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Tourisme: quand les visiteurs surveillent leur porte-monnaie

18 septembre 2022, 22:00

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Tourisme: quand les visiteurs surveillent leur porte-monnaie

De janvier à août 2022, plus de 500 000 touristes ont visité Maurice, selon Statistics Mauritius. Depuis la reprise, bon nombre d’entre eux arpentent les supermarchés, snacks de rue et autres commerces. Pourquoi cette tendance ? Les magasins de luxe sont-ils délaissés ? Outre la volonté de dépenser plus intelligemment dans l’ère post-Covid-19, ils veulent découvrir l’île autrement, indiquent des opérateurs. Tour d’horizon.

Assis sur la péniche d’un snack à Port-Louis, un groupe de touristes savourent leur bol de mines frites. D’autres ont opté pour des boulettes qu’ils avalent avec appétit. «Les touristes viennent manger plus fréquemment dans ces petits snacks de rue. Je les vois très souvent comme j’y déjeune en semaine», soutient Brinda, une employée de bureau de la capitale. Même constat chez des propriétaires, à l’exemple de Sudesh Dewa, directeur de Dewa Dhol Puri. Selon lui, les touristes sont rassasiés des menus internationaux. À l’inverse, affirme-t-il, les menus mauriciens offrent une diversité de saveurs, notamment le masala des currys dans le dhol puri, les nouilles frites, les boulettes, les gâteaux piments, le briyani, etc. «Les touristes viennent souvent acheter ou manger du dhol puri chaque semaine. Plusieurs en prennent également pour en ramener et les congèlent pour consommation ultérieure, une fois rentrés au pays d’origine. Sur Flic-en-Flac, par exemple, beaucoup de visiteurs quittent leur hôtel pour manger dans des petits restaurants.» Selon lui, ces menus typiques sont plus pratiques et rapides, limitant le temps d’attente.

D’après Kunal Awotar, président de l’Association of Tourist Shop Owners, l’affluence actuelle de touristes à Maurice peut expliquer leur circulation accrue dans les commerces typiques. Ajay Jhurry, président de l’Association of Tourism Operators (ATO), abonde dans ce sens. «Avant la pandémie, le secteur tournait. Évidemment, les touristes d’appartement se dirigeaient vers les courses en supermarché. Vous allez les voir un peu plus dans les rues, comme ils se déplacent en voiture de location ou en autobus. Par contre, les clients d’hôtel s’orientent plus vers les tours opérateurs», indique-t-il. Selon ce dernier, les pratiques touristiques actuelles démontrent une mixité de la clientèle.

Ce ne sont pas uniquement des Réunionnais ou des Sud-Africains qui «descendent dans les rues» mais bien d’autres nationalités comme des Ukrainiens, entre autres, dépendant de leur budget de voyage. Dans ce cas, ils font leur propre programme au lieu de passer par des tour-opérateurs. Ce qui fait qu’ils bifurquent vers des boutiques régionales, supérettes et hypermarchés. Une formule qui marche particulièrement sur les zones côtières, constate Jean-Marc Sik Yuen, directeur du supermarché Sik Yuen. «Ils achètent de l’eau, des alcools et des aliments, entre autres, qui coûtent moins cher que dans les commerces touristiques», souligne-t-il.

En quête de produits locaux

D’ailleurs, comme l’indique Kunal Awotar, comparés aux mini-bars des hôtels, les supermarchés incarnent un choix plus abordable. «Auparavant, il n’y avait pas autant de grandes surfaces. Désormais, nous en avons bien plus. Les établissements hôteliers recommandent eux-mêmes aux clients d’aller vers les commerces locaux.» De plus, poursuit-il, les touristes sont davantage en quête de produits locaux comme des épices, sucres spéciaux, souvenirs, vêtements fabriqués localement. Sur le plan gastronomique, divers visiteurs, y compris les «clients cinq-étoiles», optent pour les menus typiques, soutient-il, et ils sont guidés par les revues publiées sur Internet. «Souvent, les touristes nous demandent ce que nous prenons au déjeuner et quelles sont nos spécialités. En somme, ils veulent faire les mêmes expériences que les Mauriciens», confie-t-il.

Est-ce dû au budget post-Covid-19 désormais rétréci ? Kunal Awotar répond par la négative, soutenant que le touriste a «plus d’argent qu’avant la pandémie». Pour Ajay Jhurry, l’envie de voyager est là mais pas forcément, l’amorçabilité des coûts. Selon lui, la formule touristique ne se résume pas qu’à l’hôtellerie. «C’est un aspect de vérité avec ces clients étrangers qui s’intègrent davantage dans la population. On ressentait une rupture entre celle-ci et les touristes. Je ne dirai pas que cela a changé. On demande plus d’efforts. C’est cela la vraie distribution de la richesse», avance-t-il. Le contact direct avec le public permet à tous d’en bénéficier, ajoute-t-il.

Masse touristique

Selon Jean-Marc Sik Yuen, le budget post-Covid avec la récession économique pèse aussi dans la balance. Bien sûr, les économies ne comptent pas pour du beurre pour les visiteurs, estime-t-il. Pour Nathalie Gauthier, responsable du marketing d’Adrien’s Dreams Company, le pouvoir d’achat touristique reste inchangé. Ainsi, malgré la hausse des prix du carburant et des tarifs d’excursions maritimes, les visiteurs continuent à dépenser sur ces services. «Quand vous les voyez au supermarché et aux stands de boulettes, je pense qu’ils veulent diversifier leurs activités au lieu de se cantonner au séjour hôtelier. C’est aussi pour connaître en profondeur la culture mauricienne», confie-telle. D’ailleurs, la formule bed and breakfast est encore plus prisée.

À Flic-en-Flac, il est très difficile de trouver des campements à louer car une catégorie de clients prend l’option self-catering avec la masse touristique qui a largement augmenté. Cette tendance est récurrente auprès d’une clientèle essentiellement composée de Français, Scandinaves, Danois, Irlandais et quelques Allemands, entre autres, souligne Nathalie Gauthier. «Ce n’est pas forcément lié à un budget de vacances limité. En fait, ce sont surtout des clients qui reviennent et qui ont déjà fait leur petit repérage dans l’île. Ils sont souvent amis à des Mauriciens qui leur conseillent le self-catering et ils séjournent habituellement pour une à deux semaines», ajoute-t-elle.

Les boutiques d’articles de luxe sont-elles pour autant délaissées face aux nouvelles tendances d’achat et aux dépenses mieux planifiées ? Le président de l’Association of Tourist Shop Owners constate que «le pouvoir d’achat des touristes a augmenté». «Comme les clients n’ont pas beaucoup voyagé pendant deux ans, maintenant, ils préfèrent dépenser sur leur séjour. En termes de produits de luxe, les touristes arabes privilégient les produits confectionnés localement et peuvent dépenser beaucoup. Ils n’optent guère pour du cachemire ou des polo-shirts, ce qui est à l’inverse de la pratique chez les Européens. En effet, ceux-ci vont surtout acheter des vêtements de marque ou du cachemire», explique-t-il.

Pour sa part, David Célestin, de La Pirogue Maquettes de Bateaux, indique que les visiteurs maintiennent leurs achats de souvenirs mauriciens. D’ailleurs, ce dernier et son père effectuent des expositions de maquettes de bateaux en soirée dans les hôtels, ce qui leur assure plus de visibilité. «Quand nous nous y rendons, nous voyons des visiteurs rentrant de leur balade, avec des sacs de provisions des supermarchés. On constate que les touristes achètent malin désormais et ne vont pas se laisser embêter», déclare-t-il.
 

 

En chiffres

<p><strong>557 245 touristes, dont 379 351 Européens </strong></p>

<p>De janvier à août 2022, Maurice a accueilli 557 245 touristes dont 379 351 provenant du continent européen. 109 676 sont des touristes africains et des îles de l&rsquo;océan Indien tandis que 56 525 sont originaires d&rsquo;Asie. 2 564 visiteurs se sont déplacés des pays de l&rsquo;Océanie comme l&rsquo;Australie et la Nouvelle-Zélande et 8 863 d&rsquo;Amérique, du Canada, du Brésil et d&rsquo;autres pays américains. En termes de durée de séjour, on note qu&rsquo;elle était de 79,5 nuits de janvier à août 2021. En revanche, cette année, ce nombre était de 12,4 nuits. Quant aux revenus touristiques, en juin 2022, ils se chiffraient à Rs 4,128 milliards contre Rs 171 millions en juin 2021.</p>