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Réguler sans censurer

10 novembre 2018, 07:21

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Réguler sans censurer

Sous le couvert d’une volonté de combattre des commentaires «agaçants» et de protéger les «innocents» sur les réseaux sociaux, il devient de plus en plus clair que le gouvernement Lepep n’aspire, en fait, qu’à contrôler l’énorme masse d’informations qui se crée, hors de son contrôle, chaque instant sur Internet...Lepep a beau essayer mais a vite compris qu’un gouvernement d’un petit pays comme Maurice ne peut nullement forcer Facebook ou You Tube à effacer des contenus pour des raisons bancalement mauriciennes. Les réseaux sociaux sont devenus plus puissants que des pays et possèdent tous des conditions d’utilisation qui bannissent le harcèlement et la haine. On peut signaler un contenu problématique, mais ce sont les plateformes qui vont prendre ou non les décisions. Pas le PMO, encore moins Lakwizinn.

Cette détermination politicienne de Lepep de surveiller les «dérapages» des Internautes, dans un contexte électoral, ne peut que paraître suspecte. Et beaucoup sont d’avis que l’amendement, tard dans la nuit, de l’ICT Act, qui vise à censurer principalement Facebook et Youtube, viole la liberté d’expression et notre Constitution. On verra bien, le moment venu, ce que la justice dira sur cette loi que nous estimons davantage liberticide que progressiste, en raison du flou qui entoure la nature du délit d’agacement.

Sortons de notre cadre insulaire, où cela peut arriver que des cocktails Molotov soient balancés sur des cyberactivistes qui critiquent le pouvoir, et soyons reconnaissants que notre compatriote Shameem Korimbocus n’ait pas subi, à Dubaï, le même sort que le journaliste Jamal Khashoggi.

En 2016, il y a eu, à travers le monde, d’âpres débats sur les discours de haine et les fausses informations dans le sillage du Brexit et de la campagne électorale aux States. Maurice n’est donc pas le premier pays à tenter de réguler (ce terme est privilégié par les gouvernements) les réseaux sociaux. Mais l’impression qui se dégage, c’est que les autorités mauriciennes veulent surtout censurer ou intimider.

Question : si l’alliance Lepep, lors de la dernière campagne électorale, au lieu de promettre une Freedom of Information Act qui ne viendra sans doute jamais, avait promis de nettoyer les réseaux sociaux, aura-t-elle été élu ? C’est sans doute pour cela qu’il n’y a pas eu de débat national sur la question. C’est pour cela aussi que le gouvernement agit en catimini...

En Europe, divers services de police, qui demeurent indépendants des partis politiques dans leur fonctionnement, possèdent déjà un outil de vérification des informations afin de tordre le cou aux «fake news». En Italie et en Allemagne, il existe une loi qui oblige Facebook et YouTube à supprimer les contenus jugés par la justice comme étant indésirables en 24 heures, sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros. En France, Macron, qui inspire l’entourage de Pravind Jugnauth, souhaitait une loi pour contrer les fake news avant et pendant la période électorale. Aux Etats-Unis, les révélations sur l’ingérence russe, par le biais des réseaux sociaux, ont provoqué une prise de conscience relative à l’utilisation détournée des espaces pub par des agents russes. En Corée du Nord et la Chine, le contrôle de l’Etat est quasi total, et les réseaux sociaux américains se heurent à un rideau de fer.

Mais au fond, qui doit réguler les réseaux sociaux ? Qui décidera, par exemple, si les caricatures de Charlie Hebdo, de Deven T ou de Pov, devraient ou non être maintenues en ligne ? Certainement pas des politiciens qui essuient des critiques des citoyens face à leur manque de transparence et au népotisme. Si la police de Nobin était libre et indépendante, on aurait pu compter sur elle. Il reste donc que le judiciaire pour s’occuper de ces enjeux.