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Anil Gayan: «Je suis déçu de n’avoir pas été candidat»

25 janvier 2020, 19:00

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Anil Gayan: «Je suis déçu de n’avoir pas été candidat»

Ils se trompent ceux qui croient qu’Anil Gayan, qui n’a pas eu d’investiture, va se taire. Il a décidé de parler. L’entrevue a été réalisée jeudi, à son bureau, à Port-Louis.

Votre absence sur la scène politique, après la dissolution du Parlement fin 2019, n’est pas passée inaperçue. Pourquoi ?
Je me suis donné 100 jours de grâce. Cette période est arrivée à échéance, d’où ma décision d’accepter de m’exprimer. Un politicien ne meurt jamais.

Qu’est-ce que ça fait de n’avoir pas été en mesure de vous présenter aux élections de 2019 ?
Je suis déçu de n’avoir pas été candidat et surtout des raisons qui m’ont été données pour justifier cette décision.

Quelles sont ces raisons ?
Je le dirai en temps et lieu.

Depuis, vous avez repris votre toge d’avocat. Vous avez eu combien de clients ?
J’en ai eu trois ou quatre. Petit à petit, le nombre va augmenter.

Qu’est-ce que ça fait de ne pas être à l’Assemblée nationale pour entendre la lecture du discours-programme contrairement à beaucoup de vos anciens collègues ministres et députés ?
Puisque je n’ai pas été invité, donc, je ne pourrais pas assister à la lecture de ce discours-programme.

Allez-vous quand même écouter la lecture du contenu de ce document ?
Certainement. Il est bon de prendre connaissance des orientations arrêtées par le gouvernement et les promesses inscrites dans le manifeste électoral qui ont été retenues et qui ont été relayées dans un programme gouvernemental. Je suis confiant que bien des promesses du manifeste électoral s’y retrouveront.

De cette liste de promesses électorales, lesquelles sont plus à même d’être retenues par le gouvernement ?
Je pense tout particulièrement aux promesses concernant la publication du rapport du Pay Research Bureau, l’amélioration de la qualité de la vie, la protection de l’environnement, la création de 10 000 emplois destinés à des jeunes.

Pradeep Roopun, qui comme vous, a été privé de «ticket», est aujourd’hui président de la République.  Marie-Claire Monty, également écartée, prendra bientôt l’avion pour devenir ambassadrice en Australie. Et vous ?
Je ne suis pas demandeur. J’ai toujours pensé que faire de la politique est la manifestation de son amour pour son pays, parce qu’on est dévoué à l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens. J’ai connu la pauvreté. C’est grâce à l’éducation que je suis arrivé là où je suis. On peut faire une contribution au développement du pays dans n’importe quelle position. Revenir vers ma profession d’avocat est une façon pour moi de venir en aide à ceux qui sont dans le besoin. Durant toute ma carrière d’avocat, je n’ai travaillé qu’avec les petites gens. Je n’ai pas eu comme clients de grosses sociétés.

Vos  prises  deposition  controversées sont-elles les seules raisons pour lesquelles vous avez été mis sur la touche pour les dernières élections générales ou bien y a-t-il d’autres raisons inavouées à cela ?
En temps et lieu, je vais raconter ce qui s’est passé, dont les conversations que j’ai eues avec le Premier ministre et son adjoint. En 2014, lorsqu’il y avait la perspective d’un 60-0 par l’Alliance Parti travailliste-Mouvement militant mauricien, on cherchait des candidats désespérément. Personne ne nous donnait vainqueur aux élections. J’ai été candidat en 2014 car il faut absolument placer des personnes ayant une forte personnalité. On ne peut pas nommer n’importe qui candidat et s’attendre à y réaliser une très bonne performance.

Lorsqu’on m’a écarté, l’homme le plus heureux de la circonscription n°20, Beau-Bassin-Petite-Rivière, n’était nul autre que Rajesh Bhagwan du MMM. Il jubilait parce qu’il savait pertinemment bien que dès lors, il n’avait plus d’adversaire en face de lui. Après la victoire, le phénomène d’excès de confiance est apparu. L’amplitude risque fort de provoquer des soucis à l’avenir.

Êtes-vous toujours actif dans votre circonscription?
Je n’ai pas abandonné le n°20. La prochaine réunion de ma régionale se tiendra ce dimanche 26 janvier. Lorsque j’ai été affecté à cette circonscription, je me suis rendu compte qu’elle a été laissée à l’abandon. Lors de mes interventions durant la campagne électorale de 2014, j’ai insisté pour que Barkly se revalorise. Aujourd’hui, ses résidents occupent des postes dans la fonction publique, ce qui n’a pas été le cas jusqu’ici. D’où le constat que l’investiture pour la circonscription Beau-Bassin–Petite-Rivière doit revenir à un politique doté d’une très forte personnalité. Les membres de ma régionale, qui vont assister à la réunion demain, affirment qu’aussi longtemps que le destin d’un homme politique est décidé par un leader, indépendamment de ce que pense l’électorat, des problèmes vont surgir.

Quels problèmes ?
Si un leader estime qu’il peut mettre n’importe qui dans n’importe quelle circonscription et s’attendre à ce que cette personne soit élue, il se trompe.

Expliquez-vous...
Je note qu’il n’y a pas eu de meeting de remerciement alors qu’après une victoire de l’ampleur qu’on a eue, on devait s’attendre à des célébrations. Il n’y a pas cette euphorie, sérénité et volonté à travailler ensemble suivant une élection générale. Il y a aussi toute la question des pétitions électorales. Est venue s’ajouter la position des partis de l’opposition, qui avancent que seulement 37 % de l’électorat ont voté pour le gouvernement en place. De toute façon, les résultats sont ce qu’ils sont. Rien n’a changé au niveau des institutions ou du système électoral

N’est-il pas temps de se doter d’un organisme chargé de traiter en urgence toute la question de contestation des résultats d’une élection qu’elle soit nationale, municipale ou villageoise sitôt une élection terminée pour ne pas laisser le doute planer sur la légitimité des résultats ?
Le système juridique existe. Il y a les pétitions électorales qu’il faut soumettre dans un délai de 21 jours. Je m’attends à ce que le système judiciaire parvienne à  examiner ces dossiers dans un délai raisonnable. Il ne faut pas laisser traîner ces affaires parce que la question tourne autour de la légitimité d’un gouvernement. Aussi longtemps qu’il n’y a pas cet imprimatur de légitimité, on risque de le critiquer. Si moi, j’étais au gouvernement, je suggérerais que les pétitions électorales soient examinées dans les délais les plus brefs possibles

Concernant la déclaration des avoirs, vous êtes loin d’être le seul politique avec les Zouberr Joomaye, Reza Uteem, Kavy Ramano, Shakeel Mohamed à détenir de propriété à l’étranger. Cela ne vous étonne pas de voir que d’autres n’ont pas jugé utile de déclarer les leurs ?
L’appartement que je possède à Londres, j’en ai fait l’acquisition lorsque mes enfants allaient étudier en Angleterre. Cela remonte à plus de 25 ans. Il faut relativiser tous mes avoirs. J’ai travaillé comme avocat pendant des années. Je n’ai pas honte de ce que je possède. Je n’ai pas dilapidé les fruits de mon travail. J’ai fait des économies. Et j’ai investi dans les biens que je possède et dont tout le monde est au courant.

Y a-t-il une raison particulière qui est à l’origine de votre décision d’acheter un appartement à Londres ?
Ayant fait mes études à la London School of Economics en Angleterre, j’avais le sentiment que mes enfants iraient eux aussi étudier dans ce pays. C’est la principale raison de l’achat de cet appartement. C’est loin d’être un appartement de luxe. Il est doté d’un seul lit. Mon expérience en tant qu’étudiant à Londres est une autre raison qui m’a poussé à investir dans ce bien immobilier. Pendant le déroulement des trimestres, j’habitais dans une résidence commune. Durant les vacances, il fallait évacuer ces résidences. On cherchait désespérément un endroit pour loger. Je me suis dit que je n’aurais pas aimé que mes enfants aient la même expérience.

En tant que ministre, vos relations avec la presse, «l’express» principalement, n’ont pas été au beau fixe alors que vous étiez avant votre mandat un collaborateur régulier. Aujourd’hui, n’étant plus au gouvernement, vous acceptez de vous livrer dans nos colonnes. Quel regard jetez-vous sur les relations presse-ministres aujourd’hui ?
C’est vrai que j’ai collaboré avec l’express pendant des années. Je n’ai jamais considéré la presse comme étant l’ennemi du gouvernement. Cependant, ce que j’ai vécu durant mon dernier passage au gouvernement comme ministre par la presse, et pas seulement de l’express mais également de la part d’un hebdomadaire, je l’ai vécu comme un lynchage. C’était des attaques personnelles. Tout ce que je faisais de bien, disons au ministère de la Santé, n’avait pas de couverture. Dès que quelque chose allait mal, cela bénéficiait d’une large couverture. C’était la même chose lorsque j’étais ministre du Tourisme. Les dernières statistiques indiquent qu’il y a eu 15 920 touristes en moins pour la période janvier à décembre 2019 comparativement à la même période en 2018. La presse n’en a pas fait cas. Si Anil Gayan était ministre du Tourisme, cette baisse aurait valu au ministre plusieurs articles défavorables à son égard. 

D’ailleurs, je continue à contribuer là où la demande se manifeste. Par exemple, le 5 février, j’ai été invité par l’Imperial Collège de Londres pour participer à un débat portant sur le thème Medical Tourism and Ethics.

La réputation du centre des services financiers de Maurice a pris un sale coup avec la révélation, dans le cadre d’une enquête menée par un consortium international de journalistes d’investigation, que des fonds douteux appartenant à la famille Dos Santos ont été transférés à Maurice. Comment Maurice pourrait-il sortir de cette affaire ?
Je ne sais pas s’il y a une affaire ou pas. Durant ces deux dernières années, Maurice a pris beaucoup de décisions pour que le pays demeure un centre financier sûr. Nous avons coopéré avec l’Inde, l’Organisation de coopération et de développement économique  aussi bien qu’avec les pays qui ont fait appel à une coopération. Le système est en train de fonctionner. S’il y a des mouvements d’argent sale, le système est là pour les déceler. Il existe une tendance des grandes puissances à détruire le centre financier des petits pays. Je suis en faveur d’une démarche des petits pays engagés dans le secteur des services financiers à se regrouper pour faire face à ces attaques injustes.