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Un acte qui ne veut pas entrer en scène

17 novembre 2019, 07:13

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Un acte qui ne veut pas entrer en scène

 

Acte II, scène I. Longtemps caricaturé, Pravind Jugnauth n’est le plus même PM que l’on avait connu en début d’année. Jouant sur un calendrier serré, – entre les JIOI, le passage du pape François, le lancement prématuré du tram appelé Metro Express, la laborieuse conclusion de l’affaire Boskalis/ Maunthrooa et le verdict de la cour intermédiaire par rapport à la dernière des 11 charges pesant contre Navin Ramgoolam, soit celle des coffres-forts qu’on a tant revus durant la campagne électorale – le leader du MSM a bluffé tout un pays avec une stratégie bien ficelée. Il aurait attendu encore une semaine, les résultats n’auraient pas été aussi favorables pour le MSM-ML.

Dans une guerre totale, comme celle qui a opposé les Jugnauth à Navin Ramgoolam, on doit, en effet, faire feu de tout bois. Avec l’aide de Dulthumun et de Lee Shim, le Sun Trust a tout misé. Leur destin était en jeu. C’était donc une «make or break election».

Profitant à fond du ‘First Past the Post’, qui ne saisit pas les nuances de l’électorat, Pravind Jugnauth, avec 37 % des suffrages, a réussi le tour de force de faire entrer 42 députés (dont quatre Best Losers) au Parlement. À ceux-là, viennent s’ajouter les deux élus de l’OPR de Serge Clair. Il a légitimé ainsi son retour au pouvoir. Et c’est pour cela que nous avons, le lendemain de sa victoire électorale, titré Pravind Jugnauth, par la grande porte, comme pour marquer une rupture, nécessaire, avec le slogan du passé, par l’imposte. Il lamine, dans le même souffle, les oppositions désunies. Navin Ramgoolam, qui a manifestement mal fait d’écouter ce prêtre qui lui a conseillé d’émigrer au no10 loin du samadhi de son père, et le Parti travailliste, qui compte 12 députés, menés par le Poulidor des Rouges, le bien-aimé Arvin Boolell. Paul Bérenger, qui avait entrevu la renaissance des années de braise, doit se contenter de neuf députés, tous élus dans les villes, dont Joanna Bérenger, élue en tête de lice à Vacoas–Floréal, alors que le no2 des Mauves, Ajay Gunness, y a mordu la poussière… Quant au PMSD, le parti compte cinq députés, dont deux Duval. XLD perd le poste et la voiture du leader de l’opposition, mais devient le président du PAC; son fils n’est pas élu, mais son frère a été repêché. Voici grosso modo la configuration politique qui prêtera serment le 21 novembre…

…et alors que le Leader of the House et le nouveau leader de l’opposition se rencontrent de manière cordiale pour discuter de la rentrée parlementaire et évoquer le changement au Réduit (le loyal Vyapoory semble avoir oublié que les politiciens n’ont pas de reconnaissance ni d’amis sauf des intérêts et des proches à caser dans le cadre de leur grande stratégie), un groupe de citoyens, réuni autour de la plateforme Nu Lavwa Nu Dignite, comprenant des politiciens de l’opposition (réunifiée !) et des membres de la société civile, entendent contester les résultats des dernières législatives par voie légale et par une «massive pacific protest». S’il est clair qu’il n’y aura pas des dizaines de milliers de «gilets jaunes» dans la rue, il est réconfortant de constater que des compatriotes entendent tirer au clair la série d’allégations de malversation qui ont émaillé le dernier scrutin.

Si auparavant on a souvent parlé d’élections «marday», eu égard au pouvoir de l’argent, l’appareil d’État et du castéisme, cette fois-ci, la situation s’avère bien plus grave. D’ailleurs le commissaire electorale, lui-même, a qualifié la découverte d’un bulletin de vote avec trois croix pour l’Alliance Nationale de «très grave». Depuis on a retrouvé un deuxième bulletin.

La campagne électorale qui vient de se terminer – l’est-elle vraiment ? – a morcelé le pays. La guerre des clips a mis en exergue les travers de chaque camp politique – ce qui a été, par ailleurs, une bien mauvaise pub pour Maurice, réputée pour son Ease of Doing Business. Si Ramgoolam persiste à vouloir retourner au Parlement et qu’il demande à l’un de ses poulains de démissionner, la tension va perdurer. Cela va amplifier le climat d’incertitude dans lequel nous baignons depuis que l’on évoque les irrégularités électorales. Il devient donc impératif que nous sachions faire la part des choses, c’est-à-dire apprendre des erreurs notées çà et là pour moderniser la compilation des listes électorales et éviter que le pays bascule dans une campagne électorale permanente. Il est temps de se remettre à l’ouvrage avant les fêtes de fin d’année. Pour financer les Rs 9 000 de pension de vieillesse, la population active doit bosser encore davantage. Avec une nouvelle équipe gouvernementale qui a rajeuni et une opposition numériquement plus forte (26 membres), une enquête du CCID sur les bulletins de vote, une assemblée de citoyens pour cerner les failles du dernier scrutin, et une pétition électorale conjointement préparée par le PTr-PMSD-MMM, un nouveau président et un vice-président, l’on pourrait passer à l’Acte II, scène II. En attendant que les institutions – et non pas les insinuations – puissent fonctionner, entre-temps, en toute indépendance…