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Radiothérapie: les cancéreux à la merci des politiques

24 janvier 2019, 23:00

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Radiothérapie: les cancéreux à la merci des politiques

Le manque de volonté politique serait à l’origine du nonremplacement, à ce jour, du «Linear Accelerator». Il s’agit du seul appareil de radiothérapie dont dispose le pays pour le traitement du cancer. Appareil défectueux depuis plusieurs mois…

«SI l’appareil de radiothérapie se met en marche, il peut s’arrêter après cinq minutes…» Déclaration d’un membre du personnel de l’hôpital Victoria, à Candos. Cet établissement est le seul du pays à être équipé du Linear Accelerator, utilisé pour le traitement contre le cancer.

Depuis que cet appareil est dysfonctionnel, le ministère de la Santé a décidé d’envoyer les patients en Inde pour les séances de radiothérapie. Un déplacement qui se fait aux frais de l’État. Pourtant, selon plusieurs sources, certaines émanant de la profession médicale, il aurait suffi simplement d’une volonté politique pour changer les choses.

Acheté il y a 25 ans 

Vingt-cinq ans maintenant que le Linear Accelerator a été acheté. À cette époque, il était convenu que l’appareil serait remplacé après dix ans d’utilisation. Dans les faits, l’appareil n’a ni subit d’entretien n’a ni été changé.

Interrogé au Parlement en mars 2018, le ministre de la Santé, Anwar Husnoo, avait expliqué : «On s’attendait à ce que la machine tombe en panne. Maintenant que c’est le cas, nous avons contacté le fabricant et il n’a plus de pièces de rechange. Nous avons contacté l’Afrique du Sud, l’Inde et partout où nous aurions pu avoir des pièces. Mais jusqu’à présent, nous n’avons rien eu.» Le ministre a fait comprendre que l’ancien gouvernement aurait dû avoir remplacé la machine.

Nous avons sollicité d’anciens fonctionnaires et un ancien ministre de la Santé pour tenter de comprendre pourquoi le Linear Accelerator n’a jamais été remplacé. L’ex-ministre répond que les procédures ne sont pas les mêmes que pour les autres machines. «Cette machine s’accompagne de l’installation d’un bunker. Rien que pour la changer, il faut que se réunissent des membres de la Radiation Authority et d’autres techniciens. Ensuite, il faut lancer l’appel d’offres. Au gouvernement, plusieurs réunions ont été faites à l’époque. Mais l’autre gouvernement est entré en fonction, il devait continuer le travail», soutient-il.

Un employé du ministère de la Santé confirme que les procédures avaient été enclenchées mais qu’elles n’ont pas abouti. «Nous avions même trouvé une agence qui voulait nous aider à financer l’achat d’un nouvel appareil. Il était question que le gouvernement passe par l’Emergency Purchase qui nécessite l’aval du Conseil des ministres. Mais le projet a été figé.»

Bunker à medpoint 

Le fonctionnaire se souvient qu’en 1994, pour acheter le Linear Accelerator, le gouvernement avait créé un fonds et sollicité l’aide du secteur privé. Pourquoi ne pas avoir réitéré l’initiative ? Tout simplement parce que cette fois, à en croire le ministre Anwar Husnoo, l’argent n’est pas un problème.

Dans une déclaration à l’express, le 28 mars 2018, dans le sillage de la publication du rapport de l’Audit, le ministre avait déclaré : «L’argent n’est pas un problème, mais la disponibilité des pièces de rechange l’est. Entre-temps, des patients, surtout des enfants souffrant du cancer, sont envoyés à l’étranger pour des traitements. Définitivement, cela coûte plus cher à l’État. Mais on n’a pas le choix.» Avant d’ajouter que deux appareils (Linear Accelerator) seraient achetés pour le Cancer Centre (MedPoint).

Pour chacun de ces appareils, un bunker doit être construit. Construction qui prend six mois à peu près.

Pourquoi le Cancer Centre n’est-il toujours pas opérationnel ? C’est une des ques- tions qui figurent dans un mèl adressé à Anwar Husnoo par le biais de son attaché de presse. L’express est toujours en attente d’une réponse. En tout cas, en octobre 2018, le ministre avait fait com- prendre que la mise en opération de ce centre de cancer n’était plus qu’une question de jours. Des Saoudiens devaient arriver au pays pour la signature d’un contrat.

Au sein de la fonction publique, il ressort que le gouvernement a voulu faire construire de nouveaux bun- kers à MedPoint. Sauf que le projet de centre de cancer n’a jamais décollé. «Il faut comprendre qu’on ne peut pas construire le bunker dans un hôpital, ensuite le transférer. Il faut construire le bunker là où sera installée la machine. Cela ne nous étonnerait pas qu’il y ait eu une intention de faire un nouveau centre et de ne pas investir dans le remplacement de la machine se trouvant à Candos», affirme une autre source contactée par l’express.

Reste que certains patients ont quand même pris du retard dans leur traitement à cause de l’appareil défectueux de l’hôpital de Candos. Selon un oncologue mauricien travaillant à l’étranger, l’arrêt de la radiothérapie, si elle a commencé, est, dans la plupart des cas, synonyme de récidive. Pour lui, le gouvernement mauricien devrait revoir ses priorités et considérer le traitement des malades cancéreux comme l’une d’elles.

C’est aussi ce qu’affirment les patients et les proches qui accompagnent les malades dans leur lutte contre le cancer. «Il aurait suffi que n’importe qui au gouvernement aille voir comment sont traités les malades du cancer. Il n’y a pas de volonté d’améliorer les choses», déclare une jeune femme ayant souvent accom- pagné son amie lors de son traitement de chimiothérapie à l’hôpital de Candos.

«Énorme différence dans la prise en charge en inde»

<p>Les patients devant faire des séances de radiothérapie en Inde accusent du retard à cause des procédures. Cela a été le cas pour Véronique (prénom d&rsquo;emprunt). À 44 ans, cette habitante du Nord est actuellement en rémission. En 2018, elle a fait le va-et-vient entre son domicile et l&rsquo;hôpital de Candos pour des séances de chimiothérapie. Elle luttait contre un cancer du sein. <em>&laquo;J&rsquo;avais parfois des séances de 5 heures. La salle étant remplie et les lits occupés, il me fallait m&rsquo;asseoir sur une chaise tout au long de la séance. C&rsquo;était très difficile. Après la chimiothérapie, j&rsquo;ai dû faire des sessions de radiothérapie. Le médecin m&rsquo;a dit que je devais les faire en Inde&raquo;</em>, explique la quadragénaire. Sans lui donner davantage d&rsquo;explications. C&rsquo;est en septembre que Véronique s&rsquo;envole pour l&rsquo;Inde. Mais avant, elle veut savoir pourquoi elle ne peut pas faire ses séances de radiothérapie à Maurice.<em> &laquo;J&rsquo;ai dû poser des questions au médecin. C&rsquo;est là qu&rsquo;il m&rsquo;a dit que l&rsquo;appareil n&rsquo;était pas trop bon.&raquo; </em></p>

<p>Elle entame des démarches pour partir en Inde.<em> &laquo;Je n&rsquo;avais pas de passeport. Mon accompagnateur non plus. Nous avons donc dû faire des démarches. Cela a pris un peu de temps. Mais je ne vais pas le cacher. Une fois à l&rsquo;hôpital, nous avons vu une énorme différence dans la prise en charge des malades. Le personnel indien et les médecins sont très gentils&raquo;</em>, se rappelle-t-elle. Un de ses proches l&rsquo;accompagne aux frais de l&rsquo;État. Là-bas, le logement, le transport et les soins médicaux sont pris en charge, mais pas la nourriture. <em>&laquo;On nous avait prévenus qu&rsquo;il aurait fallu emmener des denrées. On a donc cuisiné là-bas. Et certains jours, nous avons acheté de la nourriture.&raquo;</em></p>