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Le lion n’est pas mort

6 février 2019, 07:10

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On peut reprocher pas mal de choses à Navin Ramgoolam. Sauf le fait d’avoir hérité du poste de Premier ministre comme une offrande, sur un plateau, sans passer par les urnes. À nos yeux, c’est la différence fondamentale entre le leader travailliste et celui du MSM, tandis qu’ils peuvent facilement se rejoindre sur d’autres plans, convergences propres aux dynasties et aux fils de Premiers ministres.

Certes, on peut théoriser en permanence sur la légalité du passage de témoin entre SAJ et son fils, mais, jusqu’ici à Maurice, un chef de gouvernement a toujours tiré sa légitimité de la rue, en passant par la porte principale, celle des élections générales, et non pas par l’imposte, en se tenant sur les épaules de papa. Quatre ans après sa chute, Ramgoolam, qui a su faire preuve d’une résilience certaine face aux innombrables procès, comparutions en cour et aux Casernes, à une interdiction de voyager (alors que des escrocs comme Rahim peuvent le faire), aux fonds bloqués, d’une part, et de l’autre, contre ceux de son propre parti qui voulaient sa tête, mais sans pouvoir l’affronter en face-à-face. Quatre ans après, Navin Ramgoolam semble attendre l’issue de l’affaire MedPoint avant de commencer à rugir. Le lion, même s’il se fait vieux, n’a pas le choix que de rebondir. Il sait qu’il n’est pas encore sorti du tunnel. Que le Sun Trust a d’autres tours dans son sac…

Si son challenger s’en sort de l’affaire MedPoint sans trop de casse juridiquement, Ramgoolam devra alors maximiser les faux pas politiques qui ont jalonné cette saga politico-familiale, en soulignant comment il a refusé d’aider les Jugnauth, préférant laisser la justice suivre son cours. Et si Jugnauth perd, Ramgoolam va aussi, sans tarder, retrouver son tonus d’antan – avant de créer le momentum pour renverser le pouvoir et prendre sa revanche. Dans les deux cas, à 72 ans cette année, Ramgoolam est condamné à rugir afin de ne pas laisser le champ libre aux Jugnauth – qui, s’ils conservent le pouvoir, vont s’acharner sur Ramgoolam, encore plus. Histoire de s’assurer que la dynastie Ramgoolam n’arrive plus à se relever cette fois-ci.

En soumettant, en décembre 2014, sa démission au président Kailash Purryag, Navin Ramgoolam est passé du statut de Premier ministre – «accountable» au Parlement du peuple – à celui de simple citoyen, avec des droits semblables aux nôtres, dont celui du respect à sa vie privée. C’est ce qu’on écrivait le 13 décembre 2014. On expliquait que la situation était tout autre, en août 2014, quand nous avions décidé de publier des photos de lui en compagnie de la femme d’affaires Nandanee Soornack. Nous faisions alors ressortir que, selon nous, l’atteinte à la vie privée pouvait être justifiée par la liberté d’information car elle était nécessaire à la compréhension d’un débat d’intérêt général.

C’était uniquement dans cette optique d’informer le public que nous avions publié une série de photos du Premier ministre d’alors et de Nandanee Soornack, alors que nous avons toujours refusé de rendre publiques les vidéos, qui sont en notre possession, malgré des invitations, à peine voilées, en ce sens provenant des adversaires politiques de Navin Ramgoolam, provenant des rangs de la défunte alliance Lepep. Pour nous, l’information demeurait les photos, les vidéos auraient été de la communication politique, voire de la propagande audiovisuelle, pire que les clips «Vire Mam», ou carrément du voyeurisme. C’est au nom de cette même éthique journalistique que nous refuserons aussi de publier des photos de l’enfant mineur de Mme Soornack, en conformité avec le jugement de la Cour suprême (émis le 6 février 2013), qui a mis fin au «Gagging Order» qu’elle réclamait contre notre groupe de presse et le groupe Le Mauricien.

Rester sous les lumières scrutatrices du public doit être lassant, surtout après neuf ans. La défaite de 2014 aurait dû être libératrice pour Navin Ramgoolam. Au final, Pamplemousses-Triolet, en l’épargnant d’aller chaque mardi au Parlement, lui a rendu sa liberté, sans rendre de compte à quiconque, certainement pas à ses mandants, encore moins à la presse. Mais c’était sans compter sur le déluge de procès qui s’est abattu sur lui, le transformant, à bien des égards, en victime. D’ailleurs, jusqu’ici, les meilleurs agents de Ramgoolam, qui lui ont permis de se relever de sa chute de décembre 2014, demeurent les Jugnauth eux-mêmes.