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Discussions PTr-MSM: «Dir zot révé», réplique Ramgoolam

7 août 2022, 18:00

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Discussions PTr-MSM: «Dir zot révé», réplique Ramgoolam

Une odeur étrange émane de «Lakwizinn» depuis quelques jours… Certains ont enfilé leur tablier et y mijoteraient des plans pour qu’une improbable alliance rouge-orange puisse voir le jour. Mais le chef du PTr, lui, est catégorique : il ne mangera pas de ce pain-là.

Il y a une règle d’or que la politique mauricienne a enseignée au fil des ans et qui est pourtant la plus sous-estimée : les apparences sont trompeuses. Ainsi, malgré toutes les salves réciproques entre le Mouvement socialiste militant (MSM) et le Parti travailliste (PTr), aussi étonnant que cela puisse paraître, il existe un courant au sein des deux partis qui affirme qu’une incroyable alliance Jugnauth-Ramgoolam pourrait être souhaitable, voire possible... Comment en est-on arrivé à cette grotesque idée ? On vous révèle les calculs et motivations de ces wishful thinkers.

«Attention. Si des bruits de tractations d’une alliance MSM-PTr vous parviennent, il ne pourrait peut-être que s’agir d’une diversion d’un MSM mal en point, qui ne cherche qu’à contenir l’hémorragie de son électorat vers le PTr», prévient d’emblée Jean Claude de l’Estrac, quand nous l’avons mis au parfum des informations qui émanent de Lakwizinn depuis 72 heures. S’il y a, sans nul doute, une part de justesse dans les consignes de prudence de ce vieux briscard – terme absolument pas péjoratif – qui en a vu des vertes et des pas mûres pendant son cheminement politique et journalistique, le fait demeure que l’idée de cette improbable alliance a fait son bout de chemin et elle est bien arrivée jusqu’aux oreilles de Ramgoolam, qui nous confirme que l’idée germe chez certains de son parti. Mais il rassure : «Dir Pravind Jugnauth révé, tan ki mo la pa pou éna sa. Je l’avais dit auparavant et je le redis à la manière de George Bush père : Read my lips, péna simé !»

Pourquoi donc certains au PTr nourrissentils une telle idée ? Parce que d’abord, c’est une planche de survie que souhaite le MSM. «À tous ceux qui jubilent face aux dégâts que nous cause Sherry Singh, sachez qu’une alliance PTr-MSM est en tractation et nous y parviendrons», affirme une source proche de Pravind Jugnauth. Cette alliance se ferait alors un peu à la manière du PTr-Mouvement militant mauricien (MMM) de 2014, soit contre toute attente, le MMM de 2022 serait laissé sur la touche comme ce fut le cas pour le MSM de 2014. La réflexion qui en découle chez le courant pro-MSM au PTr : «Avec un MSM affaibli au point de frapper à notre porte, cela peut s’accompagner d’un bon deal (nombre de tickets, Prime ministership, hiérarchie, Front Bench, etc.).»

Ensuite, sur papier, aux yeux de ces wishful thinkers, une alliance PTr-MSM, plus un petit allié urbain, «garantirait» une victoire portée par les circonscriptions 4 à 14, et résoudrait bien le paradoxe MMM. Autant les mauves – Bérenger surtout – sont considérés comme un handicap en région rurale, autant la crainte d’un 2019 bis (élection à trois, dispersion des votes anti-MSM, et le parti soleil qui gagnerait avec une minorité des voix) est toujours là. Et c’est bien cela le bâton que brandit Pravind Jugnauth dans ces négociations. Car les alliances se négocient à coups de séduction, mais aussi à l’aide de menaces et de bluff.

C’est dans ce panier que le MSM classe, pour le moment, l’attaque frontale de Ramgoolam contre Jugnauth, quand il l’a accusé de haute trahison dans l’affaire révélée par Sherry Singh. À ce jeu-là, Pravind Jugnauth a renchéri en s’attaquant à l’épouse de Navin Ramgoolam. «Kobita Jugnauth fait l’objet de toutes les critiques, it’s still a fair game», renchérissent ceux – du MSM – qui osent toujours y croire.

Autre événement que le MSM considère comme du bluff : les négociations d’une alliance PTr-MMM. Il faut dire qu’au MSM, la nontenue de la réunion de l’opposition prévue mardi dernier, pour mettre en marche la manifestation du 12 août (la date sera finalement repoussée) et le retournement de situation à Mauritius Telecom, qui a vu le retour surprise, le mot est faible, du témoin clé Guddoy dans le scandale de data capture & sniffing, ont eu un un effet requinquant, voire euphorisant. Au Sun Trust, on annonce que Pravind Jugnauth passera à l’attaque très bientôt – cette semaine ou celle d’ensuite – sur ce dossier. «Sherry Singh et ses allégations seront démentis avec force et documentation et ce ne seront plus que de mauvais souvenirs.» Reste à savoir par quel tour de passe-passe Pravind Jugnauth compte s’y prendre alors que Port-Louis se fait déjà taper sur les doigts par Pékin pour l’avoir mêlé, par la voix du maladroit Hurreeram, à ce scandale. Mais cela trahit bien la pensée au MSM : si l’épine des révélations de Sherry Singh est balayée, l’accusation de «haute trahison» émise par Navin Ramgoolam le serait aussi, et les négociations pourraient (re)démarrer.

Enfin, cette alliance – qui selon Ramgoolam ne se fera pas – serait la concrétisation du rêve indien sur le territoire mauricien. «Ne sous-estimez pas l’ingérence indienne dans la politique locale. N’oubliez pas le rôle qu’a joué feu Narasimha Rao (NdlR, ministre BJP dans les années 1980 et Premier ministre indien de 1991 à 1996) dans la consolidation de l’alliance bleu-blanc-rouge de 1987, deux ans après le scandale des Amsterdam Boys», s’inquiète un parlementaire du PTr.

«Il ne faut au contraire pas surestimer l’interventionnisme indien chez nous», réplique Jean Claude de l’Estrac. Cette semaine dans l’express, il a raconté comment, en tant que simple président de la commission des Affaires étrangères du MMM, il avait été reçu par Indira Gandhi, qui accorda son aide et son soutien aux mauves, puis au MSM ; histoire de rappeler que l’Inde soutiendra toujours le gouvernement mauricien, quel qu’il soit. Pour lui donc, «puisque la politique est une question d’ego, puisque celui de Ramgoolam ne voudra jamais s’allier aux Jugnauth pour toute l’humiliation subie, et vu l’affaiblissement apparent du MSM, Navin Ramgoolam n’aurait aucune raison de se laisser séduire par la seule idée de maintenir Pravind Jugnauth au pouvoir.» Ce qui corrobore la réponse que nous a fournie Navin Ramgoolam.

Pour l’heure, le chef des rouges parvient facilement à contenir le courant pro-MSM au PTr. Mais la cacophonie de l’opposition qui n’arrive même pas à s’entendre autour d’une date pour une manif, la menace d’une réédition de 2019, et – non des moindres – l’histoire des alliances impossibles conclues, nourrissent toujours le rêve fou tant au Sun Trust qu’aux Salines...