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Gros bras, petits esprits ? Non !

16 janvier 2021, 07:22

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Avis aux gros bras qui ont défilé devant le tribunal de Port-Louis : n’essayez pas de prendre la loi entre vos mains et arrêtez votre mauvais cinéma. C’est juste un conseil. Qu’on vous donne en toute bonne foi et sans rancune aucune.

De nos jours, vos moindres faits et gestes sont filmés, pas forcément par les caméras de Safe City, mais par les téléphones portables du citoyen lambda. Malgré vos masques et vos capuchons, vous êtes notoirement connus et êtes désormais fichés à jamais sur les réseaux sociaux, et la presse et la société civile, qui se sont senties menacées, vous surveillent de près. Vos tentatives d’intimidation resteront vaines.

Certes vous pouvez toujours tenter de taire la voix d’un ou de deux journalistes ou internautes, mais sachez qu’il y en aura une dizaine d’autres qui prendront, sans tarder, la relève pour s’assurer que vos crimes et abus ne restent pas impunis. On ne lâchera pas l’affaire. Bien au contraire.

Et si vous pensez que les politiciens qui sont au pouvoir – le temps de leur mandat éphémère – vont pouvoir, en retour, vous protéger des ennuis de justice, vous vous trompez. Car eux-mêmes, quand ils sont dans l’opposition, viennent quémander notre concours pour ne pas sombrer dans l’oubli. Sous la pression populaire de la rue, surtout en marge des élections (municipales), ils vous largueront vite, comme on largue de vieilles chaussettes qui puent.

N’avez-vous pas remarqué que pratiquement personne des 27 % de l’électorat qui ont voté pour le MSM aux dernières élections n’était présent pour soutenir Yogida Sawmynaden à Port-Louis cette semaine ? En fait, comme supporters du ministre du Commerce, il n’y avait que vous. On a fait appel à vous parce que d’autres n’ont pas voulu venir pour se rendre ridicules aux yeux de tous.

Mais vous, vous étiez là pour d’autres raisons. Ne louez-vous pas vos services au plus offrant, sans aucune vue politique commune ? Vous êtes comme des mercenaires insulaires, des gens qui agissent sur commande, pas forcément par idéologie ou ambition. Vous savez bien que les dynasties se livrent à un jeu de chaise musicale et que vos appartenances varient selon les partitions, et en fonction d’autres gros bras, qui sont actuellement à la retraite.

Le scénario est connu : on fait souvent appel à vous pour des opérations qu’on ne peut pas demander à la police d’effectuer – surtout après que le gouvernement a réalisé que le coup des «snipers» était devenu le gag de ce début 2021. Vous êtes financés par des caisses noires que les partis politiques tiennent allègrement, en l’absence d’un cadre régissant le financement des partis ou des dynasties.

Vous savez bien qu’un gouvernement ou un parti politique doit préserver une façade de respectabilité. Cette exigence de respectabilité pour un État dit démocratique entraîne certains, soucieux de résoudre des conflits internes, à opter pour l’emploi des mercenaires à l’utilisation des forces de l’ordre traditionnelles, qui, elles, impliquent des responsabilités politiques.

Gros bras, vous essayez de diversifier vos services dans une économie qui rétrécit. Outre le défilé de service d’ordre musclé, genre de pseudo-police qui hurle face aux caméras de la presse, vous devenez, au besoin, une sorte de garde prétorienne. Le problème, c’est que vous vous mettez à dos la société car vous inscrivez votre action dans un substrat de violence et de haine, des fois à fort relent communal. Ce n’est donc pas surprenant que face à vos agissements, au nez et à la barbe de la police, les citoyens appellent alors au respect du droit et à la vigilance républicaine.

À ne pas oublier : en cas de pépins, vous devenez, en moins de deux, des fusibles commodes… Même si vous êtes proches d’un ministre, vous deviendrez indésirables si vous persistez à en faire trop, et si vous continuez à soulever la rue contre vous et contre ceux pour qui vous roulez.

La presse plurielle et pluri-centenaire de Maurice, malgré ses défauts et limitations comme d’autres corps de métier, soutiendra toujours la participation citoyenne à la construction d’un monde plus juste et équitable à travers la promotion de l’État de droit, la non-violence et du respect de tout un chacun, indépendamment de ses origines ethniques ou croyances religieuses. Contrairement aux politiques, nous abhorrons le divide and rule des politiciens. Pour cela, nous allons combattre le risque de banalisation de la violence politique, rendu plus pertinent ces temps-ci par la faiblesse des institutions qui ont été politisées à outrance.

Depuis les bagarres raciales qui ont éclaté avant et après l’Indépendance, la plupart des Mauriciens ne veulent plus du règne des Tonton Macoute qui agissent à la solde des politiciens. En revanche, ils aimeraient bien que les gros bras s’en prennent aux trafiquants de drogue…