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Well done, camarade Steve !

17 juillet 2021, 10:43

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Bien mieux que Joe Lesjongard sur TV5 Monde ou Pravind Jugnauth sur la BBC, Steve Obeegadoo a fait honneur au pays, jeudi, quand il est intervenu sur CNN

Nul ne peut nier que le numéro deux du gouvernement est un bien beau parleur, avec une pincée de pédanterie qui n’a rien de ridicule. On peut aimer ou pas le timbre de sa voix, que d’aucuns auraient souhaité un tantinet plus grave, mais personne ne peut contester le fait qu’il maîtrise la langue de Shakespeare (et celle de Molière du reste) de manière… théâtrale, un peu comme un Lord britannique, certainement mieux que le vieillissant Lord Meghnad Desai. Sur la forme, il n’y a rien à dire ; à lui seul, le ministre du Tourisme a frappé bien plus fort que toutes les campagnes, trop souvent ratées, de la MTPA (dont celle inexcusable et risible de quelque Rs 400 millions signée avec Liverpool à cause des nominés politiques sans colonne vertébrale). 

Contrairement aux candidats battus qui deviennent des nominés politiques et qui sont dépourvus d’esprit critique et incapables de dire non au gaspillage de l’argent public, Steve Obeegadoo donne, lui, l’impression d’être «one class above». Et comme un Mauricien suivant régulièrement CNN, je dois avouer que je me suis senti fier de voir l’un de mes compatriotes s’exprimant avec pareille allure, et une telle prestance (serait-ce l’influence de sa mère qui a fabriqué tant de Miss Mauritius ?).

L’express, souvent critique de l’action gouvernementale, surtout quand ceux payés par nos sous de contribuables dérivent, doit aujourd’hui s’incliner devant le ministre du Tourisme qui a su vendre les «resort bubbles» avec les talents d’un bon commercial. Ce qui nécessite une forte dose de persuasion et d’enthousiasme. En bon avocat de Maurice, Obeegadoo a mis en avant les arguments de vente percutants («sandy beaches», «pristine waters», etc.) et la forme (la façon dont il prononce son argumentaire était franchement primordiale : énergie, passion, patriotisme et assurance étaient au rendez-vous pour convaincre). 

Ce qui rend la prestation d’Obeegadoo encore plus honorable, c’est qu’il a dit, sans cligner des yeux, que «Mauritius is relatively Covid-Safe». Nous qui vivons ici, et non aux États-Unis, savons fort bien que le mot «relatively» importe. L’ironie a voulu que quand Obeegadoo vantait la destination Maurice, jeudi sur CNN, son collègue Kailash Jagutpal – heureusement qu’on n’a pas envoyé ce psychiatre à la voix hyper irritante sur CNN – annonçait, lui, que plus d’une centaine de cas positifs ont été recensés en une journée. Ce qui fait penser que la situation pourrait rapidement «spin out of control», si tant qu’on n’est pas déjà en pleine troisième vague, tant les cas ne diminuent pas, mais augmentent. Toutefois, la bonne nouvelle, c’est que l’on meurt de moins en moins du virus et de ses variants, à Maurice.

Alors que les opérateurs du secteur hôtelier réalisent que la première phase ne va pas attirer nombre de visiteurs, Obeegadoo a décrit les 14 jours de quarantaine obligatoire dans les hôtels comme une expérience unique et a maintenu qu’il est confiant qu’on atteindra la barre de 650 000 touristes d’ici 12 mois. Le ministre du Tourisme ne s’est pas attardé sur la situation locale, et la contagion dans les écoles, avec raison, car il s’adressait à un public externe, à qui il faut vendre du rêve. Donc, il a choisi de propulser notre pays comme le prochain Serum Institute de l’océan Indien, qui enverra vaccins et médicaments en Afrique. «Mauritius investing 7% of GDP to making vaccines, other drugs (…) Vaccines to also supply Africa via African Continental Free Trade Agreement!» reprenait CNN alors qu’Obeegadoo chantait les louanges de Maurice, en prenant visiblement son pied sous les projecteurs des caméras de CNN, qui sont bien plus puissantes que celles des médias mauriciens qui le mitraillaient cette semaine alors qu’il inaugurait de nouveaux appartements NHDC. 

Bien sûr, pour ceux qui réalisent qu’on n’a même pas été capable de fabriquer une roue des fameuses bicyclettes jadis promises par Vishnu Lutchmeenaraidoo, il nous faut d’abord voir les premiers vaccins mauriciens pour pouvoir croire en ce projet gouvernemental. Mais qu’à cela ne tienne, la fibre patriotique en nous déborde dans le même chauvinisme que le Premier ministre adjoint quand il s’agit de défendre notre pays et nos ambitions. Quand on est dans un contexte international, notre regard sur notre pays change forcément puisque les perspectives ne sont pas les mêmes – et parce que ce pays, nous le portons en nous, comme nos parents nous ont portés quand on grandissait…

Mais, ici, recroquevillés entre nous-mêmes, on se tire dans les pattes car les opportunités sont réduites et les chatwas bien trop nombreux. Ceux qui n’arrivent pas à briller professionnellement doivent alors se transformer en des lécheurs de bottes des propriétaires de partis. Comme il y a beaucoup de lécheurs et peu de jobs, il faut lécher encore plus. Obeegadoo connaît ce refrain… par coeur. 

Lui-même, il a pris des âges avant de réaliser que Paul Bérenger ne le laissera jamais monter sur le podium. À l’époque, on le défendait et il aimait bien notre journal pour son engagement – qui est resté désintéressé. Et il le faisait savoir. Il avait aimé particulièrement notre papier «Il faut sauver le soldat Steve» (publié en janvier 2018) : «Tuer le dauphin potentiel (devenu le propre des partis traditionnels), pour mieux imposer sa succession. Sacrifier un fils du parti pour un bien sans doute plus grand. Obeegadoo travaille pourtant avec une mission inculquée par le MMM. Il ne dévie pas. Il suit les lignes pour tenter de mieux les faire bouger. Il a ainsi beaucoup contribué à la constitution du parti et sur la fameuse Task Force post-2014, dont le rapport a vite été enterré par un Bérenger et sa garde rapprochée qui semblent devenir de plus en plus intolérants à la critique.» Puis quand il a abandonné ses camarades de la Plateforme militante pour rejoindre l’alliance dirigée par le MSM, le discours d’Obeegadoo a aussi changé. Lui aussi, il est devenu de plus en plus intolérant face à la critique des journaux indépendants. Mais ce n’est pas notre propos du jour. Aujourd’hui, on voulait saluer ce fils du sol qui a fait vibrer nombre de Mauriciens. Well done, Steve! Il faut sauver notre pays commun !!