son environnement familial. Au-delà de dix ans, l’enfant a droit au respect le plus élémentaire auquel a droit tout être humain sur la terre : la vérité. Cette vérité peut être énoncée avec beaucoup de simplicité, de respect et d’amour.