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All fingers are not the same*

22 janvier 2020, 07:49

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All fingers are not the same*

Avec ce proverbe ghanéen, le Premier ministre britannique a voulu transmettre aux dirigeants africains l’image que tous les pays ne sont pas égaux (que ce soit sur le plan économique, militaire, technologique, etc.). Boris Johnson parlait de l’attractivité d’une Grande-Bretagne qui sera déconnectée de l’Union européenne à partir du 31 janvier, et vantait les mérites de son pays qui sera désormais seul dans le vaste concert des nations.

Il nous faut d’abord contextualiser le sommet Royaume-Uni–Afrique qui vient de prendre fin. Il intervient après ceux entre la France et l’Afrique (qui se tiennent régulièrement depuis 1973; le prochain, soit le 28e, se tiendra en juin 2020 à Bordeaux), le sommet États-Unis–Afrique (2014), le sommet Chine–Afrique (qui se tient depuis 2001; le 7e a eu lieu en septembre 2019) et le sommet Russie–Afrique (qui a eu lieu à Sotchi en octobre 2019). En fait, la Grande–Bretagne était la seule puissance militaire parmi les cinq membres permanents au conseil de sécurité de l’ONU à n’avoir pas encore son sommet. C’est désormais fait !

Les divers sommets entre les pays développés et l’Afrique – incluant ceux réunissant l’Allemagne et l’Afrique, le Japon et l’Afrique, et la Turquie et l’Afrique – révèlent, surtout, le rapport des forces déséquilibré. Certes, le continent abrite huit des 15 économies mondiales qui progressent le plus et son réservoir en ressources humaines (60 % de sa population est âgée de moins de 25 ans) fait de l’Afrique le continent le plus jeune du globe. Mais comme les relations internationales s’articulent exclusivement autour des intérêts, il est difficile de masquer ce que les grands et puissants de ce monde attendent de leurs pairs africains qui ont les matières premières et la jeunesse : de nouveaux clients pour leurs industries (en tous genres) et de nouvelles destinations commerciales.

Dans cette grand-messe médiatique, il est difficile de trouver des notes d’accord : l’Afrique a des attentes multipliées par 54 pays, alors que le pays hôte a son agenda propre à lui. Par exemple, celui de Johnson est de survivre dans l’ère post-Brexit, surtout comme un centre financier international incontournable. L’on se souvient qu’en 2016, David Cameron avait été personnellement éclaboussé par les Panama Papers. Cette fois-ci le sommet de Johnson a coïncidé avec la publication des Luanda Leaks. Cela a embarrassé plus d’un. Isabel dos Santos, qui fuit la justice angolaise, a élu domicile à Londres (qualifié par Johnson de «biggest centre for foreign exchange trading, and the largest cross-border banking, as well as being home to major investors, innovators, and multinational businesses»), où elle possède des propriétés coûteuses dans le centre-ville. Et ce, au vu et au su du Serious Fraud Office britannique.

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Autre volet du sommet UK–Africa sur lequel les inégalités sautent aux yeux, c’est bel et bien celui du changement climatique. S’il y a consensus que les pays moins avancés paient pour les pots (d’échappement) cassés des pays industrialisés – l’ère industrielle commence au 18e siècle en Grande-Bretagne –, il est intéressant de noter que Boris Johnson, entre deux pas de danse africaine et la citation du poème ghanéen, a fait le serment que «the British government will no longer provide any new direct official development assistance, investment, export credit or trade promotion for thermal coal mining or coal power plants overseas (...) Instead, we’re going to focus on supporting the transition to lower-and zero-carbon alternatives».

Alors que les contrats des Independent Power Producers sont en train d’être renégociés, il importe que le gouvernement de Pravind Jugnauth émule celui de Johnson. «There’s a huge myth about this, people say that you have to choose between reducing emissions and raising economic growth. Look at what happened here in the UK. Actually we have cut CO2 by 42 % since 1990 and yet GDP has gone up 67 %. And we stand ready to help you do the same...»

Le changement climatique est devenu un enjeu sécuritaire en Afrique. Et alors que Jugnauth et Johnson poursuivent leurs discussions sur les Chagos, ils devraient aussi mutualiser leurs efforts d’adaptation avant que les îlots stratégiques ne soient engloutis par la montée des océans..

 

*Proverbe du Ghana