Publicité

Daniel Raymond: «Vous me fatiguez avec le permis à points…»

22 septembre 2019, 10:01

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Daniel Raymond: «Vous me fatiguez avec le permis à points…»

Cela fera cinq ans bientôt que Daniel Raymond – qui parle de lui à la troisième personne – est Road Safety Coordinator au ministère des Infrastructures publiques et du transport en commun. Bilan, alors que l’on a déjà atteint 100 morts sur nos routes…

Une malencontreuse erreur s’est glissée dans l’édition de ce dimanche 22 septembre. La photo publiée avec l’interview n’est pas celle de Daniel Raymond mais Pradeep Goburdhone. Nous présentons nos excuses auprès des deux concernés.

Nous avons franchi la barre des 100 morts. Comment interpréter ce chiffre ?
Dans un premier temps, avec beaucoup de prudence, il faut dire qu’il y a eu une amélioration en ce qui concerne le nombre d’accidents mortels sur nos routes. Il y a une tendance à la baisse. Nous avançons avec une descente dans les chiffres en comparaison avec 2017 par exemple (voir hors-texte). Il y a une meilleure prise de conscience des usagers de la route. Cependant, le comportement de certains laisse toujours à désirer. Comme le port du gilet réflechissant qui est toujours négligé et des manœuvres dangereuses des deux-roues. Le plus gros problème reste les piétons. Même si le chiffre concernant les victimes piétonnières restent stagnantes soit 26 pour 2018 et 2019. Le problème c’est que le système routier n’est pas assez «précis» pour eux.

Cela fait quand même 100 morts de trop. Vous êtes conseiller depuis 5 ans, qu’avez-vous fait de concret pour remédier à la situation ?
Nous viendrons avec un bilan complet et approfondi la semaine prochaine avec la commission nationale. Nous avons quand-même réussi à diminuer le nombre de morts sur nos routes depuis plusieurs années. De 157 à 143 et si cela va sur la même tendance peut être 125 ou moins cette année c’est déjà très bien. L’objective est de réduire à 100 sur les 10 ans.

Aussi, nous avons augmenté les amendes concernant différentes infractions de la route. Nous avons adopté la tolérance zéro. Nous avons introduit la loi sur l’alcool et la drogue au volant. Nous sommes déjà sur une très bonne voie.

Si vous le dites… Et les campagnes de sensibilisation portent-elles leurs fruits ?
Forcément. Aucun pays au monde ne peut mesurer l’impact d’une campagne de sensibilisation mais il faut communiquer. Il est impératif de mener trois à cinq campagnes de sensibilisation par an. Mais la communication est aussi partout ailleurs. Par exemple, un panneau indicateur est un moyen de communication pour les usagers de la route.

La communication est le devoir de tous. Par exemple, Monsieur Raymond a déjà sollicité l’aide du Media Trust tout une réflexion de comment sensibiliser tout un chacun. Nous n’avons jamais eu de retour.

L’état de nos routes est-il également à blâmer ?
Oui et non. 20 % des cas peuvent être liés à la route mais ce n’est pas le seul facteur à prendre en considération. Dans 95 % des cas, les accidents sont dus au comportement des usagers de la route. Tout est question d’erreur et d’infraction. Il faut savoir que trois éléments doivent être pris en considération : l’usager lui-même, son âge par exemple, l’environnement (s’il y avait de la pluie ou s’il faisait nuit) et aussi le véhicule.

Comme exemple, à l’étranger, un chauffeur de poids lourd après avoir obtenu son permis doit impérativement faire 150 heures de formation avant de postuler pour un emploi.

Justement, quelles sont les causes les plus fréquentes d’accidents ?
La vitesse. Les gens roulent trop vite. 60 km/h en ville est trop élevé. Au maximum, comme cela se fait dans les autres pays, il aurait fallu que ce soit 50 km/h ou encore 30 km/h à certains endroits. La raison ? Les conducteurs ne sont pas assez formés à Maurice. Il faut savoir que 95 % de la conduite se joue sur le regard. Il faut savoir ou regarder, quoi regarder et surtout développer des réflexes. Par exemple, cela ne sert à rien de klaxonner. Il est ainsi primordial de réduire la vitesse afin de pouvoir agir si besoin est.

Que faites-vous à votre niveau concrètement pour changer la mentalité ?
Nous nous sommes consacrés à l’éducation routière. Mais cela va débuter en janvier 2020 dans toutes les écoles. De grade 1 à grade 6, tous les enfants auront une formation, en tant que cyclistes, piétons et passagers. Nous avons, à notre niveau, formé quelque 800 personnes à cet effet, pour éduquer ces enfants.

Il est bon de savoir que  la formation routière n’existe pas pleinement à Maurice. Le contexte diffère des autres pays. Il faut maintenant savoir comment on change un système vieux de plus de 50 ans.

Tout est donc de la faute des conducteurs ?
Les automobilistes et motocyclistes ne peuvent pas venir dire qu’ils ne savaient pas que telle ou telle loi existe. Cependant, il n’y a pas moins de 150 000 infractions qui sont recensées par la police chaque année. Une étude a d’ailleurs démontré que 45 % des conducteurs admettent utiliser leur téléphone portable au volant...

Et quelles sont les véhicules les plus impliquées ?
Actuellement, les deux-roues. Avec 30 motocyclistes qui ont péri en neuf mois sur nos routes.

Ce sont eux aussi les plus vulnérables ?
Oui. Nous avons aussi les cyclistes. Ils sont sept à avoir perdu la vie cette année. Sans oublier les piétons. Souvent, il n’y a pas de voies continues pour que les piétons puissent poursuivre leur route.

Et les moto-écoles sont-elles efficaces ?
Bien sûr. Si les moto-écoles ne sont pas utiles pourquoi avons-nous des auto-écoles alors ? Pourquoi personne n’ose venir dire de supprimer les auto-écoles aussi ? C’est de mauvais foie à venir dire que c’est une mauvaise idée. Pourquoi personne n’y va ? Parce qu’on leur autorise à conduire, ici à Maurice, leurs deux-roues avec un permis provisoire de six mois pendant toute leur vie. 90 % de ceux qui pilotent leurs engins se tuent tous seuls. Par manque de formation, après ils osent venir critiquer le prix.

Ne faut-il pas réintroduire le permis à points ?
Vous me fatiguez toujours avec le permis à points. En Europe par exemple, ce système est complet avec une possibilité de récupération de points et une formation adéquate. Le système est complet et cohérent. A Maurice, il y a-t-il une suspension de permis immédiat ou confiscation de véhicule pour délit grave ? Chaque pays doit s’adapter à un système cohérent à la formation de ses usagers.

Et vous alors ?
Monsieur Raymond ne fait rien à Maurice pour aggraver la situation. Je ne bois pas. Je ne fume pas. Et je ne conduis pas...