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En vue des élections: les modalités du prochain accord PTr-L’Espoir

9 janvier 2022, 18:30

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En vue des élections: les modalités du prochain accord PTr-L’Espoir
  • Trois ans à Ramgoolam et deux ans à Boolell (ou un autre travailliste)
  • Objectif : éviter une élection à trois au bénéfice des 37 % de Pravind Jugnauth
  • Damry «out»
  • Entre 30 et 32 tickets pour le PTr qui en voulait 35
  • Pas sûr que Bodha et Bhadain signent

«Thanks, but no thanks.» C’est la position publique et officielle de Navin Ramgoolam face à une alliance entre le Parti travailliste (PTr) et l’Entente de l’Espoir qui regroupe le MMM, le PMSD, le Reform Party et le Rassemblement mauricien. «Se zot (NdlR, l’Espoir) ki pé rod nou, nou dir zot thanks, but no thanks.» Mais le «zot ki pé rod nou» n’était pas totalement exact, quand Ramgoolam avait prononcé cette phrase en juillet. La position de l’Espoir a toujours été «wi à Travayis, non à Ramgoolam». Or, le règne de Ramgoolam au PTr n’a jamais été menacé. Au contraire, à chaque fois qu’une fronde a semblé s’installer, par exemple, au lendemain même de l’expression du vœu de l’Espoir pour une alliance avec le PTr sans Ramgoolam, ce dernier a su rassembler sa meute. Ce jour-là, alors qu’on attendait que Boolell bombe le torse et montre ses muscles, le «numéro 2» du PTr a choisi le camp de son leader en chantant sa gloire. Ce statu quo, avec un Ramgoolam intransigeant sur sa candidature au poste de Premier ministre pour une alliance électorale avec les autres partis d’op- position, dure jusqu’aujourd’hui… enfin presque. L’express est ainsi en mesure de vous révéler qu’un accord (voir les modalités plus loin) est proche.

Contrairement à ce qui aurait été évident, ce n’est pas Xavier-Luc Duval – allié naturel et historique de Navin Ramgoolam depuis 2005, sauf en 2014 – qui a mené les négociations. Celles-ci ont lieu entre Navin Ramgoolam et… Paul Bérenger, via un émissaire messager des propositions et contre-propositions des deux hommes. Le leader du MMM discute de son côté avec les autres leaders de l’Espoir, puis avec le bureau politique de son parti.

Ce petit jeu de la patience et de l’usure, Ramgoolam le maîtrise. Intransigeant sur le poste de Premier ministre, le leader du PTr a légèrement assoupli sa position mais le message envoyé à Bérenger a été celui-ci : «Si vous ne voulez pas de moi, allons à une élection à trois comme en 2019 avec le risque que cela comporte pour nous tous. Soit nous gagnons ensemble, soit vous vous entêtez et nous perdons tous au profit des 37 % (28 % si on en déduit l’abstention) de Pravind Jugnauth et au détriment du pays.»

En avouant implicite- ment son incapacité à gagner seul, Ramgoolam a transformé, lors de ces négociations, sa faiblesse en principal point fort. Il a compris que le socle de réflexion de ses futurs alliés repose sur un fondement : «libérer le pays de Jugnauth». Et à la simple évocation d’une potentielle victoire de Pravind Jugnauth comme en 2019, avec seuls 37 % des voix, les obstacles s’aplanissent. Après avoir ouvert les enchères avec une intransigeance absolue sur le poste de Premier ministre pour cinq ans, Ramgoolam pourrait se contenter de trois ans.

Le plan, c’est qu’il annonce sa totale retraite politique pour la date qui coïnciderait à la passation de pouvoirs entre lui et son successeur ; soit trois ans après les prochaines élections générales. Cette annonce devrait intervenir au moment même de la conclusion de l’alliance avec l’Entente de l’Espoir.

Au PMSD et au MMM, on estime avoir «essayé d’évincer Ramgoolam, mais ça n’a pas marché. Ça n’allait jamais marcher puisque cela relève du Parti travailliste. Si personne chez les Rouges n’ose faire aboutir les contestations contre Ramgoolam, ce n’est pas de notre faute, et ce n’est pas une raison pour qu’on accorde la moindre chance à Pravind Jugnauth de se reconduire au pouvoir». Ainsi cet accord pour plébisciter «le moindre mal entre Jugnauth et Ramgoolam» est pleinement assumé comme une solution «pez nene bwar dilwil», avec à la clé la récompense d’éjecter Pravind Jugnauth du pouvoir et faire promettre à Ramgoolam qu’il s’en ira définitive- ment au bout de trois ans de primeministership.

Trois ans pour Ramgoolam et les deux restants iront au… PTr encore ! Le choix (ce n’est pas encore une décision actée) se porte pour l’heure sur Arvin Boolell. On notera ici que l’absence du nom du néophyte Daneshwar Damry, ami de Navin Ramgoolam (celui qui l’a accompagné en Inde pour son traitement anti-Covid) qui avait été pendant un temps cité comme son successeur à la tête du PTr a été complètement rayé. Vient ensuite, la répartition du nombre de tickets. Le vœu de l’Espoir (si ce nom pourra toujours être utilisé – voir hors-texte), est d’en obtenir 30 et de laisser les 30 autres au PTr. Ramgoolam insistait pour 35 tickets, mais il est prêt à descendre jusqu’à 32. Voilà qui scellerait définitivement la position du PTr comme locomotive de l’alliance.

Quant au front bench, il devrait se composer en ordre de priorité de Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, Reza Uteem et Arvin Boolell jusqu’à ce que celui-ci accède au poste suprême – ou pas. Autre facteur qui pourrait déterminer la composition du front bench, c’est la candidature de Paul Bérenger. Le leader du MMM a déjà fait savoir à son BP au lendemain des élections de 2019 qu’il ne comptait plus se présenter comme PM à nouveau. Est-ce à dire qu’il ne se portera pas candidat ? Pour l’heure, Bérenger est bien candidat au no 19, mais d’ici 2024, la route est longue. Le temps donnera les indications qu’il faut et répondra à cette question : Paul Bérenger n’est-il pas un obstacle majeur dans l’équation pour que la locomotive PTr fasse sa part dans les régions rurales ?

En effet, si éviter une élection à trois reste le moteur de la décision, cette alliance comporte bien un risque : ce- lui de trop ressembler à l’alliance PTr-MMM qui avait mordu la poussière en 2014. Pour contrer cela, les leaders se disent pragmatiques : «En 2014, c’était contre feu sir Anerood. Son fils est un désastre impopulaire qui a montré son incompétence sur tous les dossiers et dont le gouvernement a une bien mauvaise image, avec tous les scandales qu’il traîne, comme la gestion du Covid et l’achat de Molnupiravir. Cela nous place dans une bien meilleure posture que 2014. Il y aussi l’usure rapide de Pravind Jugnauth.»

L’usure et le temps, sont cependant un couteau à double tranchant. Si Pravind Jugnauth en souffrira, cette formule d’alliance en passe d’être actée peut, elle aussi, souffrir de l’usure : celle de Navin Ramgoolam. Si le calendrier électoral est respecté et que les élections ont lieu en 2024, voire mi-2025, cela voudra dire que Ramgoolam restera au-devant de la scène pour six longues années à compter de ce jour – trois ans avant les élections, et trois ans comme PM – et il faudrait encore que cette alliance gagne les élections. Ramgoolam sera âgé de 80 ans quand il passera le témoin à Boolell.

L’état de santé du leader du PTr sera aussi soumis à l’épreuve du temps. À peine remis du Covid en septembre, il vient de rentrer chez lui après une intervention chirurgicale. Celle-ci a également retardé les négociations de ces quelques jours, mais elles devraient reprendre de manière beaucoup plus intense dans les jours qui viennent.

Bhadain et Bodha contre ?

Au sein de l’Espoir, si Paul Bérenger en tant que négociateur mandaté auprès du PTr, et Xavier-Luc Duval qui a déjà publiquement annoncé qu’il voudrait bien céder le poste de leader de l’opposition à un parlementaire du PTr, devraient logiquement être partants pour cette formule (à quelques modifications près), Nando Bodha et Roshi Bhadain n’ont donné aucune indication de leur accord ou pas à la formule «Ramgoolam trois ans, un autre PTr deux ans». «Que peuvent-ils bien faire ?» se demande un membre du MMM. «S’ils ne veulent pas être «on board», à cause de Ramgoolam, ce qui est compréhensible, ils n’ont pas trop le choix. Nous faisons tous des concessions et l’utopie de Bhadain pour un changement de système passe d’abord par le fait d’empêcher que Pravind Jugnauth ne revienne au pouvoir.» Dans l’entourage de Nando Bodha, on indique «qu’à la suite de sa démission du MSM, après y avoir passé 40 ans, dont 25 comme secrétaire général, ce dernier ne compte aucunement soutenir un gouvernement dirigé par les Rouges». Serait-il possible que pour deux ou trois tickets, il adhère à un tel projet ? «Ses priorités sont connues : il l’a dit clairement, il est déterminé à aller de l’avant avec son projet de société et veut avant tout, être à l’écoute de la population. Il souhaite que l’opposition parlementaire, extraparlementaire et la société civile rassemblent leurs forces. Il compte aller jusqu’au bout en misant sur un message de changement en profondeur, arguant qu’une grande partie de la population ne prête pas allégeance aux partis traditionnels», explique-t-on. «Sur le terrain, il sent que les gens ont envie d’un renouveau.» Ceux qui le côtoient ajoutent que sa démission du MSM était due surtout au dysfonctionnement du parti. «Il ne va en aucun cas cautionner à nouveau un tel schéma...»