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Hausse de la taxe sur le sucre - Gâteaux Divali: Note salée au menu

18 octobre 2020, 22:00

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Hausse de la taxe sur le sucre - Gâteaux Divali: Note salée au menu

La taxe sur le sucre double et sème le trouble. De trois sous par gramme, le ‘dosage’ est passé à six sous, tel qu’annoncé par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, dans le Budget 2020/2021. Et, l’amertume se fait déjà sentir. Hormis les prix de plusieurs gammes de boissons et friandises en hausse depuis des mois, ceux des gâteaux de Divali, qui sera célébrée le 14 novembre, seront majorés par certains fabricants. Une saveur qui risque bien d’être aigre-douce.

«C’est incroyable. Les gâteaux que je payais à Rs 55 sont passés à Rs 105. Il faudra trouver autre chose de plus abordable pour mes enfants», confie d’emblée Isabelle, mère de deux filles âgées de cinq et huit ans. Alors que son budget rétrécit chaque mois, elle doit davantage se serrer la ceinture. Difficile dans ce cas de faire plaisir aux siens. Idem pour Sachin, 44 ans, féru de douceurs, surtout celles de Divali. «J’en consomme souvent et pas que pour la fête de la Lumière. Mais en faisant un tour chez les marchands récemment, j’ai remarqué que les prix étaient plus élevés. Cela m’a coupé l’appétit.»

On prévoit une hausse d’une à deux roupies par gâteau à cause des six sous de taxe par gramme de sucre.

En fait, depuis le 5 juin, certains produits sucrés locaux et internationaux sont davantage taxés. Une mesure budgétaire qui vise à réduire le diabète… Par conséquent, la taxe, désormais à six sous par gramme de sucre, s’appliquera à une quinzaine de produits de consommation non-essentiels dès le 1er novembre. Ceci inclut les bonbons, chocolats, gaufrettes, glaces, biscuits, pâtes de fruits ou fruits cristallisés, yaourts, confitures et custard, entre autres.

Hélas, les douceurs de Divali n’y échapperont pas non plus. «On prévoit une hausse d’une à deux roupies par gâteau à cause des six sous de taxe par gramme de sucre. C’est déplorable d’avoir à majorer le prix en marge de cette fête prisée par tous les Mauriciens. Ceci affectera beaucoup leur budget, d’autant que la situation économique est tout, sauf rose. Cependant, nous devons nous conformer aux règlements et payer cette taxe aux autorités», soutient Vishal Dabedeen, directeur de Ganesha Sweets, spécialisé dans ce domaine depuis 40 dans.

De plus, d’autres facteurs augmentent les coûts de production : les alternatives au plastique et les ingrédients non disponibles à cause du Covid-19. Selon lui, les boîtes en carton sont favorisées mais elles sont plus fragiles. Quant aux ingrédients, notamment les colorants alimentaires, importés d’Inde, entre autres, la pandémie joue les trouble-fête. «On en trouve à Maurice mais cela coûte vraiment cher», explique-t-il. Du coup, les commandes pour Divali, comparées à celles de 2019, en pâtissent. Et, avec les frais d’emballage et les problèmes au niveau de l’importation des ingrédients, la hausse pourrait être de Rs 5 par gâteau…

Cette éventualité inquiète Bhooshan Ramessur, directeur de Bombay Sweets Mart. Il confirme que la taxe sur le sucre pèsera lourd dans le coût de production et une décision sur les prix à la revente sera bientôt prise. «À ce stade, nous prenons les commandes et essayons de faire au mieux pour les clients. Au niveau des importations aussi, nous éprouvons des difficultés, notamment pour les dattes, figues, pistacchio et essences spéciales, à cause du confinement à l’étranger.»

Pour sa part, Nityam Ramgutty, directeur d’Ashoka Sweets, souligne que la taxe affecte largement la confection des gâteaux de Divali, comme le sucre est un ingrédient clé. «Ce marché est très sensible, d’autant que le pouvoir d’achat des Mauriciens a diminué après le Covid-19. Malgré ces coûts, nous n’augmenterons pas nos prix. Malgré d’autres augmentations dont celle de l’huile qui coûte Rs 181 au lieu de Rs 142 et du mantègue, on travaillera sur une petite marge de profit pour satisfaire nos clients, jusqu’à ce qu’ils s’en remettent sur le plan financier. Après cela, on verra si on peut changer les prix ou pas.» L’interdiction d’utiliser du plastique ajoute de l’huile sur le feu. Une boîte de gâteaux, en carton, revient à Rs 10 en moyenne. Quant à l’importation d’ingrédients, Ashoka Sweets a pu s’approvisionner avant le confinement. Quid des commandes ? «Elles pleuvent en général deux semaines avant la fête. Mais cette année, la baisse du pouvoir d’achat est considérable…»

Malheureusement, ce n’est pas tout sucre tout miel pour d’autres commodités. Depuis le confinement, les consommateurs paient déjà le prix fort pour un bon nombre d’articles. La taxe en rajoute une couche. «L’impact de cette taxe est certaine. Elle touche un large éventail de produits, incluant les pâtisseries, les céréales, les marmelades locales et internationales», indique le responsable d’une ligne de supermarchés.

Et à l’approche de la date butoir du 1er novembre, Suttyadeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), constate un «abus absolu» des fabricants. «Vu que l’État n’a pas un regard sur ces compagnies, on exploite les consommateurs. Par exemple, dès la décision d’interdire le plastique, il fallait prévoir des alternatives. Dans cette situation agrémentée par le ralentissement du transport maritime ou le recours aérien, les prix vont forcément flamber.»

L’imposition de la taxe sur le sucre engendre d’autres dilemmes, notamment sur son application. «Il ne peut y avoir de standard uniforme pour tous les produits sucrés. Quel est le mécanisme de calcul ? Chaque commodité doit pourtant disposer d’un dosage fixe d’ingrédients. Rien n’a été appliqué à ce jour», prévient le président de l’APEC. Un point sur lequel rebondit Mosadeq Sahebdin, président de la Consumer Advocacy Platform (CAP). «Définitivement, les prix des gâteaux augmenteront par au moins 50 %. C’est ce que soutiennent les pâtissiers à l’issue d’une réunion avec les autorités en marge du 1er novembre. Mais comme le calcul est problématique, ces opérateurs estiment qu’il valait mieux taxer le sucre en vrac, ce qui serait plus facilement calculable au lieu du grammage par gâteau.» Néanmoins, constate-t-il, avant ce calcul, des prix plus élevés – de Rs 25 au lieu de Rs 18 par pâtisserie, par exemple – étaient déjà appliqués.

Parallèlement, Mosadeq Sahebdin s’interroge sur la hausse du prix des boissons, non-proportionnelle à celle de la taxe sur le sucre. Par exemple, certains jus concentrés coûtent désormais Rs 245 au lieu de Rs 185. Selon lui, les prix des boissons gazeuses vont également flamber. Nous avons sollicité des fabricants de boissons locales, mais en vain. D’après le responsable de la CAP, cette taxe ne découragera ni la consommation des produits sucrés et n’aura pas d’incidence sur la prévalence du diabète.

Jayen Chellum, porte-parole de l’Association des consommateurs de l’île Maurice, abonde dans ce sens. «Beaucoup de consommateurs se plaignent des augmentations déjà effectives alors que cela aurait dû être appliqué en novembre. Au-delà de l’introduction de cette double taxe, sait-on si la mesure initiale de trois sous sur le sucre a porté ses fruits pour réduire le diabète ? A-t-on fait des études prouvant cette diminution du diabète ? Cette taxe ira-t-elle à un fonds dédié à cette cause, aux diabétiques ou simplement au Consolidated Fund D’ailleurs, il est d’avis que la majorité des produits concernés par cette taxe touche surtout les enfants. Par conséquent, plusieurs en seront privés. «Comment définit-on les produits dits ‘non-essentiels’ ? C’est l’incompréhension. C’est un cercle vicieux. Tout est fait sous le prétexte de la réduction du diabète.»

Nous avons sollicité la Mauritius Revenue Authority sur le mécanisme de l’application de cette taxe. Une réponse est attendue.