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Vente des terres de l’État: l’ouverture d’une enquête sur Soodhun embarrasse l’ICAC

16 juillet 2018, 21:00

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Vente des terres de l’État: l’ouverture d’une enquête sur Soodhun embarrasse l’ICAC

«La commission va-t-elle commencer une enquête après celle de l’express ayant révélé le deal foncier ayant permis à Umeir Soodhun d’empocher Rs 48 millions alors que son père était ministre du Logement et des terres ?» C’est la question que nous avons posée par courriel à l’Independent Commission against Corruption (ICAC) depuis une semaine. Il n’y a eu aucune réponse à dimanche 15 juillet.

L’express a révélé des documents qui démontrent que la Société Mohamad Umeeir Ibne Showkut (SMUIS), détenue à 100 % par le fils de Showkutally Soodhun, a obtenu, du ministère du Logement et des terres un bail de 60 ans, à compter de mai 2015, pour un terrain pieds dans l’eau à Grand-Baie. Showkutally Soodhun nie être intervenu dans cette décision.

La SMUIS, à son tour, a vendu les droits du bail et les bungalows qui s’y trouvent, en février 2017, pour Rs 48 millions. Cela, après que sir Anerood Jugnauth (SAJ) a autorisé, à travers une signature publiée par l’express, cette vente en novembre 2016. Son accord était nécessaire car, à moins de bénéficier de la signature du Premier ministre sur le dossier, un étranger n’a pas le droit d’acheter des biens immobiliers.

C’est justement cette partie de l’histoire qui complique la position de l’ICAC, ou plutôt celle de Navin Beekarry. Jusqu’où ce proche de SAJ peut-il être indépendant vis-à-vis de celui qui l’a nommé à ce poste ? «Déjà, inquiéter Soodhun, c’est inquiéter SAJ. Maintenant, inquiéter Soodhun sur un dossier sur lequel SAJ est personnellement intervenu, c’est encore plus particulier», confie un proche de la famille Jugnauth.

Au-delà de l’indépendance et la volonté de l’ICAC, cette affaire remet sur le tapis un «problème» de la Prevention of Corruption Act (PoCA). Le point central d’une éventuelle enquête serait le fait que Showkutally Soodhun ait lui-même séjourné dans ces bungalows alors que des officiers du ministère qu’il dirige allaient prendre des décisions concernant la SMUIS. S’il n’a pas payé de loyer à la SMUIS, ce qui équivaudrait donc à un cadeau, l’article 15 de la loi pourrait l’inquiéter. Celle-ci se lit comme suit :

«Any public official who solicits, accepts or obtains a gratification for himself or for any other person-

(a) from a person whom he knows to have been, to be, or to be likely to be concerned in any proceeding or business transacted or about to be transacted by him, or having any connection with his functions or those of any public official to whom he is subordinate or of whom he is the superior; or

(b) from a person whom he knows to be interested in or related to the person so concerned shall commit an offence and shall, on conviction, be liable to penal servitude for a term not exceeding 10 years.»

Amendement à la loi

Si cet article de la loi semble clair, en fait, elle ne l’est pas. Les différents directeurs de l’ICAC qui se sont succédé ont tous demandé un amendement à cet article car le mot «or» cité la première fois dans le paragraphe (a) est source d’ambiguïté. «On ne peut pas attribuer une intention criminelle à un individu pour avoir reçu un cadeau. Il faut que la loi soit plus précise», explique un ancien directeur général de l’ICAC.

Une des rares fois où l’article 15 de la PoCA s’est retrouvé devant la cour pour un procès, c’était dans l’affaire Robert Jandoo, ancien membre du conseil d’administration de l’ICTA, dans une histoire d’achat de voitures. Voyant que le terrain pouvait glisser en faveur de la défense, l’ICAC a changé son fusil d’épaule et décidé de loger un nouveau procès sous un autre article de la loi, soit conflits d’intérêts (article 13 de la PoCA).

L’ICAC, pourvu que son directeur brave ses affinités personnelles, peut trouver une solution similaire car cet article 13, contrairement à l’article 15 (a), mentionne les «relatives» comme pouvant être source de délit. Showkutally Soodhun affirme qu’il n’est pas intervenu dans l’allocation du bail à son fils. Mais les documents de l’express démontrent que le Senior Chief Executive du ministère du Logement et des terres, à l’époque, a écrit et signé que Showkutally Soodhun – père de l’unique actionnaire de la SMUIS – a donné son accord pour exciser les 1 931 m2, d’une portion plus large dont le bail était au nom de la Société Culture de Tabac, qui allaient revenir à la SMUIS. Il a aussi donné son accord pour valider les conditions du bail en octobre 2015, écrit Kandasamy Soopramanien Pather sur des documents officiels.

Solliciter potentiellement le témoignage de Kandasamy Pather, pour une enquête potentielle sous l’article 13 de la PoCA, est donc la solution. À l’ICAC de prouver, malgré les affinités SAJ-Soodhun et SAJ-Beekarry, qu’elle peut réaliser son potentiel.

Beekarry plus occupé avec la Financial Crime Commission

<p>Navin Beekarry serait ces jours-ci très occupé avec la finalisation du rapport sur la création d&rsquo;une Financial Crime Commission (FCC). Cette commission, selon le programme gouvernemental de l&rsquo;alliance Lepep, devrait placer sous une même coupole l&rsquo;ICAC, la Financial Intelligence Unit et la Financial Services Commission. L&rsquo;avènement du FCC est une telle priorité pour le gouvernement que Pravind Jugnauth en a fait mention dans son discours budgétaire, et encore plus depuis le récent rapport défavorable de l&rsquo;<em>Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group</em>. Mais déjà, ceux qui, au &laquo;State Law Office&raquo;, ont vu le &laquo;draft&raquo; de Navin Beekarry estiment que l&rsquo;organisme aurait bien trop de pouvoirs, surtout s&rsquo;il est dirigé par un nominé politique.</p>

<p>Entre-temps, un autre document est venu changer la donne : le rapport Lam Shang Leen, qui recommande lui aussi un organisme pluridisciplinaire. La question qui surgit, du coup : les rapports Beekarry et Lam Shang Leen sont-ils compatibles ou bien l&rsquo;un rendra l&rsquo;autre caduque ?</p>

 

Autre problème de la POCA

<p>On retrouve le problème que pose l&rsquo;article 15 de la PoCA dans l&rsquo;article 83. Celui-ci stipule que toute gratification reçue par un représentant de l&rsquo;État est d&rsquo;office considérée comme un pot-de-vin donné dans le cadre d&rsquo;un acte de corruption. <em>&laquo;Cela ne tient pas debout et il a été démontré dans beaucoup de procès. Les preuves, c&rsquo;est à la poursuite de les amener&raquo;, </em>avance un ancien directeur général de l&rsquo;ICAC.</p>