Sacré veinard, ce fils d’Anerood Jugnauth. Mais la chance s’arrêtera-t-elle de lui sourire au moment des élections générales ? Fils très chanceux car même si Maurice est une République, c’est à une passation des pouvoirs royale qu’on a assisté quand sir Anerood a abandonné le trône au profit de son fils. Il est vrai que dans la tradition de Westminster, le poste de Premier ministre est occupé par le leader du parti majoritaire au Parlement. Ainsi, quand David Cameron, chef des Conservateurs, s’est retiré de ses fonctions de Premier ministre en Grande-Bretagne, c’est Theresa May, devenue leader du parti, qui a accédé au poste de Premier ministre. Mais une succession de fils à papa se fait rarement dans les démocraties parlementaires. Pravind Jugnauth a succédé à son papa comme dans des traditions royales.

Tout comme la majorité de l’électorat avait voté contre l’accession de Paul Bérenger au trône en 2014, on aurait enregistré la même réaction si le Mouvement socialiste militant (MSM) avait présenté Pravind Jugnauth comme futur Premier ministre. Cette éventualité ne fut jamais évoquée. Au contraire, on vendit le tandem Anerood Jugnauth et Vishnu Lutchmeenaraidoo comme des faiseurs du prochain miracle économique et cela, sur la base de leur performance passée. Au fait, c’était une ruse politique pour remporter les élections. Une fois la victoire acquise, Lutchmeenaraidoo a au fait vraiment opéré un miracle, pas en faveur de la population, mais plutôt pour son propre enrichissement. Il obtint ainsi un loan de Rs 44 millions afin de se lancer dans la spéculation sur l’or.

Quant à sir Anerood, il profita de la première opportunité pratique pour abandonner le poste de Premier ministre au profit du son fils. Raison invoquée alors : son état de santé ne lui permettait pas de fonctionner comme Premier ministre. Or, sir Anerood est resté depuis en excellente santé, assez fringant pour menacer de faire p… ceux qui s’opposaient à lui. Jamais embarrassé à l’idée d’engranger quelques millions over and above toutes ses allocations et pensions déjà touchées, sir Anerood s’est assuré que le cash-flow mensuel du Sun Trust ne soit pas affecté par une démission comme parlementaire.

Aussi, il a été question de prendre une police d’assurance si jamais le Privy Council prenait une décision radicale à l’encontre du fils, comme dans le cas du frère répudié Ashock. Ce danger est maintenant écarté si on croit le post Facebook du ministre Sudhir Sesungkur. Qui plus est, le MSM ne souhaite quand même pas une élection partielle catastrophique dans le no 7 (Piton–Rivière-du-Rempart).

Avec le soutien actif de son papa, Pravind Jugnauth est devenu Premier ministre. Mais auparavant, il a quand même connu quelques réalisations à mettre sur son propre compte. Ainsi, après la défaite de 60-0 subie par le MSM aux élections générales de 1995, le parti orange participa à des élections municipales tenues le 27 octobre 1996. Nullement présent dans Port-Louis, le MSM présenta quand même des candidats dans les quatre autres villes.

Fait surprenant : tous les candidats du MSM furent battus à l’exception de Pravind Jugnauth, qui se fit élire en dernière position dans l’arrondissement no 2 de Vacoas-Phœnix et le fidèle MSM Navin Ramsoondur dans l’arrondissement no 4, lui aussi en dernière position. Cette victoire municipale après la défaite aux élections générales à peine 11 mois auparavant dans la circonscription de Rose-Belle–Vieux-Grand-Port (20 % des voix contre 75 % à Arvin Boolell) constitue quand même un exploit personnel pour le fiston de sir Anerood.

Fort maintenant d’une victoire au Privy Council – si on se fie à l’information glanée sans doute de sources sûres par le ministre Sesungkur – le fils Jugnauth va certainement peaufiner sa stratégie afin de se faire plébisciter par le peuple en passant par la grande porte et non pas par l’imposte dont le plywood a été enlevé par un papa dévoué. À en croire les images conçues et réalisées par la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) tous les soirs, Pravind Jugnauth s’acheminerait vers une large victoire électorale de par ses propres moyens.

Or, l’histoire électorale du pays prouve amplement qu’à l’exception du Mouvement militant mauricien (MMM) en 1982 – et même dans ce cas, le parti mauve s’assura du soutien d’un allié –, aucune formation politique n’est capable de remporter seule la victoire. Si le MSM cherche un allié, son choix porterait automatiquement sur le MMM.

La concrétisation d’une alliance entre le MSM et le MMM va certainement s’accélérer avec ce jugement car il serait moins compliqué pour la direction du MMM de «vendre» le produit Pravind aux militants. Évidemment, le parti mauve va mettre sur le compte des subalternes à être éjectés tous les maux associés au MSM. Lakwizinn maintiendrait alors son profil le plus bas possible. Au nom de la politique, on sacrifie souvent des vaches sacrées et ni Prakash Maunthrooa ni Sherry Singh n’échappe à la règle.

La question qui reste posée est celleci : un regroupement des Travaillistes, du Parti mauricien social-démocrate et des dissidents du MMM réussira-t-il à battre l’alliance MSM-MMM-MBC ?