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«Sniffing» d’Internet: À quoi s’expose Pravind Jugnauth ?

5 juillet 2022, 11:00

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«Sniffing» d’Internet: À quoi s’expose Pravind Jugnauth ?

S’il est vrai que le Premier ministre, Pravind Jugnauth (photo), a voulu donner l’accès à notre trafic Internet à une puissance étrangère, il s’exposerait à plusieurs poursuites. Dont celle pour haute trahison. Mais il y a d’autres délits et crimes pour lesquels il serait passible de poursuites.

Le crime très grave de haute trahison est celui qui consiste à agir en collusion avec une puissance étrangère, pour trahir sa patrie, sa souveraineté. Il est vrai qu’avec la mondialisation, le plus grand mal que l’on puisse faire à un pays sur le plan économique n’est plus considéré comme un crime. Au contraire, il est encouragé au nom de la liberté du commerce. Cependant, dans certains pays comme la Chine, la trahison économique peut être considérée comme une haute trahison et qui peut mener à la peine capitale.

Sinon, la haute trahison fait plutôt référence de nos jours à la sécurité de l’État surtout sur le plan militaire. Comme le stipule la section 57 de notre Code pénal : «Any person who devises any plot or keeps up intelligence with any foreign power or the agent of a foreign power in order to move or stir it up to commit hostilities or levy war against the State, or to procure for it the means of so doing?» Comme on le constate, on parle de «plot», de complot. On ne sait comment serait jugé un crime de haute trahison déjà commis. C’est pourquoi l’avocat Richard Rault parle de législation diffuse et s’interroge si cette imprécision est délibérée. En fait, cette loi a une notion élastique, nous dit Wikipedia, car dépendant du pays qui l’applique.

Comme Agalega ?

Y a-t-il eu de violation de la section 57 de notre Code pénal ? Cette section parle de guerre ou menace de guerre. L’interception du trafic internet ne veut a priori pas dire qu’il y aurait entente avec un État ennemi. Mais si jamais ce sniffing de données permet par exemple aux Indiens ou aux Américains de prendre connaissance des échanges entre l’ambassade de Chine et son gouvernement, cela n’équivaudrait-il pas à de l’espionnage pour autrui, qui pourrait être qualifié d’acte d’hostilité ? Si d’autre part ce sniffing résulte en une hostilité entre, par exemple, la Chine et Maurice, alors qu’il a été fait en faveur d’un autre pays, est-ce une trahison ? À la cour de se prononcer éventuellement. Si ce sniffing résulte en une hostilité entre la Chine et l’Inde, y a-t-il eu trahison ? Encore une fois, ce sera aux juges éventuels d’en décider. Et si Maurice aura à en pâtir, dans les deux cas, par, disons, des actes d’hostilité mais non guerriers ? Difficile à dire.

Mais si un citoyen met les données nationales auxquelles il ne peut lui-même pas accéder à la disposition d’un État belligérant (ou belliqueux), il semble bien qu’il y ait d’acte de trahison. Cependant, pour citer Richard Rault encore une fois, la loi est floue. En tout cas, moralement, cela ressemble bien à de la haute trahison. Tout comme d’ailleurs le serait la mise à la disposition éventuelle d’Agalega à une puissance étrangère.

Qu’en est-il de la section 72 ? «Any person having knowledge of any plot formed or of any crime contemplated against the internal or external safety of the State who does not reveal such plot or crime, and does not give information to the Government or the administrative authorities or to the police, of the circumstances relating to it which may have come to his knowledge, all the information being given within the 24 hours following the knowledge, shall, for the single fact of concealment, be punished in the manner and according to the distinctions which follow, although it is proved that he has committed no act of complicity.»

Une accusation de la violation de cette section de la loi pourrait aussi tenir. Pour Jugnauth d’abord et surtout. Car s’il est avéré qu’il a pris connaissance de cette demande d’une entité étrangère et n’a rien fait, il serait en violation de la section 72 du Code pénal. En fait, il n’a non seulement pas averti le Parlement, le président de la République ou le Conseil des ministres mais il est allé de l’avant en participant à cette entreprise. Ce qui le met de plus en situation de complicité et de participant dans un complot contre l’État mauricien et sa population. Ou contre une autre puissance étrangère.

Et Sherry Singh ? Il pourrait lui-aussi être passible de poursuites s’il n’a pas informé la police ou toute autre autorité. Cependant, il peut arguer qu’il l’a fait dès qu’il était possible, à travers une radio. Car comment peut-on s’attendre à ce que Sherry Singh aille à la police pour dénoncer celui qui contrôle de facto et de jure la force policière ? Quand l’on sait que le contrôle exercé par le Premier ministre sur la police à Maurice est encore plus fort grâce aux chefs sous contrat, il est évident que l’ancien patron de MT ne voudra pas se confier à cette police de crainte d’être arrêté et poursuivi lui-même. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons qu’il ne l’a pas fait après avoir rendu publiques ses allégations.

Après la haute trahison, il y a d’autres lois qui pourraient être enfreintes. Me Ritesh Ramful nous disait que «l’allégation concerne une tentative d’intercepter illégalement des données de communications». Me Ashok Radhakissoon, ancien directeur de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA), nous explique qu’il y aurait au moins tentative de violation de l’ICT Act, de la Data Protection Act et de la Cybersecurity Act. Cette dernière loi prévoit à la section 7 sous «unauthorised access to computer data (1) Subject to subsection (2), any person who gains unauthorised access to any program or data held in a computer system shall commit an offence». Et à la section 8, «interception of computer service (1) Subject to subsection (4), any person who, by any technical means, wilfully intercepts or causes to be intercepted without authorisation, any computer data, or electromagnetic emissions carrying computer data, or non-public transmissions to, from or within, a computer system shall commit an offence». La section 13 stipule : «Unlawful possession of devices and computer data (1) Any person who intentionally manufactures, sells, procures for use, imports, distributes or otherwise makes available, a computer system, computer data or any other device, designed or adapted primarily for the purpose of committing any offence under this Act shall commit an offence.»

D’autres lois encore auraient pu être violées…