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Centrale de St-Louis: le CEB au courant des enquêtes depuis février 2019

11 juin 2020, 11:26

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Centrale de St-Louis: le CEB au courant des enquêtes depuis février 2019

Le Central Electricity Board (CEB), que ce soit sa direction ou son conseil d’administration, ne peut prétendre être tombé des nues après les conclusions de l’enquête du Bureau de l’intégrité et de la lutte contre la corruption de la Banque africaine de développement (BAD). Des échanges de correspondances, dont nous sommes en présence, entre le CEB et BWSC, indiquent que l’organisme parapublic a été tenu informé. Du moins, des enquêtes interne et externe conduites depuis 2018 par la société danoise et le cabinet d’avocats de ce même pays, Poul Schmith (Kammeradvokaten), sur le projet de redéveloppement de la centrale de St-Louis.

Le leader de l’opposition entend avoir plus de détails sur cette affaire au cours de sa Private Notice Question ce jeudi 11 juin. Celle-ci est adressée au Premier ministre qui devra indiquer s’il était au courant qu’une telle enquête avait été initiée et si son bureau avait été sollicité dans le sillage de cette affaire. 

Les conclusions de la BAD ont été rendues publiques lundi et faisant état de pratiques frauduleuses et corrompues de la firme danoise Burmeister and Wain Scandinavian Contractor (BWSC) dans le cadre du projet de redéveloppement de la centrale de St-Louis, à Plaine-Lauzun. La firme danoise est au cœur du scandale de pots-de-vin allégués à des membres de l’administration mauricienne et à d’autres personnes, par l’intermédiaire de tiers, pour avoir accès à des informations confidentielles liées aux appels d’offres.

Les échanges de correspondances remontent au 15 février 2019, soit, huit jours après un communiqué de presse de BWSC (d’ailleurs toujours disponible sur son site Internet) faisant état de ces enquêtes par rapport à «des accords et des contrats conclus en violation à la loi avec des entrepreneurs locaux en Afrique...»

Ainsi, le 15 février 2019, dans un mél à Shamshir Mukoon, directeur général par intérim du CEB, Nikolaj Holmer Nissen, Chief Executive Officer (CEO) de BWSC écrit notamment : «(...) The conclusion of the investigation is that a small group of employees have acted against BWSC’s code of conduct regarding corporation and use of local consultants and contractors in connection with sale of projects in Africa, one of which being in Mauritius.»

«Sole client» 

Le 25 février 2019, dans une lettre avec l’entête du CEB adressée au CEO de BWSC, Shamshir Mukoon répond : «We have taken cognizence of the content of the press release and are very much concerned that Mauritius has been cited. Being the sole client of BWSC in Mauritius, we request you to provide further detailed information in the matter.»

Ce à quoi Nikolaj Holmer Nissen réplique, dans une lettre, le 14 mars 2019, avec l’entête de la firme danoise et comportant quatre paragraphes «...further information on this regrettable matter based on your request, I can confirm to you that our latest project in Mauritius (i.e St Louis II) amongst other projects was subject of the investigation. However we intentionally did not specify this in the press release to protect the reputation of client, that is CEB.»

ICAC

Le CEO de BWSC conclut que son entreprise a agi rapidement et, par conséquent, dès la conclusion de l’enquête juridique. Et que du point de vue de la BWSC, il considère que cette affaire est close dès que les préoccupations valables des clients, tels que le CEB et d’autres parties prenantes, ont été prises en compte.

À partir de ces échanges, le directeur général par intérim du CEB, en toute logique, aurait dû informer le président du conseil d’administration et le ministre de l’Énergie, Ivan Collendavelloo. Mais, par-dessus tout, l’affaire aurait dû être envoyée à la commission anticorruption. Du moins pour la forme, en tenant en compte les tenants et aboutissants de précédentes enquêtes de ce genre menées par l’Independent Commission against Corruption (ICAC) jusqu’ici. Shamshir Mukoon, que nous avons à nouveau essayé de joindre, au téléphone, hier, n’a pas répondu à nos appels.

«Pourquoi cela n’a pas été fait dès le moment où le CEB a été informé de ces enquêtes de BWSC ? Est-ce que le directeur général par intérim, le Chairman et le ministre ont tous les trois dissimulé ces informations ?» s’interroge un avisé du secteur énergétique.

Ce dernier estime que ceux concernés ne peuvent plus se permettre de tenir le discours habituel dans ce genre de scandale. «On ne peut répéter qu’une enquête a été initiée car nous sommes déjà en présence des conclusions de la BAD. L’image du pays est déjà salie avec les scandales Sobrinho, Bastos et Isabel Dos Santos. Il faut sanctionner, et vite, les personnes impliquées pour pratiques frauduleuses dans le projet de St-Louis.» 

Car, pour le moment, seule BWSC a écopé, en étant radié pendant 21 mois de tout projet financé par la BAD, entre autres banques internationales de développement.

Accord avec la BAD

De son côté, Nikolaj Holmer Nissen, CEO de BWSC, se dit satisfait du résultat de l’accord que sa société a entré avec la BAD, le 4 juin : «Pour BWSC, cela marque une conclusion à un long processus à la suite de notre propre enquête, et nous apprécions que nous puissions maintenant mettre cela derrière nous et regarder devant nous», soutient-il dans un communiqué émis lundi. 

D’ajouter que l’enquête de la BAD a été ouverte après que BWSC ait fait son propre rapport auprès de cette même institution sur une affaire de corruption présumée, communiquée publiquement par la firme danoise en février 2019.

Rappelant que l’enquête menée par le cabinet d’avocats danois Poul Schmith (Kammeradvokaten), a conclu que certains employés de BWSC avaient violé leur contrat de travail et le code de conduite de l’entreprise. «L’enquête a donné des raisons de soupçonner que certains employés avaient commis des actes de corruption. Les actions ont été menées par certains employés d’un département de BWSC. Sur la recommandation du cabinet d’avocats Poul Schmith, la BWSC a rapidement et sommairement licencié ces employés et a dénoncé deux personnes à la police danoise.» 

Le communiqué précise aussi qu’à l’issue de l’enquête de Poul Schmith, la BWSC a signalé l’affaire non seulement à la police danoise et à la Banque africaine de développement mais également à d’autres acteurs concernés. Comme l’attestent notamment les échanges de correspondances ci-dessus.