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Ces questions qui taraudent…

11 novembre 2018, 09:37

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Sacrée semaine ! L’article 46 de l’ICT Act, qui est modifiée à la sauvette à 1 heure du matin et qui menace sans doute de façon profonde la liberté d’expression comme garanti par l’article 12 de la Constitution ; Donald Trump qui célèbre une large «victoire», en perdant pourtant le contrôle de la chambre du congrès ; Maneesh Gobin qui s’étant fait rabrouer il y a peu aux Nations unies pour des questions de discrimination ethnique s’est, une fois encore, fait accrocher devant la même instance, cette fois-ci pour les «droits de l’homme» ( enfin, surtout ceux des femmes, des enfants et des LGBT) ; les débats sur le recensement ethnique qui s’éternisent ; la drogue qui n’en finit pas d’éviscérer des familles en réduisant ses victimes à l’état de parasites vidés de volonté propre – tout cela tapisse, cette semaine, l’actualité.

Cela fait très longtemps que l’on parle du fléau de la drogue et que l’on s’en inquiète. Pourtant, entre le rapport de mars 1987 de la Commission Rault et celui de juillet 2018 de la Commission Lam Shang Leen, il est clair que la situation s’est encore dégradée, alors même que (ainsi le contradictoire !) l’opinion publique semble s’y habituer. La consommation des drogues dures ravage de plus en plus les jeunes, et les drogues «synthétiques», dont les odieux mélanges font peut-être valser les cervelles, mènent souvent à des épaves humaines qui sont alors de véritables menaces, tant pour leurs concitoyens que pour eux-mêmes. Le Premier ministre se dit déterminé à mener un combat sans relâche contre ce fléau et aligne des saisies les unes plus grosses que les autres, pour le démontrer. C’est bien ! Ce qu’il faut noter ici, cependant, c’est le double tranchant, car quand on parle de saisie de Rs 1,6 milliard de drogue, on peut à la fois pavoiser et craindre. Pavoiser que de telles saisies soient possibles – encore que le montage médiatique fait tiquer, mais craindre aussi parce qu’une saisie d’envergure réduit l’offre, fait monter les prix et amorce donc des inassouvis pour encore plus de rapines circonstancielles. Sans compter que ces saisies suscitent inévitablement la question de savoir quel est le pourcentage de colis de cette envergure qui «passent au travers», pour chaque colis saisi !

Les débats sur le recensement ethnique ont donné droit à des échanges passionnants et passionnés. À part quelques dérapages prévisibles, vu les lieux où ils surgissaient, c.-à-d. les socioculturels dont le fonds de commerce est évidemment de morceler, ce qui frappe, c’est la qualité générale des contributions et des débats. Je me range, quant à moi, fermement dans le camp de ceux qui sont contre le recensement ethnique pour deux motifs principaux. D’abord, parce que nous allons ainsi susciter un débat sans fin, mais pas sans conséquences, sur une foultitude de classements ethniques au-delà des quatre retenus pour le BLS et donc diviser encore plus les enfants de cette nation, ce qui serait criminel. Mais surtout parce que le but ultime d’un tel recensement est clairement de générer ainsi une base pour une politique future de quotas, ce qui serait abominable et minerait pour toujours la construction nationale basée sur le mérite. Il est, par ailleurs, inacceptable qu’à la faveur d’une absence de recensement depuis 1972, on en profite pour faire de la discrimination et flouer le mérite ! Et c’est ce qui se passe trop souvent ! Il y a donc peut-être effectivement lieu de faire ces «mini-recensements» ponctuels sur des services divers, tant publics que privés, et de les publier pour laisser l’opinion publique tirer ses propres conclusions. On pourrait commencer par la police, le bâtiment, les hôpitaux… Oui, mais selon quelle grille ? Celle du BLS honni ? La menace de tels recensements gênerait-elle suffisamment les partisans du nou-banisme ethnique, évitant, en passant, les dégâts certains du recensement, dont ses implications de quotas ?

Que Maneesh Gobin se fasse rabrouer par les Nations unies devrait lui rappeler combien le regard des étrangers est capital pour notre pays. Nous sommes une économie extrêmement ouverte sur le monde et de plus en plus dépendant des étrangers puisque notre déficit au niveau de la balance des paiements est, à 6 % du PIB, insoutenable en l’absence de ce qu’apportent ces mêmes étrangers (FDI, emprunts, rentes de l’offshore…). Or, ayant reçu ce rappel deux fois déjà ces dernières semaines, il choisit quand même de chatouiller notre image à nouveau (c’est encore lui qui tentait, il y a peu, de justifier Rs 15 millions de compensation «méritée» à Dayal !), cette fois, en modifiant l’ICT Act, y rajoutant des nébuleuses qui peuvent aider les gouvernements à miner l’opinion libre et mettre les citoyens en tôle, désormais pour deux fois plus longtemps, c.-à-d. dix ans ! On ne rigole pas ! M. Vyapoory, président en exercice, est consentant, au motif que cette loi aide les «bons». S’il est clair que la calomnie gratuite mérite contrôle, la manière de voter cette loi, son «timing» et sa construction légale vaseuse suggèrent d’autres buts moins avouables. Il faudra sans doute juger sur pièce, mais il sera peut-être aussi nécessaire de précipiter les choses en demandant à nos juges si cette loi respecte l’article 12 de la Constitution, garantissant la liberté d’expression. Avec la Newspaper & Periodicals Act, le Prosecution Commission Bill, les salves pour contrôler/évacuer le DPP, et autres manœuvres en toile de fond, les chances sont que cette loi a été modifiée, non pas pour les «bons», mais pour ceux qui s’apprêtent à devenir encore plus méchants…

Il y avait cependant deux nouvelles réjouissantes cette semaine. D’abord, la défaite de Trump au Congrès. Ce qui offre, enfin, au bout de deux ans, une possibilité de le contraindre quelque peu dans ses démesures les plus folles. Et de voir enfin plus clair sur ce personnage dont l’empire financier reste occulte mais inquiétant, même si on connaît déjà ses pirouettes fiscales tordues : https://www. nytimes.com/interactive/2018/10/02/us/politics/ donald-trump-tax-schemes-fred-trump.html et si on peut craindre le pire grâce à l’incident ZTE : https://www.businessinsider.com/trump-zte-orderafter-china-gave-millions-to-trump-organizationtied-project-2018-5

L’autre nouvelle positive est que Asia Bibi, chrétienne pakistanaise accusée de blasphème gratuitement, puisque blanchie et libérée par la Cour suprême d’Islamabad, n’a toujours pas été lynchée par les extrémistes de son pays. Ces extrémistes, particulièrement volubiles, qui ont fait plier le gouvernement pour qu’on ne la laisse pas sortir du pays, réclament, en fait, sa tête sans doute pour «faire plaisir» au Très Haut. Le Très Haut ne s’est pas exprimé sur la question. Pas plus, d’ailleurs, qu’à Béziers en 1209 ou le légat pontifical de circonstance, invité à séparer les cathares rebelles des «bons», déclarait, sûr de lui : «Tuez-les tous ! Dieu saura reconnaître les siens !»