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Contentieux Chagos/Huawei: la vigilance reste de mise

12 juin 2019, 22:35

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Contentieux Chagos/Huawei: la vigilance reste de mise

Les relations commerciales entre Maurice et les États-Unis pourraient-elles changer ? Cela , par rapport aux effets collatéraux de la victoire de l’État Mauricien et des Chagossiens devant l’ONU de même que le contentieux Huawei...

L’AFFAIRE Chagos et le projet Safe City de Huawei (qui est réalisé alors que la Chine et les États-Unis connaissent des relations tendues) pourrait-ils nuire aux relations commerciales unissant Maurice à l’Oncle Sam ? Il n’y a pas d’inquiétude à avoir, rassurent les opérateurs traitant avec le marché américain. En effet, rien qu’en 2018, la valeur de nos exportations des produits de la mer, d’équipements médicaux, de la vanille et de la joaillerie vers les États-Unis se chiffrait à Rs 8 milliards. L’Economic Development Board précise toutefois que la grosse partie de ces exportations est issue du secteur textile et s’élevait à Rs 4,8 milliards en 2018.

«Il faut reconnaître que les États-Unis représentent une puissance économique et un des plus gros marchés au monde. D’ailleurs, la consommation aux États-Unis a plus que doublé pendant la dernière décennie. En ce qui concerne Maurice, nos exportations ont augmenté à partir de 2000 avec l’entrée en vigueur de l’AGOA», explique Geerish Bucktowonsing, le chef du département de la filière manufacturière au sein de l’EDB.

L’African Growth and Opportunity Act (AGOA) est un accès préférentiel octroyé par le gouvernement américain à 38 pays de l’Afrique subsaharienne, incluant Maurice. Il a été renouvelé en 2010 et ce jusqu’en 2025. À l’approche de cette échéance, où en sont les négociations pour l’élaboration d’un accord de libre-échange entre Maurice et les États-Unis?

«Pour l’instant il n’y a pas de consultations formelles, l’AGOA devrait prendre fin en 2025, ce qui nous laisse encore du temps pour nous préparer. Les discussions sont encore à un stade informel mais l’idée reste de garder les avantages dont nous bénéficions sous l’AGOA ou mieux encore», dit-on du côté du ministère des Affaires étrangères.

La politique pourrait-elle prendre le dessus sur les relations commerciales suite à la dernière assemblée générale des Nations unies dans le sillage de l’affaire Chagos ? Non, à en croire Arvin Boolell, ancien ministre des Affaires étrangères. «Nous n’avons pas beaucoup de touristes en provenance des États-Unis et au-delà de l’AGOA, il n’y a pas beaucoup d’investissements américains à Maurice. Si les négociations pour l’accord de libre-échange ne se font pas au niveau bilatéral, elles se feront au niveau continental; les États-Unis et le continent africain. Nous faisons partie du continent africain. Ils peuvent nous rendre la vie difficile par l’imposition de barrières tarifaires mais c’est très peu probable car il y a les règlements de l’Organisation mondiale du commerce à considérer.

«Il n’y aura pas de sanction économique directe sur Maurice, nous sommes un petit pays et nous ne sommes pas la Chine avec de grosses pointures technologiques locales pour rivaliser avec les États-Unis. En ce qui concerne les Chagos, notre position n’est pas de demander aux américains de quitter Diego Garcia, il s’agit d’une négociation politique entre gouvernements.»

Même son de cloche du côté de la Mauritius Export Association (MEXA), il ne faut pas faire d’amalgame entre politique et commerce. Selon la directrice de cette association, Lilowtee Rajmun-Jooseery, Maurice respecte les critères d’éligibilité de l’AGOA et ne perdra pas son éligibilité.

«En ce qui concerne l’expiration de l’AGOA, nous savons que les États-Unis doivent négocier des accords bilatéraux et nous attendons ce- la. L’AGOA prendra fin en 2025 mais le temps passe et il y aura une certaine incertitude tant que cet accord ne sera pas fait. Plusieurs autres pays d’Afrique seront aussi à la table de négociations et tout cela prend du temps.»

Si pour la MEXA, la vigilance reste de mise, Maurice a quand même l’avantage de répondre aux demandes et critères des clients américains sans compter que pour l’instant la guerre commerciale opposant les États-Unis à la Chine a des retombées positive pour Maurice. La question qui se pose est en quoi l’escalade des tensions commerciales entre ces deux pays peut-elle être bénéfique pour Maurice ?

«Le marché américain devient de plus en plus important pour Maurice, surtout avec l’avènement du Brexit et aussi des gilets jaunes, qui affectent nos exportations vers ces deux marchés traditionnels ; notamment la Grande-Bretagne et la France. Maurice peut en tirer avantage pour attirer plus d’acheteurs américains.

Au cours de notre dernière mission de promotion aux États-Unis, nous avons constaté un intérêt plus poussé des acheteurs pour le textile mauricien. D’ailleurs, la prestigieuse ‘Sourcing Journal’ dans son édition de janvier 2019 a même rapporté que ‘Mauritius Showcases Sourcing Offer as Companies Look Away from China’. L’accès hors taxes, la qualité de nos produits et notre flexibilité à accéder aux commandes, de petites et moyennes quantités, sont des atouts pour Maurice. Il est bon de faire ressortir que Maurice est reconnu comme un des principaux fournisseurs de produits textiles africains depuis l’entrée en vigueur de l’AGOA», ajoute Geerish Bucktowonsing.

Le marché américain représente donc un marché sûr et stable pour Maurice qui pourrait même diversifier son offre. Ahmed Parkar, CEO de Star Knitwear, est lui aussi d’avis qu’il n’y aura pas d’arrêt des échanges commerciaux entre les États-Unis et Maurice, notre système tarifaire étant minime, avec un système progressif et étant membre du bloc Afrique.

«Nous exportons peu, Maurice ne représente pas grand-chose sur la carte mondiale du secteur manufacturier. Les négociations pour l’accord de libre-échange ne devraient pas être difficiles.» Pour cet homme d’affaires, il faut préciser que le marché américain est un marché important pour Maurice, les States ayant une économie forte avec un pouvoir d’achat certain. Si Maurice est connu pour ses produits raffinés en termes de qualité et de service, nous pouvons aussi élargir notre production en explorant la diversification.

Après tout, qui sait, peut-être le rhum mauricien fera-t-il un tabac aux États-Unis !