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Frontières fermées: l’agenda caché de Pravind Jugnauth

11 juillet 2020, 22:00

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Frontières fermées: l’agenda caché de Pravind Jugnauth

18 mars. Les rumeurs enflent. Pravind Jugnauth a attendu que son épouse rentre de Londres pour fermer les frontières, alors que le pays était menacé par le nouveau coronavirus… Vrai ou faux ? Nous allons refaire le film des événements en nous basant sur des mails confidentiels qui relatent les voyages de la Première dame, comme révélés dans Menteur Menteur. Grâce à ces documents relatifs à des communications privées, les itinéraires de voyage de Kobita Jugnauth à l’aube de la crise du Covid-19 à Maurice, ont été passés à la loupe. Des faits qui ne peuvent être contestés car nous disposons même de ses étiquettes de bagages et de ses numéros de siège…

Remontons au 8 mars 2020. À ce moment précis, le pays ne compte officiellement aucun cas de Covid-19 mais l’opposition s’inquiète pour le pays et réclame la fermeture des frontières. Pravind Jugnauth, lui, fait la sourde oreille. Un premier mél qui nous a été parvenu, a été envoyé aux membres du personnel concernés à Air Mauritius. Il est signé par Rajesh Beeharry, qui s’occupe des voyages de Kobita Jugnauth et qui est toujours employé sous contrat à Air Mauritius, bien que tous les autres contractuels aient été remerciés depuis que la compagnie est sous administration volontaire. La Première dame et une de ses filles quittent Maurice le même jour, soit le 8 mars 2020 à bord du vol MK 014 pour Charles de Gaulle, Paris. Elles sont assises aux sièges 1E et 1F. De la capitale française, elles prennent l’avion pour London Heathrow où elles atterrissent le 9 mars à 10 h 30. L’équipage au sol à Charles de Gaulle doit s’assurer que leurs bagages prennent bien la connexion. À Heathrow, d’autres membres du personnel ont pour mission de les rencontrer et de les assister. La date provisoire du retour est fixée au 22 mars.

Email envoyé par Rajesh Beeharry confirmant le vol de Kobita Jugnauth et d’une de ses filles.

Pourtant, la situation est déjà alarmante en France. Deux jours plus tôt, le 6 mars, le pays est passé en alerte 3 de gravité face au virus. Bien que pas interdit, ce déplacement fait sourciller, étant donné la catastrophe qui s’abat sur l’Hexagone. Situation qui va s’aggraver. Le 16 mars, pendant que Kobita Jugnauth et ses filles sont a priori à Londres, après être passées par Paris, la France compte 6 600 cas confirmés et recense une moyenne de 1 000 nouveaux cas par jour pour un total de 148 morts, selon le site Worldometer. En Angleterre à cette même date précise, le 16 mars, on compte 1 500 cas dépistés au rythme de 200 à 400 nouvelles contaminations par jour. À La Réunion, 9 cas au total, l’île sœur tourne depuis quelques jours au rythme de 1 à 3 nouveaux cas par jour.

Que choisit de faire Pravind Jugnauth face à ces statistiques ? Il tient une conférence de presse, le 16 mars au Bâtiment du trésor. L’annonce phare : les étrangers venant de La Réunion ne seront pas admis sur le territoire à partir du même soir à minuit… Et les Mauriciens qui rentreront de l’île sœur, après minuit, seront automatiquement placés en quarantaine.

Changement d’opérateur

Bien que la France et l’Angleterre comptent en ce 16 mars, 1 000 à 2 000 fois plus de cas que La Réunion, le chef du gouvernement décide d’étendre ces restrictions et contraintes à l’Europe que deux jours plus tard. Soit minuit à Maurice, dans la soirée du 18 au 19 mars.

Le 17 mars, Rajesh Beeharry informe Air Mauritius que Kobita Jugnauth voyagera finalement par Emirates Airlines.

Dès cette annonce, des milliers de fils du sol à l’étranger sont pris de panique. En outre, le délai de deux jours relatif à l’Europe, ne s’apparente-t-il pas à une anomalie ? Non, pas vraiment, quand l’on sait à présent que l’épouse et les filles du Premier ministre devaient rentrer de Londres.

Car depuis, la date de retour initiale de Kobita Jugnauth, prévue le 22 mars dans le premier mél, a depuis changé. Le 16 mars, quelques heures avant que Pravind Jugnauth ne s’adresse à la nation, soit à 9 h 49 précises, l’employé Rajesh Beeharry envoie un autre courriel aux membres du personnel concernés par le voyage de la Première dame. «Mme Kobita Jugnauth rentre finalement sur le vol MK 015 de Heathrow via Charles de Gaulle qui quitte Londres le 17 mars ! Arrivée à Maurice le 18 mars au matin», peut-on y lire.

La famille n’a en effet aucun souci à se faire car les frontières mauriciennes seront toujours ouvertes pour ceux qui rentrent d’Europe et encore mieux, la quarantaine ne sera pas obligatoire. D’ailleurs, on peut également se permettre d’annuler trois places (payées on l’espère) sur MK et décider en quelques heures de rentrer, via Dubai.

C’est au final ce que feront les Jugnauth, comme en témoigne un autre mél de Rajesh Beeharry. Le lendemain, le 17 mars, à 3 heures du matin, ce dernier écrit : «Mrs Kobita and daughters» ont annulé leur vol sur MK et rentreront par Emirates Airlines. Tout de même, les employés d’Air Mauritius qui travaillent à Heathrow à Londres, sont appelés à les assister. Et les employés de MK à Londres, même si Kobita Jugnauth ne voyage pas par Air Mauritius, feront comme il leur a été demandé, comme démontre le dernier mél de la série qui se lit comme suit :

«Cher Rajesh, Ca y est… Elles ont checked-in avec six bagages dont voici les numéros : 818/819/820/821/822/823…»

Air Mauritius confirme que les six bagages (avec les numéros) de la Première dame ont été «checked in» pour le vol de retour.

Ce courriel nous permet de savoir par quel vol finalement la Première dame est rentrée à Maurice, l’EK701/18, donc le vol Emirates EK701 le 18 mars qui atterrit à 8 h 45. À 16 heures près, Kobita Jugnauth et ses filles auraient dû être placées en quarantaine et si elles avaient maintenu leur billet retour pour le 22 mars, elles n’auraient tout simplement pas pu rentrer… Car coïncidence, c’est le 18 mars dans la soirée que les trois premiers cas de Covid-19 à Maurice sont dépistés. Et le lendemain, a été annoncée la fermeture immédiate des frontières… Si elles avaient attendu le 22 mars, comme c’était initialement prévu, aurait-on vu Kobita Jugnauth et sa petite famille peut-être stranded in UK, brandissant leurs pancartes : Let us back home ?