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N'est pas rassembleur qui veut !

8 décembre 2019, 07:44

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Comme un autocrate qui pense qu'il n'a de comptes à rendre à personne. Tout comme il gardait jalousement la date des élections générales pour prendre son monde par surprise, avec les conséquences que l'on connaît aujourd'hui, tout comme il a choisi de faire l'impasse sur la polémique entourant Sooroojdev Phokeer – qui fut rappelé alors qu'il était ambassadeur de Maurice en Égypte –  pour le nommer speaker, le Premier ministre a gardé le suspense jusqu'au bout autour des nominations du président et du vice-président de la République. C'est donc finalement Pradeep Roopun qui sera le locataire du Château du Réduit, tandis qu'Eddy Boissézon se retrouve, lui, dans le fauteuil de vice-président.

Doit-on s'étonner des critiques émises, que ce soit par les partis de l'opposition ou par le citoyen lambda autour de ces choix ? Autant la nomination d'Ameenah Gurib-Fakim (avec le désespérant épilogue que l'on sait) avait suscité l'adhésion populaire, autant le choix de Roopun et de Boissézon provoque plutôt l'effet inverse. Et les raisons n'ont échappé à personne : ces nominations-là  ressemblent plutôt à une double récompense pour services rendus. L'un, sans investiture, faisait campagne dans la circonscription du Premier ministre, au no 8, l'autre est un candidat battu au  no 17. Voilà deux hommes qui ont certainement envie de bien faire mais dont on ne s'attendait pas qu'ils occupent ces postes constitutionnels.

D'où cette impression que ces nominations-là n'envoient pas le bon signal et n'ont pas le côté rassembleur envers une population qui a le droit de réclamer des comptes à un Premier ministre se comportant comme propriétaire du pays, sinon du Parlement, avec une manière de faire inacceptable car gardant secret le nom des deux prétendants jusqu'à la dernière minute. Qu'on aime ou pas le MMM et le PTr, force est de reconnaître que ces deux partis avaient au moins la décence de communiquer les noms des éventuels présidents de la République avant la tenue des élections générales. Et dans les deux cas, aucun des noms mentionnés n'a pratiqué la politique active lors des dernières législatives. Du reste, les leaders mauve et rouge faisaient ressortir justement cette posture non partisane, nécessaire à cette fonction.

Invité à révéler le choix de l'éventuel président de la République de l'Alliance Nationale, Ramgoolam avait alors donné les raisons qui justifiraient une éventuelle présidence de sir Hamid Moollan : «C'est quelqu'un qui est above politics, qui est d'une brillance extraordinaire et qui comprend les choses.» Tandis que Bérenger, qui a été le premier à révéler le nom de celui qui allait occuper ce fauteuil si le MMM remportait les législatives, avait déjà fait une mise en garde : «Nous ne nous attendons pas que Swaley Kasenally et Krish Ponnusamy (pressentis pour devenir président et vice-président respectivement) jouent un rôle dans cette campagne. Ils n'auront aucun rôle à jouer. J'appelle à une certaine réserve.»

Les règles du jeu étaient claires et les Mauriciens savaient déjà, en cas de victoire de l'un ou de l'autre, qui allait nous représenter sur la scène locale et internationale. Contrairement à la situation actuelle où l'on a dû prendre son mal en patience jusqu'au moment de la cérémonie pour découvrir la décision du Premier ministre. Qui donne l'impression d'avoir procédé à ces nominations dans l'intérêt politique et non national. Même s'il faut reconnaître que d'autres présidents de la République étaient également issus des partis politiques, même s'il faut admettre que le chef du gouvernement a les prérogatives de nommer qui il veut, on se serait attendus à deux visages fédérateurs à ces postes-clé.

En agissant ainsi, le Premier ministre donne une mauvaise indication qui ne contribue pas  à atténuer l'ambiance morose prédominante post-législatives. Pourtant, après la formation d'un gouvernement qui doit son élection à notre système électoral imparfait, lui créditant de seulement 37 % du total des votes, après tout un cafouillage sur un nombre important  de citoyens qui n'ont pu accomplir leur devoir civique, après ces bulletins de vote retrouvés dans la nature, le tout doublé de la polémique sur une rocambolesque histoire de règle de la Commission électorale, après des pétitions entreprises par des partis d'opposition pour contester les résultats des élections, le pays avait un urgent besoin de retrouver sa sérénité et d'avoir foi en une institution aussi noble que la présidence.

Il n'en est rien !