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Pope Star

7 septembre 2019, 07:12

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#ViveLePape. Maurice accueille à bras ouverts le pape François qui vient du Sud. À chaque coin de rue ou sur chaque page de journal, chacun y va déjà de son chapelet. L’emballement est presque sans précédent (on a déjà oublié les derniers Jeux des îles). S’il n’y avait pas eu la visite de Jean-Paul II en 1989, un moment gravé dans la pierre du XXe siècle...

La visite d’un pape compte parmi les événements majeurs contribuant à l’émergence, dans l’espace public, du fait religieux. Oublions la petite polémique entourant les affiches du diocèse pour sensibiliser au message écologique du pape François – affiches vite détournées à la sauce mauricienne et où le diocèse démissionne bien bien vite. L’événement du 9 septembre apporte une dimension internationale à notre bienheureux Père Laval – dont le sort se retrouve entre les mains décisionnelles du Vatican, petit mais puissant État qui choisit les saints des bienheureux.

Le temps de la visite papale, on constate un véritable maillage symbolique qui culmine en un pic médiatique. Des chercheurs en sciences sociales ont analysé le passage de Jean-Paul II dans le sud-ouest de l’océan Indien en 1989 et ont mis en exergue divers actes rituels qui viennent sacraliser le déplacement de l’homme en blanc : embrasser ou baiser le sol, suivre un itinéraire, parler créole, béatifier...

Le pape accomplit ce qu’on appelle un «dire symbolique» en énonçant divers discours enchevêtrés : discours de réconciliation, de célébration, d’exhortation, discours de révélation. «Les lieux successifs d’inscription de l’itinéraire papal marquent une cartographie symbolique par concaténation d’épisodes qui scandent sa visite : l’aéroport à l’arrivée et l’accueil protocolaire de bienvenue (...), le premier contact avec la population, puis en «papamobile» jusqu’à la préfecture, saluant la foule massée tout le long du parcours, la réception à la préfecture, un entretien particulier avec le Premier ministre, la présentation des corps constitués et des représentants de la société civile et la rencontre avec les représentants religieux et laïcs de l’Église catholique ; les jardins de l’évêché et la rencontre avec les jeunes ; le parc de la Trinité et la messe de béatification ; puis à nouveau l’aéroport au départ et l’adieu protocolaire», résume le chercheur en sciences de l’information et de la communication, Jacky Simonin, par rapport au déplacement de Jean-Paul II à La Réunion il y a 30 ans de cela.

Ce qui avait marqué les esprits de nos voisins réunionnais en 1989 était une phrase en créole, véritable «gage» donné à la communauté locale dont il valorise l’identité : «res pa dan le fénoir». Une invitation pour sortir des Ténèbres vers la Lumière...

Outre l’écologie et la lutte contre la pauvreté, en tant que pèlerin de paix, le pape François pourrait insister sur un discours de réconciliation. Réconciliation non pas entre nous, mais réconciliation avec le passé lorsqu’il évoquera l’attitude de l’Église et le comportement de nombre de ses clercs dans le contexte colonial de la société servile. À bien voir, l’action et le discours d’un pape en voyage revêtent de multiples dimensions : religieuse, éthique, ethnique, politique et sociohistorique. Ils les concentrent en un symbole qu’incarne le pape lui-même et qui consiste à particulariser l’universel en l’inscrivant dans le territoire symbolique singulier du Mozambique, de Madagascar et de Maurice.

Le «faire et le dire» papal prennent mieux sens dans la communauté sociale, car ils touchent son imaginaire. Et c’est ainsi que le discours religieux taquine, parfois, les frontières de l’argumentation, du côté de la manipulation, de la propagande. L’on explique que la force de la communication papale réside en le rare fait qu’elle jette un pont entre idéologie et utopie (Ricoeur, 1997). C’est pour cela qu’il importe d’envisager l’argumentation religieuse, ainsi que la rhétorique qui l’entoure, comme une forme spécifique de communication politique. Ni plus ni moins.