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Dissolution, schizophrénie et vous

7 octobre 2019, 07:21

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Pravind Jugnauth a enfin, hier, annoncé la dissolution de notre Parlement. Pourquoi tenir une conférence de presse quand il a la MBC comme caisse de savon ? Le Nomination Day aura lieu le 22 octobre et les prochaines législatives se tiendront le 7 novembre. Soit presque dans un mois. La campagne qui a officiellement commencé hier sera, à notre avis, l’une des plus courtes et intenses de notre histoire politique contemporaine. Ce serait manquer à notre indépendance de journaliste que de ne PAS reconnaître (et, accessoirement, saluer) que le message du Premier ministre à la nation, hier, était, dans le fond, court, sobre et solennel. On a surtout vu un chef de parti qui a compris et, espérons-le, intériorisé la ligne de démarcation, nécessaire, surtout en temps électoral, entre un Premier ministre sortant et chef d’alliance politique voulant conserver/ reconquérir le redoutable pouvoir politique. Aucune allusion au métro pour commencer. Bravo.

Reste, pour nous, la question que le peuple mauricien aura à trancher le 7 novembre. Le PM, qui veut légitimer la place qu’il a héritée de son père, a dit qu’ensemble l’électorat doit appuyer le développement et le progrès qu’aurait connus le pays depuis, disons, janvier 2015. À cette question, nous mettons en relief ce même questionnement pertinent. Ce progrès a-t-il bénéficié au pays tout entier, à la population dans sa grande diversité, ou plus particulièrement à une dynastie politique dont la doctrine est d’«empower» en premier les branches des Jugnauth ?

Face aux Jugnauth, les proRamgoolam et les pro-Duval, et les pro-MP-anti-Ganoo mettent en avant la nécessité de s’ériger contre une forme de dictature d’État, powered par du népotisme à une échelle rarement vue dans les sphères publiques et parapubliques. Duval a su arracher 20 % de contrôle, selon le mode «prorata» qui dicte les nombres (tickets, ministères, chairpersons, ambassades, etc.) et a compris que l’heure n’est pas aux peccadilles. Le PMSD a compris son importance dans le jeu démocratique quand il a fait capoter le projet d’un Prosecution Commission Bill, qui aurait pu réduire au silence plus d’un, y compris le DPP (NdlR : les Bleus ont démissionné du gouvernement le 19 décembre 2016). La partielle du numéro 18 remportée par les Rouges lui a peut-être coupé les ailes, mais pas complètement dans la mesure où les Bleus sont devenus bien plus entreprenants que les Mauves, passéistes ?, et qu’ils intègrent déjà les deux éventuels élus rodriguais dans leurs 14 tickets pro-Ramgoolam, anti-Jugnauth…

L’acrobatie d’Alan Ganoo qui, samedi matin claironne du rouge comme président du Mouvement patriotique (MP) avant de croquer sans pudeur dans l’orange des Jugnauth quelques heures plus tard, le samedi soir, relève de la schizophrénie politicienne. C’est un digne remake de l’épisode gâteau – qu’il a appris de son ancien gourou – sauf qu’il a emprunté le chemin inverse de Bérenger : rappelons-nous que ce dernier, après avoir tendrement placé une tranche de gâteau dans la bouche d’Anerood Jugnauth, était passé de l’orange au rouge un même soir.

Il faudrait quand même attendre sa conférence de presse de ce matin pour déterminer si cette schizophrénie politique diagnostiquée chez Ganoo – attiré davantage sans doute par une pension alléchante qu’une part de gâteau chez Paul de Rakesh Gooljaury – se révèle contagieuse ou pas, si cela dépasse le simple dédoublement de la personnalité.

En tout cas, Ganoo va désormais tout faire pour ravaler son vomi et applaudir le bilan de ce gouvernement. Il va s’agiter dans son bocal pour prouver qu’il n’est pas isolé, qu’il existe encore, en dépit de ses propos incohérents et ses zigs zags, une équipe autour de lui, MP comme non MP.

Même si cela sent mauvais, en tant que journalistes nous devons prendre le temps de comprendre ce qui s’est vraiment passé. On ne peut pas, on ne doit pas, balayer le syndrome Ganoo d’un revers de la main, uniquement parce que nous serions entrés dans une phase de dissolution du Parlement et des principes moraux.

Il faut, au contraire, disséquer ce qui s’est passé entre son annonce du matin et sa décision du soir. Il nous faut aller à la racine du mal qui ronge le système politique : le pouvoir grandissant de l’argent dans les orientations politiques et les soutiens dynastiques.

Depuis qu’il a créé le MP, Ganoo essaie de mettre en avant la condition supposément indispensable pour toute alliance en vue des prochaines législatives: l’honnêteté des partis politiques ! «Si éna lalians, nou pou get bien. Li pou bazé lor program lot parti-la, lor ki dimounn éna lot koté é lor langazman lot parti.»

Vraiment Alan Ganoo ? Où sont les manifestes électoraux ? Qui les lit encore pour commencer ? Et quid de l’implosion du MP parce que vos camarades de parti ont refusé de vous suivre et se sont rendus, en votre absence, chez les grévistes, victimes d’un système foncier bien trop politisé ?