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Chagos: désillusion ou le travers du droit international

12 septembre 2018, 10:50

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Chagos: désillusion ou le travers du droit international

Dans l’actualité, la question des Chagos. L’attente dans l’opinion semble être unanime pour un avis de la Cour internationale de justice (CIJ) favorable à Maurice. Nous positivons. On exclut quelque possibilité d’être déçu. Mais de la déception, il y en aura, même si Maurice gagne l’étape CIJ. La raison : nous sommes dans l’univers du droit international public, avec le lot de désillusions inhérentes à cette discipline. Explications.

Dans ses deux composantes, le droit international en lui-même, et les institutions impliquées dans sa mise en oeuvre, comporte des travers. C’est la loi du plus fort. La notion de «rule of law» revendiquée au niveau du droit interne lorsqu’il y a abus de la position de force n’y trouve pas, strictement parlant, son application. Il en est ainsi lorsque c’est un État faible qui lutte contre un État fort. On peut bien évoquer résolutions, voire sanctions contre les puissants, mais on reste quand même dans le domaine de la rhétorique : on n’a qu’à voir ce qui se passe dans la pratique lorsqu’il est question de l’exécution de quelque décision à leur encontre.

L’importance de la sanction

Le droit revêt son importance, sa raison d’être, grâce à la sanction qu’il entraîne. Le droit est par définition un ensemble de règles adoptées pour être suivies, et dont la violation exige réparation, sanction. Or, en droit international public, le volet sanction n’a pas la même considération qu’en droit interne. Tout va dépendre des États en cause et la partie contre qui la sanction est prise.

Un veto au Conseil de sécurité des Nations unies suffit pour rendre impossible toute sanction. Toutefois, si la sanction est une garantie de l’application du droit, mais que celle-ci est aléatoire, conditionnelle et improbable, le droit perd de sa force et s’avère une vaine tentative de régler un contentieux. Ainsi, la force obligatoire du droit international public est discutable, voire presque fictive. Et il y a lieu, en examinant ce point, de distinguer la sanction de l’exécution.

L’exécution

C’est l’exécution de la sanction et non son simple énoncé qui assure la conformité à la règle de droit. On peut dire la même chose pour ce qui est d’une résolution, décision de l’Assemblée générale des Nations unies qui ressemble plus à un souhait qu’à un ordre, tant qu’elle lui manque une force obligatoire, et qu’il n’y a pas un système d’exécution établi, non plus de pouvoir supra étatique, pour la faire respecter. L’Organisation des Nations unies ne constitue pas une forte communauté juridique, contrairement à une institution comme l’Union européenne, où tous les membres expriment une volonté d’être des sujets de droit et reconnaissent la force obligatoire des règles communautaires.

Relation de puissance

La société internationale n’est pas comme une société interne, comme un État souverain. Dans l’univers du droit international, c’est la relation de puissance qui fonctionne. Le rapport entre les États n’est pas égal. Et même si à l’Assemblée générale des Nations unies, chaque État a un vote, dans les faits, dans l’exécution des résolutions ou sanctions, l’égalité n’existe pas.

L’État fort, membre de la société internationale, dicte ses règles, si bien que l’on peut se demander si le droit international c’est un droit ! Par État fort, on veut dire non seulement un État économiquement et militairement fort, mais aussi un État qui contrôle les instances internationales, siège au Conseil de sécurité des Nations unies, qui dispose d’un droit de veto, et qui vote pour toute sanction ou en l’interdisant selon ses intérêts. On remarquera que c’est l’État qui est dans l’illégalité qui a le pouvoir de décider s’il veut suivre la consigne donnée, appliquer la résolution ou pas. L’exécution va dépendre de son bon vouloir et de ceux qui le protègent. Pour rappel : 68 résolutions ont été prises contre Israël !

La bulle

Nous ne sommes pas encore à l’étape d’un avis favorable de la CIJ et d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. Mais gardons-nous de croire que la solution à la question des Chagos est juridique. L’état du droit international public et les instances de sa mise en oeuvre nous sont d’un faible apport. La question des Chagos évolue dans un univers où des puissances dictent la règle du jeu de la politique internationale. Il y a des réalités dont il est nécessaire de se rendre compte. Nous ne sommes pas dans le droit interne. Sortons de la bulle !