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Privy Council: «Pravind Jugnauth n’aurait pas dû participer à cette transaction»

16 janvier 2019, 08:05

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Privy Council: «Pravind Jugnauth n’aurait pas dû participer à cette transaction»

Le coup d’envoi des débats au Privy Council a été donné par le Queen’s Counsel (QC) David Perry, représentant le Directeur des poursuites publiques (DPP). Sur le fond, le fil conducteur de son intervention a été l’«absolute prohibition». C’est-à-dire, que Pravind Jugnauth n’aurait pas dû, et ce, d’aucune manière, participer à cette transaction.

Insistant sur cette position, David Perry, au risque de paraître acculé par les Law Lords, a pratiquement même concédé qu’il est d’accord que techniquement une réallocation ne changeait rien à l’intérêt personnel de Shalini Malhotra, la soeur de Pravind Jugnauth, car c’est un simple exercice comptable à l’interne pour le gouvernement. Fair play, il est allé jusqu’à répondre aux Law Lords, qu’il n’allait pas aborder la question de la Capital Gains Tax puisque l’argument n’avait pas été présenté en cour intermédiaire.

Mais on a vite compris pourquoi il était aussi «gentil». David Perry a donné une lecture jusqu’ici inédite : «S’il n’y avait pas eu la réallocation des fonds, qui a nécessité la signature de Pravind Jugnauth, l’argent pour le rachat de la clinique n’aurait tout simplement pas pu être décaissé. MedPoint Ltd n’aurait pas été payée.» Le représentant du DPP a expliqué que si cette transaction n’avait pas eu lieu avant le 31 décembre, le fonds du ministère de la Santé aurait «lapsed» et il aurait donc fallu attendre que l’Assemblée nationale approuve un autre budget. Ce qui aurait pris plus de temps.

C’est aussi ce qu’a repris l’ancien ministre de la Bonne gouvernance intervenant sur le plateau de l’express. «Est-ce vrai qu’il aurait fallu passer par l’Assemblée nationale ?» À cette question d’Axcel Chenney, Me Ajay Daby a répliqué qu’il y avait plusieurs possibilités dont celle que l’Assemblée aurait pu ne pas accorder son aval.

Pendant la première tranche des débats, Me Clare Montgomery, QC, a, pour sa part, expliqué que cela ne changeait rien pour la sœur de Pravind Jugnauth de savoir si l’argent proviendrait du ministère des Finances ou de celui de la Santé. Elle a ajouté que la compagnie n’avait aucun lien avec le ministre des Finances. Ce n’était pas la compagnie de Pravind Jugnauth mais celle de sa soeur, qui en était actionnaire.Un Law Lord a voulu savoir comment la question de conflit d’intérêts ne se pose  pas si le ministère choisit cette firme en particulier, au lieu d’autres, d’autant que les actionnaires bénéficieront de certains avantages si le gouvernement rachète la clinique. L’avocate a fait valoir que cela aurait pu être le cas. Mais que dans la présente affaire, ce n’est pas applicable.

MedPoint attire la foule

«Oh, the Court is full today», a déclaré un Law Lord en entrant dans la Cour No. 3 au Judicial Committee of the Privy Council (JCPC), qui siège à la Cour suprême du Royaume-Uni hier pour le procès MedPoint. Une trentaine de personnes se sont déplacées pour écouter les plaidoiries, et c’est très rare que les rangs du public soient si remplis.

Le bâtiment est imposant. La façade, ornée de fresques et statues représentant la justice et la liberté, contraste avec la simplicité de l’intérieur du JCPC. Les employés affectés à la sécurité veillent au grain afin que les consignes soient respectées. Au-delà de la fouille et l’inspection des sacs, ils traquent ceux qui essaient de prendre des selfies et autres photos, malgré les consignes écrites claires.

Clare Montgomery est la première qui arrive et se plonge directement dans ses dossiers. Des boîtes de documents portant la mention de DPP – Pravind Jugnauth sont sur les tables. Peu après, les représentants légaux arrivent. Rashid Amine va saluer ses confrères, David Perry se présente aux avocats du Premier ministre. Navin Beekarry fait son entrée, échange quelques mots avec Rashid Amine et s’installe derrière la table réservée aux hommes de loi. Shamila Sonah-Ori est à la même table. Me Désiré Basset rejoint Clare Montgomery, l’atmosphère est détendue. Et non, toujours pas de photos. «C’est parce qu’il y a des documents sur la table et ils sont confidentiels», explique l’agent de sécurité.

Côté public, les trois bancs se remplissent rapidement. Des Mauriciens habitant en Angleterre ne veulent rien rater de ce procès qui risque de changer le visage politique du pays. Mais il n’y a pas qu’eux.

Des étudiants en droit et autres avocats en stage sont aussi là, car le procès est assez spécial, selon eux. Depuis qu’il a commencé à travailler ici il y a une vingtaine d’années, l’agent de sécurité ne se souvient pas d’avoir vu tant de monde, et encore moins d’avoir à demander au public de se serrer afin de faire de la place. «Usually, there are around two people and one of them is sleeping», chuchote une étudiante.

À 10 h 30, les Law Lords font leur entrée et expriment également leur surprise devant tant de monde. David Perry lance les oraux. Se référant aux jugements précédents de l’affaire, il développe son argumentaire petit à petit: Pravind Jugnauth n’aurait pas dû être mêlé à tout ce qui touche à MedPoint, même si ce n’est qu’une signature de mémo. Il est maintes fois interrompu par les interrogations des Law Lords, répond, se perd parfois dans ses papiers mais maintient le cap pendant plus de deux heures.

Clare Montgomery prend la parole et fait comprendre qu’il n’a pas été prouvé que la soeur de Pravind Jugnauth avait des intérêts personnels dans cette affaire. Elle est aussi interrompue à plusieurs reprises. Comme son confrère, elle se perd dans les documents, mais retrouve vite son argumentaire. Mais les Law Lords ne comprennent pas son point, et elle est contrainte de finir sa plaidoirie.

Aujourd’hui, David Perry doit soumettre d’autres written submissions et Clare Montgomery a une semaine pour y répondre. Les Law Lords ont précisé que cette affaire est importante pour Maurice et que le jugement ne tardera pas.

Pendant la pause, les conversations tournaient autour de MedPoint, chacun y allait de ses analyses. Il n’y a que le directeur de l’Independent Commission against Corruption qui n’a pas voulu commenter l’affaire ou expliquer sa présence à Londres, malgré plusieurs sollicitations. «Mone dir ou non»