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J’ai honte… de cette omerta

23 mars 2019, 07:34

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«Enough is enough!» Que cache cette déclaration minimaliste de Vishnu Lutchmeenaraidoo pour expliquer son départ du gouvernement Jugnauth ? En l’absence de toute clarification de l’ancien ministre MSM, ou d’un communiqué officiel, les spéculations de toutes sortes circulent, d’autant que l’attaché de presse de l’ex-ministre reste, lui, en poste…

L’omerta de la classe politique est connue. Raison sans doute pour laquelle il n’y a pas encore eu de Freedom of Information Act jusqu’ici. Il existe une certaine solidarité entre les politiciens des partis traditionnels qui savent, au fond, qu’ils peuvent, un jour ou l’autre, se retrouver au sein d’un même parti, voire d’un même camp. Cette loi du silence au sein de cette clique de politiciens continue à prévaloir quand les différends sont étalés en public. Dans le cas de Lutchmeenaraidoo – qui est le 10e ministre de ce qu’il reste de l’alliance Lepep à soumettre sa démission en quatre ans –, on nous donne deux sons de cloche.

1) Dans le camp de Lutchmeenaraidoo, on nous explique que l’ancien ministre en a eu marre d’avaler les couleuvres, et qu’il n’a jamais eu les coudées franches, d’abord en tant que ministre des Finances, puis en tant que ministre des Affaires étrangères. On cite l’exemple du dernier comité relatif au comité socio-économique placé sous la présidence de Mahen Seeruttun et censé faire le suivi des mesures budgétaires ; les proches de Lutchmeenaraidoo estiment que ce dernier aurait bien pu jouer ce rôle. On évoque aussi une rencontre avortée avec des Angolais qui voulaient régler un litige financier. On souligne par ailleurs que Lutchmeenaraidoo n’a rien inventé, mais a simplement dit, en des termes politiques et directs, ce que la Banque centrale et d’autres observateurs économiques avancent depuis ces trois dernières années : nous évoluons en deçà de notre potentiel de croissance, c’est pour cela qu’on stagne dans les 3 %, et que nous sommes incapables de dépasser les 4 %, voire de sortir du «middle income trap».

2) Dans le camp du gouvernement, pour tenter de renverser la vapeur, l’on veut nous faire croire que Lutchmeenaraidoo a choisi de partir avant qu’il ne soit révoqué. Et quand nous demandons : pourquoi aurait-il été licencié ? On nous répond, sans gêne aucune, qu’il s’est trompé de forum en évoquant les problèmes économiques de Maurice en la présence du président malgache. D’autres sources du gouvernement affirment que le PM n’était pas satisfait de la performance de son ministre aux Affaires étrangères – et que celui-ci a tenté de faire diversion en parlant des «3 %»… Si Jugnauth n’était pas satisfait de Lutchmeenaraidoo, est-il satisfait de Koonjoo ou de Sesungkur ?

Il est probable que nous ne saurons pas toute la vérité sur ce divorce entre le camp Jugnauth et Lutchmeenaraidoo. Il est difficile de croire que le conflit entre eux ne se résume qu’à une divergence sur l’orientation économique du pays. Entre l’euro-loan, le remaniement ministériel et la démission de Vishnu le jour de Holi, il s’est passé pas mal de choses inavouables dans les coulisses…

Et comme dans le cas de Ravi Yerrigadoo, l’on ne saura jamais pourquoi l’omerta persiste. En écoutant les spéculations et les tentatives d’explications des uns et des autres, j’ai honte de la classe politique qui nous dirige. Parce qu’elle est incapable de nous dire la vérité. La vérité, toute la vérité, rien que la vérité…