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Réforme électorale: «grat lédo maler» ?

22 septembre 2018, 07:52

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Faut-il réformer le système électoral mauricien dans son ensemble ? Ou ne faut-il modifier que quelques aspects du système ? Aux débats engagés depuis le 60-0 de 1982 quand se produisit le premier 60-0 – un scénario que personne n’avait envisagé auparavant – s’ajoutent maintenant les obligations diplomatiques et juridiques d’enlever le mécanisme du Best Loser System (BLS). Ou autrement, refaire un nouveau recensement d’après le modèle communal utilisé en 1972. On nous demande de bouger d’un extrême à un autre, et cela à la demande d’un organisme des Nations unies !

(...) Les intellectuels, les experts des Nations unies et des lobbyistes pourraient bien soutenir la cause d’une réforme. Mais que pensent la majorité des Mauriciens eux-mêmes ? Si on pourrait tirer quelques leçons des élections générales de 2014, on dirait qu’une importante frange de l’électorat n’a pas soutenu le projet de réforme politique, constitutionnelle et électorale proposé par l’alliance PTr-MMM qui prétendait pourtant jouir du soutien de 80 % de la population.

(...) L’idée que le pays compte davantage de députés que les 70 actuels et qu’un leader de parti puisse lui-même nommer des gens au Parlement est largement rejetée par les Mauriciens. On a accepté jusqu’ici que la Commission électorale procède à la nomination des best losers d’après une formule mathématique établie. La perversion que certains dénoncent, c’est que les mauvais perdants soient nommés d’après le critère communal pour rééquilibrer la composition des différents groupes du Parlement, et cela aux termes du recensement dont la formule a été utilisée pour la dernière fois en 1972.

On dit généralement que le BLS serait d’une grande utilité pour assurer la représentativité des «minorités». Or, depuis que le BLS existe, des candidats des différentes communautés, même des hindous battus aux élections comme Tangavel Narrainen, Motee Ramdass et Ravi Yerrigadoo, ont été nommés comme best losers.

Au départ, ceux qui avaient soutenu le mécanisme du BLS avaient été convaincus que le système électoral et le découpage des circonscriptions favorisaient davantage les gros segments de la population. On cite par exemple les élections générales de 1948 quand aucun musulman ne fut élu dans le pays. En 1948, le suffrage n’était pas encore universel mais limité aux Mauriciens lettrés et mieux fortunés que les autres.

Lors de ces fameuses élections de 1948, dans le district électoral de Port-Louis, aucun des trois candidats musulmans – Abdool Razack Mohamed, Cassam Mamode Nazroo et Ajam Dahal – ne fut élu. Dans le district électoral de Plaines- Wilhems–Rivière-Noire, le seul candidat musulman, Rechad Ben Noorooya, fut battu. Dans le district électoral de Grand- Port–Savanne, l’unique candidat musulman, Mamode Ismaël Ghanty, fut lui aussi battu. Pas de candidat musulman dans Rivière-du-Rempart–Pamplemousses. Dans le district de Moka-Flacq, le seul candidat musulman, Ismaël Peeroo, mordit lui aussi la poussière.

Petit changement aux élections de 1953 quand Razack Mohamed fut élu à Port-Louis, d’ailleurs le seul musulman élu dans toute l’île. Cinq votes séparaient Mohamed d’Alex Bhujoharry, le plus proche perdant, et quand le leader du Ralliement mauricien (plus tard Parti mauricien et PMSD), Jules Koenig, réclama un recount, voulant sans doute pour favoriser Bhujoharry aux dépens de Mohamed pourtant du même parti, ce commerçant indien comprit alors que son avenir politique n’était pas avec le Parti mauricien mais plutôt avec le Parti travailliste du Dr Seewoosagur Ramgoolam. Mohamed créa par la suite le Comité d’action musulman (CAM).

Lors des élections de 1959 quand le suffrage universel fut introduit et le pays divisé non pas en cinq districts mais en 40 circonscriptions élisant chacune un député, l’alliance entre le Parti travailliste et le CAM assura l’élection de cinq députés musulmans : Abdul Goolam Issac, Sheik Yousouf Ramjan, Razack Mohamed, Ajum Dahal et Abdool Hack Osman. En 1963, les candidats musulmans élus toujours au nombre de cinq furent Haroon Aubdool, Razack Mohamed, Abdool Wahab Foondun, Yousouf Ramjan et Osman. Foondun comme candidat de l’IFB de Sookdeo Bissoondoyal fit sensation en se faisant élire à Bon-Accueil, une circonscription massivement hindoue et en battant une jeune vedette des travaillistes, l’avocat Robin Ghurburrun.

Aux élections de 1967, avec 20 circonscriptions élisant trois députés, dix musulmans furent élus. À savoir Monaf Fakira, Abdool Carrim, Ebrahim Dawood Patel, Elias Ooozeerally, Raouf Bundhun, Yousouf Mohamed, Foondun, Ramjan, Osman et Ajum Dayal. Razack Mohamed fut lui-même battu dans le no3. Aux élections de 1976, sept candidats musulmans furent élus : Kader Bhayat, Bashir Khodabux, Cassam Uteem, Osman Gendoo, Swalay Kasenally, Razack Peeroo et Shirin Aumeeruddy Cziffra. Peeroo était le seul travailliste, les autres étant MMM.

Le nombre de candidats musulmans fut de neuf en 1982, 1983, 1995, 2000, 2005 et 2010, de six en 1987, huit en 1991 et 11 en 2014. On pense généralement que ce nombre d’élus ne reflète pas le poids numérique de cette communauté dans la société mauricienne. Les candidats musulmans sont souvent victimes des opérations «coupé-tranché», ce qui explique seulement sept élus en 1976 et six en 1987 (...)