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Notre mission est de vous informer

11 juillet 2020, 07:11

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Notre mission est de vous informer

La vie privée du Premier ministre, ou celle de son épouse et de ses filles, ne nous intéresse pas, sauf si cela a un impact sur l’intérêt national, ou, comme ici, sur la santé publique. 

On se demandait pratiquement tous pourquoi Pravind Jugnauth avait choisi de fermer les frontières du pays, le 16 mars, aux voisins de La Réunion, alors qu’il accordait deux jours supplémentaires aux passagers en provenance de l’Europe, où le nombre de cas actifs de Covid-19 était nettement supérieur à celui de l’île soeur. L’opinion publique ne comprenait pas non plus pourquoi les Mauriciens en provenance d’Europe n’allaient être placés en quarantaine qu’à partir du 18 mars. La rumeur alors disait que cette décision était motivée par des raisons familiales… Mais le PM, optant pour des conférences de presse sans questions, avait choisi de taire les faits, ou plutôt, de relater sa version d’autres faits. 

Notre travail de journaliste et une Documentary Evidence nous permettent aujourd’hui de mieux comprendre la séquence des événements et de reconstituer le film, avec des informations nouvelles. Certes, le Premier ministre ne sera pas content de notre Une, ni de notre interprétation des faits, encore moins de celle du public, désormais en présence de faits nouveaux. Mais, en «homme de principe», il sera peut-être d’accord avec nous que le journalisme, le vrai, consiste précisément à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publier. 

Les dates d’arrivée de Kobita Jugnauth étaient secrètes, mais elles permettent de comprendre le dilemme auquel était exposé Pravind Jugnauth : d’une part, comme PM soucieux de protéger les Mauriciens, et de l’autre, comme époux et père de famille anxieux du sort des siens. Un duel moral difficile. 

Dans un journal indépendant comme celui que vous tenez, publier ou ne pas publier des documents d’intérêt public – surtout en l’absence d’une Freedom of Information Act – se révèle un calcul complexe et quotidien, mais passionnant et souvent déterminant. 

On le répète à l’envi : c’est notre métier de balancer les risques de publication – soit on les prend, soit on ne les prend pas, et on laisse le public dans le doute, au royaume des palabres, qui sont souvent à l’opposé des faits réels. Notre raison d’être à l’express, c’est de vous informer – souvent en opposant votre droit démocratique de savoir et notre responsabilité journalistique de publier ou de ne pas publier. 

C’est ce que nous avons fait dans le cadre de nos papiers sur l’Euroloan de Vishnu Lutchmeenaraidoo (malgré le secret bancaire), sur l’affaire Bet 365 incriminant RaviYerrigadoo, et sur la série de révélations relatives à Álvaro Sobrinho (malgré les menaces de procès par millions). C’est aussi ce que nous avions fait, en août 2014, sous l’ancien régime, dans le cadre de la publication des photos de l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam dansant avec Nandanee Soornack (où le principe d’intérêt public a dominé celui du respect de la vie privée).

Nous sommes persuadés que, dans certains cas, l’intérêt public, principe-clé pour toute démocratie qui se respecte, doit prendre le dessus sur les autres droits. L’intérêt général étant, souvent, plus fort que l’intérêt particulier. Malgré les boycotts et représailles, l’express continuera sa campagne en faveur d’une Freedom of Information Act. Nous voulons que, dans la conduite des affaires publiques, la transparence devienne enfin la règle et le secret, l’exception…