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Politique et commission Britam: la guerre Bhadain vs Jugnauth monte encore d’un cran

1 août 2021, 22:30

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Politique et commission Britam: la guerre Bhadain vs Jugnauth monte encore d’un cran

Décriez les approximations des auteurs du rapport de la commission d’enquête sur Britam, lamentez-vous du «timing» ou du contenu politique, trouvez, peu importe quel argument qui soulève les omissions du rapport, le fait demeure que Pravind Jugnauth vient de marquer un point important face à un adversaire politique très gênant. Le coup aurait certes été plus efficace s’il avait réussi à désolidariser l’opposition de Roshi Bhadain, mais «l’Espoir» reste uni derrière Bhadain. Ce qui est sûr, c’est que nous assistons à une autre manche dans la guerre qui oppose l’ex-ministre au Premier ministre et qu’elle ira crescendo…

«De zan edmi monn dan gouvernman ek pena personn kapav montre mwa ledwa pou dir ki monn pran enn roupi», s’est toujours targué l’avocat et leader du Reform Party (RP), Roshi Bhadain, depuis son refus de prêter serment dans le gouvernement de Pravind Jugnauth en janvier 2017. Depuis, le leader du RP est devenu un des plus farouches opposants de son ancien parti, le Mouvement socialiste militant (MSM). Son palmarès est éloquent. Il a soit contribué à faire éclater ou même été le révélateur de nombreux scandales, les plus récents étant l’affaire Angus Road et l’assassinat de l’ex-agent MSM Soopramanien Kistnen.

Adulé sur les réseaux sociaux (ses vidéos suscitent des milliers de réactions), Roshi Bhadain se retrouve cette fois dans la position qu’il déteste : être accusé et, de surcroît, par Pravind Jugnauth. Le rapport de la commission d’enquête contient certes de nombreuses failles et des imprécisions, mais il intervient à un moment où Roshi Bhadain s’apprête à prendre son bâton de pèlerin pour se rendre dans les villages pour expliquer ce qu’il appelle «la dangerosité de maintenir Pravind Jugnauth comme Premier ministre». Or, c’est toute une autre machinerie qui s’est mise en marche avec la publication du rapport Domah: la MBC et une radio proche du pouvoir en font leurs choux gras, le duo d’attaque du gouvernement – Maneesh Gobin et Bobby Hurreeram –a tenu une conférence de presse dédiée au rapport ; ce qui laisse présager toute une com du MSM sur les reproches que fait le juge Domah à Roshi Bhadain.

«Ne sous-estimez jamais le silence de Pravind Jugnauth. Il vient de démontrer qu’il a une forte capacité analytique qui lui permet de contre-attaquer n’importe qui, même les grandes-gueules comme Bhadain», nous a dit, vendredi, une de nos rares sources proches de Lakwizinn (NdlR : terme inventé par Bhadain pour décrire la garde rapprochée de Pravind Jugnauth). Quand nous insistons auprès de cette source sur certaines faiblesses de fond notées dans le rapport, il renchérit: «Qui vous dit que Pravind Jugnauth n’a pas gardé quelques cartouches, que ce soit sur Britam ou même Angus Road ? Bhadain a voulu la guerre, il l’aura.»

D’habitude c’est Bhadain qui dit à l’encontre du MSM : «Zot inn rod lager ar nik mouzonn, zot pou ganyé.» L’homme n’a visiblement pas changé. Depuis mardi, jour de la publication du rapport Domah, au-delà des explications de fond pour contrecarrer le contenu du rapport et au-delà de sa fameuse phrase «enn sifon 352 paz bon pou souy Lakwizinn so bann karay sal», il a maintenu qu’il reviendrait à la charge sur les «cadeaux du MIC aux amis du pouvoir» et l’affaire Angus Road en ajoutant : «Se Angus Road ki pou fer Pravind Jugnauth démisione».

Depuis hier, le leader du RP est dans une position encore un peu plus confortable. Paul Bérenger, Nando Bodha et Xavier-Luc Duval l’ont tous publiquement soutenu en s’attaquant à un rapport «politique et partial» d’une «soi-disant commission d’enquête». Le rapport Domah n’aura finalement pas eu d’incidence sur l’alliance de l’espoir. C’était pourtant l’un des objectifs recherchés. À la conférence de presse du gouvernement hier, Bobby Hurreeram disait : «Mo anvi tandé ki Paul Bérenger pou dir aster, li mém ki ti tret Bhadain de voyou politik.» Mais Paul Bérenger a été catégorique en qualifiant le rapport Domah d’outil politique.

Est-ce à dire qu’on se retrouve à la case départ ? La réponse est non. Aujourd’hui, Pravind Jugnauth tient un document écrit noir sur blanc par un ex-juge qui «zet labou» – terme utilisé par Bhadain lui-même – sur son ex-ministre. Le gouvernement annonce qu’il va saisir des instances internationales pour approfondir l’enquête de Domah et ses assesseurs. Roshi Bhadain, de son côté avec le caractère qu’on lui connaît, sera doublement motivé à régler ses comptes avec le Premier ministre, pendant qu’il commence une longue bataille légale contre le rapport et ses auteurs. À la guerre comme à la guerre…

Les faiblesses notables du rapport Domah et ses incidences

<p>1. Sattar Hajee Abdoula. L&rsquo;homme, assesseur du juge Domah, est teinté d&rsquo;orange et il fait planer le spectre du <em>bias.</em> Son coup de fil à Pravind Jugnauth en présence de Dawood Rawat est connu et il a été entendu par des milliers de Mauriciens. Il préside SBM Holdings, a été nommé administrateur d&rsquo;Air Mauritius et il est connu pour être très proche du pouvoir. Il aurait aussi <em>&laquo;an axe to grind&raquo;</em> avec Bhadain qui lui avait refusé un paiement d&rsquo;honoraires plus de Rs 20 millions quand il était ministre.</p>

<p>2. La partie kenyane n&rsquo;a pas été invitée à répondre aux dires de Vidianand Lutchmee- parsad qui affirme qu&rsquo;il y avait bien une offre de Rs 4,3 milliards de Britam pour racheter les parts de BAI.</p>

<p>3. Bhushan Domah écrit noir sur blanc après la déposition de Dev Manraj, le secrétaire financier, que <em>&laquo;there is no document to show that the kenyans had made a firm offer to buy the shares at Rs 4.3 billion&raquo;. </em></p>

<p>4. Le juge Domah va jusqu&rsquo;à publier une information selon laquelle l&rsquo;argent que l&rsquo;État a perdu dans le deal avec Britam peut être retracé dans un compte bancaire aux Émirats arabes unis. Or, le juge Domah publie cela en avouant avoir reçu cette <em>&laquo;piste&raquo;</em> de sources anonymes et qu&rsquo;il n&rsquo;a pas pu la corroborer.</p>

<p>5. Il ne divise pas l&rsquo;Alliance de l&rsquo;espoir. Bodha, Bérenger et Duval se sont ralliés derrière Roshi Bhadain.</p>

Ce qu’implique le rapport Domah pour Bhadain

<p>1. Même si les accusations et les faits ne sont pas précis, le rapport est un document qui jette noir sur blanc le doute autour du <em>deal</em> Britam. Les auteurs du rapport jouissent de l&rsquo;immunité et ne peuvent pas être poursuivis pour diffamation, par exemple.</p>

<p>2. Bhadain doit désormais s&rsquo;investir dans une bataille légale, qui risque d&rsquo;être longue, voire difficile. Une <em>judicial review</em> est un exercice très technique et Bhadain doit être très prudent car un quelconque revers dans ses contre-attaques risque d&rsquo;être irréversible.</p>

<p>3. Biaisé ou pas, Domah jouit du statut d&rsquo;ex-juge et l&rsquo;histoire retiendra que ce rapport a été rédigé par un &laquo;ex-juge&raquo;, avec la crédibilité que cela entraîne.</p>

<p>4. La police va sans doute prendre le relais et Bhadain ne pourra pas arguer qu&rsquo;elle se laisse dicter par le pouvoir. La police agira <em>&laquo;officiellement&raquo;</em> d&rsquo;après les recommandations du rapport Domah.</p>