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Jardin de la Compagnie: les fleurs des mâles et autres poèmes…

1 septembre 2019, 21:30

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Jardin de la Compagnie: les fleurs des mâles et autres poèmes…

«Enn ta zafer passé aswar isi.» C’est ce que dit le gardien d’un des bâtiments à proximité du jardin de la Compagnie. Le lieu regorge d’histoires, et ce n’est pas lui, qui est sur place tous les soirs, qui dira le contraire. D’ailleurs, il avait vu des «zafer bizar» le soir où un bébé mort-né avait été abandonné à proximité des toilettes du jardin. Ceux qui côtoient le lieu tous les soirs affirment qu’ils sont loin d’être étonnés par cette affaire…

Il est 20 heures. Ti Frer est figé sur son piédestal, ravanne à la main. Cela fait presque deux décennies qu’il surveille les allées et venues du jardin. À côté de lui, un homme est assis sur un banc. Son visage est éclairé par la lueur de son portable. Il n’y a pas âme qui vive au jardin de la Compagnie ce soir-là. Il faut traverser la rue pour avoir droit à un peu de mouvement. «La ankor trankil, la. Apré 10 er ki dimounn koumans vini…»

Cela fait quelques mois que ce gardien est sur place tous les soirs. Du bâtiment où il travaille, il a vue sur tout ce qui se passe «dan zardin». Il voit les prostituées qui se battent entre elles. D’autres marchent inlassablement, font le va-et-vient, à la recherche de clients. Les toxicomanes, il en voit peu et généralement, ils sont discrets. «Mé apart sa, pena bel zafer.» Sauf vendredi dernier.

Pas l’endroit le plus dangereux

À la veille de la découverte macabre, l’habitué des lieux affirme qu’il a vu un van rôder dans les parages. «Apré ti ena enn lalimier dan kwin laba, kot zot inn trouv sa…» Ce soir-là, il avait vu une lumière clignoter à l’endroit précis où un bébé mort-né a été retrouvé. Mais comme il n’a pas le droit de quitter son lieu de travail, il ne s’est pas déplacé.

Ce n’est que le lendemain qu’il a appris ce qui s’était passé. Mais malgré tout, cet homme de la nuit est catégorique. Ce n’est pas l’endroit le plus dangereux le soir. «Avan, mo ti pé travay parti Montagne Zako.» Le ton de sa voix change. «Laba, si touy ou, lekor em kapav pa gagné sa…» Non, le jardin de la Compagnie a beau avoir mauvaise réputation, lui, il ne se plaindra pas.

Un peu plus loin, deux autres agents de sécurité qui font une tournée confirment ses dires. Il y avait bien un van qui traînait dans les parages ce soir-là. Mais ces deux compères n’avaient pas été intrigués par ce véhicule. «Ou koné, ena diféran kalité dimounn ki frékant sa plas-la.»

Eux, ils expliquent que le jardin en soi n’est pas malfamé. Mais c’est tout le quartier aux alentours qui est lugubre. Entre les querelles d’ivrognes, les crimes entre marins taiwanais ou encore, les proxénètes, ils ont tout vu. L’anecdote la plus récente remonte aux Jeux des îles, lorsque des membres d’une délégation étrangère cherchaient à vivre l’hospitalité mauricienne de très près et s’étaient fait agresser. «Vous n’avez jamais remarqué qu’il n’y a pas de SDF dans le jardin ?» Les rares fois où ils ont essayé de chercher un peu de quiétude dans le jardin, ils ont été agressés et dépouillés du peu de chose qu’ils avaient. «Si ou lé frékant sa landrwa-la aswar, ou bizin vinn kouma bann-la mem. Trankil trankil pa pou kav resté sa

Maryaz lisien

Une heure après, malgré toutes les histoires et les mises en garde des passants, le jardin de la Compagnie était toujours tristement calme. À par quelques toutous qui assistent à un «maryaz lisien» en fanfare près des étals des marchands, la présence humaine faisait toujours défaut. Il faut dire que la fine pluie, qui crée une auréole orange autour des lampadaires à la lumière fatiguée, ne rend pas la soirée propice aux sorties nocturnes. «Bizin atann bann dimounn sorti kazino, lerla cav ena inpé mouvman…»

Le casino se trouve à une rue du jardin, mais la différence est de taille. Ici, il y a de la lumière, il y a des voitures qui passent, il y a des gens qui marchent, des travailleurs étrangers qui visitent la capitale «by night…» «Mé fer atansion kan zot pé marsé! Pa tini telefon portab dan lamé koumsa!» lance l’agent de sécurité de la maison de jeu.

Tout a beau avoir l’air calme, on ne sait jamais quand les «figir sal» sont de sortie, explique-t-il. Et à son poste, il en a vu, des «tet brilé» qui en sont venus aux mains. Mais heureusement, cela ne se produit pas souvent et au fil des années, ses collègues et lui sont devenus des profilers et ils arrivent à étouffer les problèmes avant qu’ils ne dégénèrent. Et sinon, ontils déjà vu des bagarres ? Des crimes ? Des fantômes ? «Apart enn-dé lager, pa gran zafer»…

Décidément, les secrets du jardin de la Compagnie sont très bien gardés.