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Faute de moyens, le champion Jordy Vadamootoo renonce aux JIOI

19 octobre 2018, 10:42

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Faute de moyens, le champion Jordy Vadamootoo renonce aux JIOI

A 275 jours des JIOI 2019 à Maurice, Jordy Vadamootoo confirme: «J’ai bien pris mes distances avec la sélection.» Sacré champion de l’océan Indien aux Jeux des îles de la Réunion en 2015 et également champion d’Afrique en  2017, le boxeur se dit démoralisé.

«Cela fait plus de deux mois que je ne suis pas allé à l’entraînement», avoue-t-il. Face à des contraintes financières, le jeune homme de 23 ans a dû se trouver du travail comme mécanicien dans un garage à Belle-Rose. «Dans ce cas de figure, impossible de passer cinq heures quotidiennement à la salle d’entraînement», dit-il.

Entre les factures et sa passion, le jeune homme a, donc, tranché. Mais ce choix lui laisse un goût amer. «On veut promouvoir la pratique du sport à Maurice et aussi le haut niveau mais rien n’est fait pour encadrer ceux qui visent l’excellence», dit-il. Le boxeur s’explique: «Il n’y a pas une politique viable pour accompagner les athlètes surtout quand nous passons par des problèmes. Tant qu’on produit des résultats, tout se passe bien. Mais quand on est blessé ou quand on tombe malade, il n’y a personne», dit-il.

C’est à son retour des Jeux du Commonwealth en avril dernier que Jordy Vadamootoo dit  avoir déchanté. «Ma bourse auprès de la High Level Sports Unit a été revue à baisse», dit-il. Classé au niveau continental fin 2017, Jordy Vadamootoo percevait Rs 14 000. Lors de la dernière mise à jour, le boxeur a vu son allocation  revenir à Rs 5 000, somme allouée au sparring partner au niveau régional. «Impossible de vivre décemment avec cette somme», dit-il.

Jordy Vadamootoo estime que les sportifs sont mal encadrés à Maurice

Originaire de Quatre-Bornes, le champion d’Afrique des 56 kg estime qu’aucun sportif de haut niveau n’aurait dû être contraint de renoncer à sa carrière pour des raisons financières. «Le système aurait dû donner aux sportifs de haut niveau la possibilité d’avoir un emploi au sein d’une structure gouvernementale. Cette structure devrait, également, leur permettre d’avoir du temps flexible pour travailler et continuer à s’entraîner», explique-t-il.

Selon les plans de la direction technique nationale, le Quatrebornais devait représenter Maurice aux JIOI 2019 chez soit les 60 soit les 64 kg. «Mais j’étais aussi prêt à faire ce qu’il fallait pour descendre chez les 56 kg comme en 2015», souligne Jordy Vadamootoo. Quatre mois après cette présélection, il dit voir peu à peu son rêve de décrocher une seconde médaille aux JIOI s’éloigner. Avec son nouvel emploi, il n’a plus de temps pour l’entraînement. «Sinon, mon salaire serait réduit en conséquence», dit-il.

Jordy Vadamootoo se dit résigné à voir son nom disparaître de la liste des présélectionnés : «C’est sûr que la direction technique nationale va me retirer de la liste.» Mais le jeune homme en assume les conséquences. Il ne souhaite plus vivre aux crochets de son père, Claude. «Lui, il désire que je continue la boxe mais je ne veux pas toujours m’appuyer sur lui. Il a déjà fait beaucoup d’efforts pour payer ma formation de deux ans en mécanique», confie Jordy Vadamootoo.

Le boxeur veut de la stabilité. «Certes, l’Etat nous récompense pour chaque médaille gagnée par le cash prize scheme, mais ce n’est pas suffisant. Le chèque qu’on reçoit pour une médaille ne compense qu’une partie des efforts. Le haut niveau c’est un travail continu. Pour garder le sportif motivé, il faut lui offrir un encadrement à long terme. Et aussi lui permettre d’avoir une certaine stabilité à travers un salaire», laisse-t-il entendre.

Jordy Vadamootoo estime que les sportifs sont mal encadrés à Maurice

Déterminé à garder son emploi et son indépendance financière, Jordy Vadamootoo ne compte pas fléchir. Mais la perspective de se retrouver sur le ring du 19 au 28 juillet ne le laisse pas insensible. «J’aurais même pu prétendre à une qualification pour les Jeux olympiques 2020», fait-il remarquer.

Dimanche dernier, le gouvernement a lancé sa National Sport Policy. A cette occasion, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a annoncé : «Dans le long terme, nous allons définir une politique pour les athlètes de haut niveau car les JIOI restent un objectif mais ce n’est qu’une étape.» Dans le cas de Jordy Vadamootoo, ses besoins quotidiens ont déjà pris le dessus sur ses ambitions sportives. Donc, il est fort probable que le Sport Hub que promet Pravind Jugnauth se construise sans Jordy Vadamootoo.

 

Réaction

Indiren Ramsamy : «Jordy Vadamootoo peut décrocher l’or aux JIOI 2019»

Face à un éventuel retrait de Jordy Vadamootoo, le président de l’Association mauricienne de boxe (AMB), Indiren Ramsamy, devra revoir les chances de médailles mauriciennes aux JIOI 2019 du 19 au 28 juillet. «Jordy Vadamootoo avait le potentiel de nous ramener de l’or», confirme-t-il.

Pour le dirigeant, le champion d’Afrique peut même prétendre à une qualification pour les prochains Jeux olympiques à Tokyo. C’est pour cette raison que son comité  l’avait également recommandé pour une bourse de la Solidarité olympique en début d’année.

«Cette bourse devait lui permettre de préparer les JIOI 2019 et les JO 2020 en toute sérénité. Malheureusement, la sienne comme celle de John Colin ont été suspendues à la suite des problèmes entre le Comité international olympique et l’Association internationale de boxe», explique-t-il.

Indiren Ramsamy affirme que les temps sont durs pour tous les boxeurs.  «Concernant les JIOI, tous les présélectionnés en boxe souffrent du même problème. Contrairement aux autres disciplines, la boxe ne bénéficie pas d’enveloppe du Comité olympique mauricien pour la préparation», regrette le dirigeant.

C’est, donc, en Russie qu’Indiren Ramsamy espère trouver des solutions pour ses boxeurs. Il s’y rendra du 31 octobre au 7 novembre pour assister au congrès de l’instance internationale de boxe. «Après cette étape, nous espérons tous un retour à la normale», déclare-t-il.

Mais si l’Ouzbek Gafur Rakhimov est confirmé au poste de président de l’AIBA, il est fort probable que le CIO serre d’avantage le cordon de la bourse. Pour rappel, le nom de l’unique candidat à la présidence de l’instance de boxe est sur une liste de personnes accusées d’avoir «fourni un soutien matériel» à une organisation criminelle. Ce qui fait de lui un persona non grata auprès du CIO.