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Le Parlement a touché LE FOND

6 juillet 2022, 10:30

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«I withdraw your mic! (…) You have no question, Leader of the Opposition (…) The whole world knows what is Parliament in Mauritius (…) Don’t challenge my authority!»

Extraits de la diatribe d’un speaker qui va marquer l’histoire comme étant le président d’une Assemblée nationale jadis auguste, et aujourd’hui méprisable.

En censurant en direct le leader de l’opposition, avant même que celui n’ait pu poser sa première question supplémentaire après la réponse, étonnamment courte, du Premier ministre à la PNQ sur la «3rd Party saga», le speaker Sooroojdev Phokeer a profané le temple de la démocratie une fois de plus, cette fois-ci comme pratiquement jamais auparavant.

Si le 3 août 2021, le speaker-bully avait déjà dépassé les bornes du permissible (quand il avait outrageusement fait allusion à l’épiderme du député Rajesh Bhagwan, en lui lançant à pas moins de 11 reprises : «Look at your face!»), hier, en volant au secours du Premier ministre, Sooroojdev Phokeer a inventé des Standing Orders et réécrit les règles de la PNQ, qui est l’une des dernières armes dont dispose l’opposition parlementaire pour exercer son travail de contre-pouvoir face à un régime ouvertement absolutiste. Aux parlementaires de l’opposition qui se sont révoltés, avec raison, contre le parti pris inadmissible et la présidence antidémocratique de Phokeer, celui-ci leur a tout simplement montré la porte.

On n’a jamais atteint un tel niveau de bassesse à l’Assemblée nationale. Face aux abus répétés du speaker, que vont faire les démocrates de ce pays ? Entrer une autre action en cour avec le risque que celle-ci, après une longue attente, tombe en raison de la séparation des pouvoirs ? Le problème dépasse l’opposition parlementaire. Il nous concerne tous. Pouvons-nous, ou, plutôt, devrions-nous rester les bras croisés et faire comme si de rien n’était ?

Il est clair que Phokeer ne va pas changer et que le PM semble être content de sa performance. D’ailleurs, le calme de Pravind Jugnauth face à la question précise de Xavier-Luc Duval traduisait un stratagème déjà réglé avec le speaker. Alors que le PM a pris l’habitude de noyer ses interlocuteurs avec des discours-fleuves qui contiennent souvent des points insignifiants, histoire de gagner du temps et de réduire le temps des questions, cette fois-ci, il a été minimaliste (en restant flou !), car il savait que le speaker allait se jeter entre lui et l’opposition, tel un goalkeeper qui a attrapé le ballon, pour jamais le lâcher, quitte à mettre fin à la partie.

Pourtant, la liste des questions des députés et du public au PM est longue. Entre autres, pourquoi ne confirme-t-il pas si Nayen Koomar Ballah, chairman de MT, mais aussi secrétaire au Cabinet et chef de la fonction publique, parenté aux Jugnauth, a bel et bien appelé Sherry Singh le 14 avril 2022 par rapport à l’installation d’un spyware pour sniffer le réseau Internet ? Si, suite au refus essuyé par Ballah, le PM n’a-t-il pas personnellement appelé le CEO de MT, le vendredi 15 avril, à 10 h 18, soit juste avant le Conseil des ministres, pour l’installation du spyware sur le câble SAFE pour le compte d’une «foreign party». Ces appels à Sherry Singh avaient-ils pour but de le convaincre ou de l’intimider ? Le PM est-il sensible aux droits des Mauriciens relatifs à leurs données digitales qui doivent être sauvegardées, au lieu d’être divulguées ? Ne craint-il pas de froisser les pays voisins en ouvrant l’accès aux données de leurs citoyens ? Pravind Jugnauth revient-il à la charge après avoir essayé, en mai 2021, de faire passer l’infâme Consultation Paper on proposed amendments to the ICT Act for regulating the abuse and misuse of social media in Mauritius qui avait soulevé un tollé international ?

Le PM, pour toute réaction aux graves allégations de Sherry Singh, avait dit ceci : «Atann ou pou gété.» On attend toujours !