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Après le DPP et la presse, le GM veut discréditer le judiciaire

18 mai 2019, 07:20

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Le 5 septembre 2012, à la question de l’express :Comment accueillez-vous la décision du Comité des droits de l’homme sur la nécessité ou non de ceux qui veulent se présenter comme candidats aux élections d’avoir à déclarer leur appartenance ethnique ?, Eddy Balancy, pas encore chef juge, répondait ceci à notre regretté collègue et ami Nazim Essoof :

«Je suis content de cette décision. Il abonde dans le sens de mon raisonnement dans le cas de Rezistans ek Alternativ en 2005. Raisonnement épousé par la juge Gulbul qui, cependant, tout en affirmant qu’elle pensait comme moi, avait dit qu’elle se sentait liée par la décision du Full Bench de la Cour suprême qui avait renversé mon jugement de 2005. À ce stade, je dois dire que je n’ai pas encore étudié tout l’argumentaire du Comité des droits de l’homme de l’ONU, mais suivant un bref coup d’oeil, j’ai noté une référence à ma décision et à celle de la juge Gulbul ainsi qu’une discussion des arguments soulevés dans les précédentes affaires.»

Le juge Eddy Balancy ajoutait que c’était la crédibilité du pays qui était – et demeure ! – en jeu en tant que signataire de l’International Covenant on Civil and Political Rights de l’ONU. «À ce titre, le pays se doit de respecter ses engagements. Il n’y aura pas de mesures punitives si nous ne respectons pas ces engagements. La sanction, ce sera l’opinion internationale», expliquait le futur chef juge dans cette interview – qui a été incluse dans le dossier du parquet (du MSM Maneesh Gobin) qui conseille le gouvernement dirigé par deux légistes-politiciens, le duo Pravind Jugnauth-Ivan Collendavelloo.

Dans la motion pour contester la présence du chef juge, le choix des mots est assez particulier ; on écrit : «On behalf of the State, we are challenging the Chief Justice as it would not be appropriate for the Chief Justice to preside over this case since the Lordship has presided over the case in Narain. The motion is grounded on the perception of bias.» On sent qu’on a pris des précautions, mais, manifestement, le gouvernement ne pouvait pas faire cette omelette sans casser les oeufs. Tout le monde aura compris, entre les mots, l’allusion selon laquelle le chef juge ne serait pas apte à siéger ! Mais au-delà d’une attaque contre le chef juge Eddy Balancy, connu et respecté pour ses idées progressistes, c’est une atteinte grave à l’encontre d’une institution qui est considérée comme un rempart contre toute dérive démocratique ; c’est une entorse à la séparation des pouvoirs de notre système démocratique ; c’est un autre cas où les institutions ne sont pas respectées…

L’affaire prend aujourd’hui une autre dimension. Si en 2005 Eddy Balancy avait siégé seul, cette fois-ci il préside un Full Bench de pas moins de cinq juges. Le gouvernement estime-t-il donc que Balancy allait influencer les autres juges – que ces derniers ne réfléchissent pas par eux-mêmes, qu’ils sont des pantins ? Parmi eux, l’on retrouve le prochain successeur de Balancy, le juge Ashraf Caunhye. On retrouve aussi les numéros 4 et 5 du judiciaire. En voulant clairement retarder le procès – faute d’avoir pu rallier une majorité ou un consensus politique – et intimider Balancy, le gouvernement égratigne aussi les autres juges du Full Bench.

Ce gouvernement a eu tort de vouloir écarter le chef juge dans un cas qui n’est pas factuel mais qui relève davantage de l’interprétation de la Constitution. Cette tactique de politiciens soulève aussi la question : le chef juge, comme citoyen éclairé, n’a-t-il pas le droit d’avoir une opinion, une liberté d’expression, de confier ses idées à l’express et à nos lecteurs ?

Si Maneesh Gobin est un Attorney General roue de secours – après le terrible accident de parcours de Ravi Yerrigadoo dans l’affaire Bet 365 – qu’en est-il de celui qui était considéré, avant qu’il ne se joigne à la politique, comme un fin légiste, soucieux de l’éthique : Ivan Collendavelloo ? Pour moins que cela, il avait démissionné jadis. Mais désormais il se tait, et cautionne. Aujourd’hui, pour une seule et unique fois, on rejoint Ravi Rutnah* : l’âge et la politique ont fait de Collendavelloo le triste reflet de lui-même, accroché à un gouvernement qui attaque les esprits indépendants de plus en plus, car ils sentent le terrain glisser sous leurs petits pieds de dictateurs !

*Ravi Rutnah reste par ailleurs l’exemple-type qu’on peut être jeune et avocat mais demeurer con et vulgaire ! Et certainement indigne d’être parlementaire.