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Ganga Talao: anguille «sindoor», Mythe ou réalité ?

16 février 2020, 19:00

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Ganga Talao: anguille «sindoor», Mythe ou réalité ?

Le Mangal Mahadev toise les nuages. Le marchand de baja so, de roti, est là, sur le parking, que connaissent bien ceux qui apprennent à manier le volant. Sur la route des goyaviers de Chine, les premiers pèlerins et kanwars. Bienvenu à Ganga Talao.

Dernières touches et retouches avant la grande affluence, ce week-end. Pompiers, peintres, balayeurs, électriciens, sont à pied d’oeuvre au sol ou sur les pylônes. Savates et sandales sont rangées dans des coins, çà et là. Le pieux silence se mêle aux «aum», les effluves d’encens embaument les narines, le cerveau.

 
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Orteils dans l’eau, aux côtés des petits et gros poissons que rien n’arrête, les dévots s’affairent, sous le regard curieux des touristes, aiguillés par des guides. Au milieu des cheveux de certaines dames, du sindoor, tantôt orangé tantôt vermillon. Et l’anguille sindoor alors, vous en avez entendu parler ?

On se glisse jusqu’au lac sacré. Sacrée foule déjà en ce vendredi matin. Serpentons jusqu’au banc, sis en face d’une représentation de Shivji. «Vrémem sa, pa manti.» Cela fait «bien bien lontan» que Yogesh Geerwoor, 52 ans, travaille à Grand-Bassin, en tant que General Worker au ministère de l’Environnement. Il y est toute la semaine, de 7 heures à 14 heures et pas seulement pendant la fête de Maha Shivaratree. «Angi-la vini kan pena dimounn, li res kot sa pié-la, labaLi fer preské 5 m, li ena enn mark sindoor lor so latet…»

Thali en main, uniforme sur le dos, Esary, Lobin, Chooah ont débarqué à Ganga Talao entre copines. L’anguille sindoor, les filles âgées entre 14 et 15 ans n’en ont jamais entendu parler. Leur curiosité est piquée au vif, cela coule de source. «Ki été sa?» Cette «légende», des nanis et des nanas, dadis et dadas que nous avons interrogés n’en ont pas eu vent non plus. «Ki zistwar sa? Ena dan liv sa?» De quoi enterrer le mythe dans la boue.

Rakesh Bandhooa, 43 ans, fait lui aussi partie des sceptiques. Il y a anguille sous roche, selon l’employé du ministère des Infrastructures publiques, qui travaille souvent à Grand-Bassin. «Zamé monn trouv li, li fer parti mitolozi sirman. Mo pa krwar mwa ena sa, sirman ena dimounn trouv kitsoz, parey kouma ena dimounn met linet…»

Lui ne porte pas de verres mais il l’a vue. L’anguille sindoor n’est pas une hallucination, une rumeur propagée par quelque langue de vipère à court de venin. Suttish Seeburrun, 52 ans, pompier, plus exactement Station Officer, basé à Curepipe, en est certain. «C’était en mai de lannée dernière, en hiver. Jai vu languille qui se reposait au bord, dans leau, ti ena enn ti soley... So latet so circonférence 1 pié (NdlR, 0,3048 mètre), so lékor 10 pié parla. Li ena enn mark rouz lor so front…»

D’où vient-elle, cette marque ? Pandit Trishna, 25 ans, est un des prêtres «attitrés» officiant à Ganga Talao. «Je suis pandit depuis que jai 19 ans, lontan mo isi.» L’anguille sindoor est tout sauf un mythe, lâche-t-il entre deux savants lancers de fleurs et après avoir soufflé dans le shankha (NdlR, nom sanskrit de la conque).

Il l’a d’ailleurs aperçue il y a deux jours. «Il nest pas donné à tout le monde de voir languille. Le fait quil y ait du sindoor sur sa tête est un mystère. Mais il faut le prendre comme une bénédiction, comme un signe positif, ça veut dire que quelque chose de bien va vous arriver. Il arrive que Dieu prenne différentes formes, parfois cest celle dun enfant, parfois celle dun animal, dont languille…»

Dehors, plusieurs sons de cloche se font entendre. Le temps semble s’être figé, comme le sourire du Dieu Shiva. Une douce bise accompagne l’humidité et la chaleur rampante. Comme l’insaisissable anguille sindoor