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Ces fous du pouvoir

16 novembre 2020, 15:04

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Washington, DC, capitale peuplée de monuments historiques et témoin de maints avancements et marches politiques au fil des décennies, renvoie, ces temps-ci, une image indigne de son passé progressiste. Si on fait abstraction de l’architecture néo-classique et de l’état impeccable des routes et des infrastructures, on pourrait même se croire à Tana, en 2002, quand il y avait deux présidents pour un seul pays. Plus d’une semaine depuis que le démocrate Joe Biden a dépassé la barre des 270 votes (de grands électeurs) requis pour prendre le chemin de la Maison Blanche, le président sortant Donald Trump n’arrive toujours pas à digérer sa défaite électorale – et n’entend rien lâcher, malgré les appels au bon sens, lancés des quatre coins du monde.

Des journalistes sur place parlent même de tentative de coup d’État d’un dictateur en puissance et de mauvais cinéma d’un perdant manifestement incapable de se détacher du pouvoir. Les deux mois qu’il lui reste comme Commander in Chief donnent des sueurs froides à ceux impliqués dans les domaines de sécurité intérieure et de politique étrangère US.

Certes Donald Trump n’est pas aussi fin et respectueux des principes qu’un Al Gore. Qui, lors de la présidentielle de l’an 2000, après avoir initié une série d’actions juridiques, avait attendu jusqu’en décembre pour concéder la défaite face à George W. Bush. Mais la situation en 2020 est différente. En 2000, la Floride était le seul État-clé qui était contesté et, sans la Floride, aucun des candidats n’obtenait 270 voix. Aujourd’hui, après avoir arraché la victoire en Arizona, Biden est déjà à 290 votes. Malgré cela, Trump s’accroche, et persiste à dénoncer une fraude électorale «généralisée» sans toutefois apporter la moindre preuve tangible, pouvant soutenir ses allégations et ses tweets, à l’emporte-pièce.

Les pro-Trump organisent, aujourd’hui, une «méga-marche» dans les rues de la capitale qui se veut une démonstration de force relative à la popularité du président sortant. Ils vont marcher jusqu’à la Cour suprême, où résiderait le dernier salut du 45e président. Les partisans ultranationalistes du Républicain voient en Trump un homme coupé des intrigues de Washington, DC.

En quatre ans, Trump a su susciter l’adhésion d’environ 70 million d’électeurs en prononçant des discours anti-élitistes, qui font écho à la rhétorique populiste ancienne. Depuis que les médias ont déclaré Biden vainqueur (alors que le décompte se poursuit toujours), Trump multiplie des propos dangereux et incendiaires qui distillent la méfiance et le ressentiment.

Quand un dirigeant exploite la peur et la division pour son propre agenda politique, sans se soucier des conséquences irréversibles, ou difficilement réversibles sur le processus démocratique ou de nation-building (U Pluribus unum : Out of Many, One), cela ne peut que fragiliser l’union, ou la nation.

C’est vrai que le pouvoir, en fin de compte, rend fou. Sinon comment expliquer qu’un être, mortel comme vous et moi, se croit supérieur à ses semblables, et pense pouvoir prendre la loi entre ses mains, afin qu’elle soit flexible, malléable, contenue, altérée…

À Maurice, les discours de notre Premier ministre deviennent, aussi, de plus en plus populistes. S’il ne pourra plus se proclamer champion du monde de la destination Covid-Free, en raison d’une sérieuse lacune de notre protocole sanitaire (n’en déplaise aux docteurs en communication que sont devenus Catherine Gaud et Zooberr Joomaye), Pravind Jugnauth semble vouloir tout faire pour détourner l’attention de l’épineux et complexe dossier d’Angus Road. Le Leader of the House, protégé par l’ICAC et le speaker, a choisi de ne pas répondre au Parlement. Mais, ailleurs il en parle, sans entrer dans le fond du sujet. En fait, il occulte le fond et joue avec la forme, pour la modeler, la ciseler à son avantage, l’altérer à sa guise. Ainsi vous allez entendre le Premier ministre marmonner, avec un drôle d’accent quelques lignes en hindi, sur l’autel des socio-culturels, en mélangeant les faits afin d’embrouiller l’opinion sur Angus Road.

Ce faisant, le Premier ministre tente de faire croire que le paiement de Rs 20 millions effectué, en Angleterre, par Alan Govinden «hors de la vue du notaire» à Paddy Rountree et les cinq reçus brandis par Arvin Boolell au Parlement (avant d’être exclu) relèvent de la même et unique transaction. Faux ! Fake News! Quand il dit «enn kout zot dir mo pa finn péyé, enn lot kout zot dir mo finn pey cash», il tente de noyer le poisson Angus. Sauf que le peuple d’aujourd’hui est bien plus éclairé que ses conseillers et lui ne le pensent.

En attendant qu’il rassemble, enfin, ses éléments, il existe, à nos yeux, au moins trois transactions foncières supectes, passibles de trois ou quatre délits, dont au moins un sous la FIAMLA.

En attendant d’instruire des procès-fleuves, censés faire taire l’opinion et la presse libre, Pravind Jugnauth va s’attaquer au grand capital et ceux qui ne veulent pas partager le gâteau qui rétrécit (un discours qui mord en temps de Divali !) Il veut se muer en Robin des bois, afin que le «focus» ne soit plus sur Angus, mais sur le grand nombre. Il va donc persister à opposer le patronat aux travailleurs – la CSG est d’ailleurs l’arme idéologique de prédilection pour faire croire que cette formule importée serait à l’avantage de tout un chacun, et ce quoi qu’en disent les actuaires et les chiffres…

Acculé sur le plan personnel, Pravind Jugnauth, comme Trump, va défendre, du moins dans les discours, et pas nécessairement dans la réalité, les intérêts de la «majorité silencieuse» qui se trouve au cœur de sa stratégie électorale. Cette majorité de pas plus de 27 % de l’électorat est fondée sur une idée du pays, où le mauricianisme n’a pas sa place. Mais le Premier ministre s’en fiche, du moment qu’il sauve sa peau et celle de ses proches…