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Budget 2021-22: volonté de rigueur économique

15 avril 2021, 15:04

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Budget 2021-22: volonté de rigueur économique

Le ministre des Finances souhaite créer une économie forte en vue de favoriser une croissance robuste. Ambition réalisable ou voeu pieux ?

Avec les consultations budgétaires enclenchées depuis lundi, le ministre des Finances se voit une nouvelle fois projeté au-devant de la scène économique. Il multiplie les rencontres avec les stakeholders, les rassurant des lendemains meilleurs avec la réouverture graduelle de l’économie tout en définissant dans la foulée les grands enjeux économiques post-Covid-19.

À bien l’écouter, Renganaden Padayachy souhaite rechercher à travers son deuxième exercice budgétaire un équilibre entre les réformes et la relance. Cela pour «créer une économie forte en vue de favoriser une croissance robuste». Ambition certes légitime pour un ministre des Finances en pleine tempête économique mais a-t-il pour autant les moyens de son objectif alors même que le PIB s’est contracté de 14,9 % l’année dernière ? Avec pour conséquence que les principaux piliers économiques, jadis porteurs de croissance et pourvoyeurs d’emplois comme le textile, la construction et le tourisme, sont tous plongés dans la déprime.

À son équipe de techniciens, le locataire du Trésor public a déjà balisé le terrain budgétaire : pas de mesures économiques austères qui pourraient appauvrir une partie de la population mais une volonté de poursuivre une rigueur économique avec, nous dit-on, des paramètres à respecter quant à certains indicateurs macroéconomiques. Sans doute, il n’a pas de choix quand toutes ses décisions, voire ses manœuvres budgétaires, sont étroitement scrutées par l’agence américaine Moody’s et des institutions internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).

D’ailleurs, Maurice est sous surveillance de l’agence de notation américaine après qu’elle a revu récemment à la baisse son score du profil macroéconomique de «Moderate-» à « Weak +» afin de refléter le contexte opérationnel et fiscal de plus en plus difficile. Mais aussi après avoir tiré la sonnette d’alarme sur la capacité financière du pays à rembourser ses dettes qui ont été sur une courbe ascendante ces dernières années, s’accentuant l’année dernière avec l’effet Covid-19. Elles s’élevaient à Rs 362 milliards au 31 décembre 2020, soit représentant 84,5 % du PIB. Ce qui est largement supérieur à la norme imposée par les institutions financières internationales.

Le ministre des Finances laisse entendre ces jours-ci qu’il ne jouera pas sur le clavier fiscal, tant au niveau des entreprises déjà lourdement affectées par une trésorerie fragile que celui des ménages déjà saignés à blanc avec un renchérissement du coût de la vie suivant l’effet économique de la pandémie. Ni encore sur le clavier monétaire pour frapper à la porte de la Banque de Maurice en vue de faire rouler la planche à billets comme l’année dernière et empocher une contribution oneoff de Rs 60 milliards pour le compte du Trésor public. Ce qui a permis d’ailleurs à Renganaden Padayachy d’équilibrer son Budget.

D’ailleurs, une grosse part de cette manne financière, soit plus de Rs 20 milliards sur un montant total de Rs 33 milliards injecté comme des revenus courants du gouvernement pour l’année fiscale 2020-21, a été utilisée pour financer les différents plans d’aide à l’emploi (Wage Assistance Scheme et Self-Employed Assistance Scheme, etc.). Ces derniers ont été mis en place en mars 2020 dans le sillage de la pandémie pour préserver, selon le ministre Padayachy, la structure économique en protégeant les entreprises pour éviter le spectre du licenciement économique qui aurait atteint 100 000 personnes.

Recours au FMI/BM

Aujourd’hui, les spécialistes estiment que le ministre des Finances peut encore disposer de la différence restante de ces Rs 33 milliards ainsi qu’une partie de la contribution exceptionnelle de Rs 27 milliards de la BoM allouée aux dépenses de développement, sachant que certains projets d’infrastructure ont été momentanément gelés, pour présenter un Budget avec une marge de manœuvre financièrement gérable.

Existe-t-il alors d’autres options budgétaires qui s’offrent au ministre des Finances à moins de 10 semaines de la présentation du deuxième Budget du gouvernement bis de Pravind Jugnauth ? Le secrétaire financier, Dev Manraj, a déjà proposé dans une circulaire au Supervising Officers des ministères et autres départements gouvernementaux une réduction des dépenses courantes pour l’année fiscale 2021-22.

Ce qui est a priori socialement explosif pour le gouvernement dans un contexte de crise économique et des sacrifices exigés à la population sur le front sanitaire. Et qui supposerait au bout du compte la réduction des salaires des fonctionnaires (Rs 133 milliards) et la baisse des bénéfices sociaux (Rs 44 milliards). En revanche, il y a une volonté au ministère des Finances pour se pencher sérieusement sur les critiques émises par le directeur de l’Audit et voir comment on peut limiter, voire éliminer, les gaspillages de fonds publics et des dépenses non-productives engagées massivement dans les institutions d’État, voire les services gouvernementaux.

Et quid des prêts auprès des agences de financement comme le FMI et la Banque mondiale (BM) ? Rajeev Hasnah, économiste et haut cadre dans le secteur privé, plaide en faveur de cette option. D’autant plus, dit-il, que le pays a besoin aujourd’hui de rentrées massives d’argent en devises et que «le recours à ces institutions impose nécessairement de la discipline fiscale dans la gestion de fonds publics».

Tandis que les deux confinements ont coûté au pays plus de Rs 65 milliards, selon certains économistes alors que d’autres estiment le manque à gagner moins sévère, entre Rs 40 milliards et Rs 50 milliards, le Trésor public travaille actuellement sur plusieurs scenarii de croissance qui seront développés dans le prochain exercice budgétaire. Cependant, selon les experts, le taux franchira difficilement la barre de 5 % pour l’année calendaire 2021. La Banque de Maurice, qui a calculé le taux à 7,9 % pour la même période et le FMI, dans son dernier rapport sur le World Economic Outlook, à 6,6 %, auront à revoir leur copie sur la base des conséquences économiques du second confinement.

Et les réformes ? Pour le moment, on ne connaît pas les contours des réformes que le ministre des Finances compte apporter à l’architecture économique. C’est une démarche sans doute salutaire, réclamée d’ailleurs par beaucoup de spécialistes l’année dernière, qui souhaitaient une refonte des principaux secteurs déjà essoufflés et dépassés par les défis de la mondialisation et aujourd’hui à genoux par la crise. La dernière grande réforme économique portait l’empreinte de Rama Sithanen en 2006. Quinze après, une nouvelle réforme s’impose, dictée par les effets dévastateurs de la récession provoquée par le Covid-19. Tous les États sont soumis aujourd’hui à cette logique car des pans entiers de l’économie auront besoin demain des puissants leviers de redressement pour sortir de la crise. Le moment pour rebattre les cartes…