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Réforme électorale : Pour et contre

18 septembre 2018, 09:30

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«Avant Ramgoolam était pour, maintenant il est contre», s’emporte Paul Bérenger, qui estime que le leader travailliste fait preuve d’une sacrée démagogie en ce qu’il s’agit de la réforme électorale en général, et du rôle des leaders politiques pour désigner des remplaçants au Best Loser System (BLS) en particulier. La réforme électorale s’avère un sujet si complexe que nos politiciens, aux intérêts divergents, aux carrefours de l’histoire si différents, peuvent rarement tomber d’accord, et sèment davantage la confusion entre le BLS, la proportionnelle et son seuil d’éligibilité, la délimitation des circonscriptions, le nombre de députés ou de femmes…

…sauf, peut-être, en 2014. En ce temps-là, alors que le Parlement était fermé pour cause de «koz kozé», une petite équipe composée, entre autres, de l’Attorney General, le travailliste Satish Faugoo, le leader adjoint du MMM d’alors, Alan Ganoo, et l’ancien chef juge sir Victor Glover, travaillait avec le State Law Office pour peaufiner les amendements constitutionnels de la réforme électorale qui était le socle sur lequel se négociait l’alliance rouge-mauve. Statistiques à l’appui, beaucoup estimaient que la coalition PTrMMM était, sur le papier, imbattable. On avançait même, par excès d’optimisme, que la force électorale combinée des deux plus grands partis de Maurice tournait dans les 80 %. Bref, de quoi porter le projet d’une IIe République, avec son chapelet de changements électoraux et politiques.

Ainsi, pour beaucoup, la réforme électorale de 2014 (présentée comme un savant mélange du First Past The Post et de proportionnelle), qui, dans le passé, avait toujours été renvoyée aux calendes grecques, semblait, cette fois-ci, presque acquise. Les deux propriétaires de parti, sieurs Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, respectivement Premier ministre et leader de l’opposition, arboraient des sourires confiants et martelaient qu’ils étaient sur la même longueur d’onde. Dans l’une de ses analyses, le Dr Rama Sithanen faisait ressortir que «never has the country been so close to reaching an agreement between the two main political parties on reforming the electoral rules. It is not easy to introduce electoral reforms. It took close to 75 years for New Zealand to implement changes to its voting formula in 1993 while the UK has been trying for almost a century to modify the electoral system to elect MPs to the House of Commons. Canada also has been attempting to alter its voting system for a long time.»

Le 60-0 en ligne de mire, l’alliance «imbattable» ambitionnait, dans le sillage du pronouncement du comité des droits humains de l’ONU, d’abolir la déclaration ethnique des candidats dans un but avoué de désinstitutionnaliser le communalisme et de promouvoir le nation building, ce que l’on appelle aussi le mauricianisme. Les autres objectifs étaient : en finir avec le recensement ethnique ; approfondir la démocratie électorale, en faisant de sorte que le 60-0 devienne, après décembre 2014, chose du passé ; respecter ce que prescrit la Constitution : «a fair and equitable representation in Parliament»; augmenter la représentation féminine au sein de l’hémicycle ; «subsume» le BLS pour une représentation plus large du paysage politique ; décourager le transfugisme ; accroître le nombre de parlementaires (de 16 à 20) sur l’unique Party List, liste fermée et contrôlée par le leader omnipotent.

 

Subsistaient, toutefois, quelques épines. Parmi elles, le seuil de 10 % pour les sièges à la proportionnelle. Outre ce seuil de 10 %, il y avait toutes sortes de chiffres qui circulaient : 5 %, 7,5 %, voire 1 %. On sait qu’un seuil trop bas peut favoriser l’émergence des partis sectaires et menacer la cohésion sociale et l’harmonie nationale. À cet égard, la Commission SachsTendon-Ahnee (2001) recommandait, aux pages 18 et 19, de son rapport : «Before making our recommendations, we note that with very few exceptions, the deponents supported the idea of 10 % threshold for parties claiming seats under PR. This was to preserve the system of strong, broadly-representative parties, and to prevent the emergence of a multitude of communally-based or singleissue parties which would fragment the nation and promote governmental instability (...)We believe, however, that the dangers of political fragmentation on communal or religious lines do provide powerful justification…»

Dix ans plus tard, Carcassonne, Bogdanor and Vilanova devaient, eux, recommander : «Attention, il ne s’agit pas de supprimer le Best Loser sans trouver un substitut qui garantisse à chaque communauté qu’elle sera normalement représentée. Le droit constitutionnel et la science politique ont fait, depuis 50 ans, des progrès phénoménaux. Nous avons dans la boîte à outils un nombre d’instruments incomparables avec ceux de nos prédécesseurs… La méthode la plus simple et classique, comme la plus répandue, est celle de la liste fermée : chaque électeur vote pour une liste ; en fonction du nombre de suffrages recueillis, chaque liste a droit à un nombre donné d’élus ; ces élus sont ceux dont les noms apparaissent en tête…»

***

 Ils avaient les chiffres avec eux mais pas les électeurs. Les deux leaders, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam, avaient tout prévu : un 60-0 ou, à la rigueur, une majorité de trois quarts des sièges pour initier leurs réformes électorales et constitutionnelles afin de se tailler des costumes neufs (celui de Premier ministre pour le leader du MMM et celui de super président pour le second). Ils croyaient avoir tout anticipé, mais le calcul mathématique simplet – qui consiste à combiner le corps électoral traditionnel du PTr à celui du MMM – ne tenait pas la route par rapport à l’usure du pouvoir du gouvernement Ramgoolam. Si l’alchimie semblait plus ou moins fonctionner au niveau des deux leaders, la synergie entre les activistes des deux partis ne s’est, elle, jamais faite.

Aujourd’hui, sur le plan de la réforme électorale, Ramgoolam et Bérenger sont aux antipodes, chacun accusant l’autre de trahison ou de volte-face… Lepep fait pire : l’alliance a fait campagne en 2014 pour le maintien du BLS. Aujourd’hui elle se targue de pouvoir le faire disparaître. Pour et contre ! Comprenne qui pourra… la politique du moment !