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MBC new-style: Kim Il-sung revisited

23 juin 2018, 08:29

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Kim Jong-Un, si on donne du temps au temps, pourrait bien devenir un adepte de l’American way of Life et troquer ses pantalons baggy pour des jeans slim-fit. Et ainsi mettre fin à des décennies de dictature, de glorification du chef et d’autarcie en Corée du Nord, un système initié par Kim Il-sung.

Si Kim se démarque de son père, chez nous, on adopte une recette nord-coréenne. En effet, Maurice construit lentement mais certainement un culte à la Kim Il-sung dédié à la gloire d’un personnage du genre enn-tigit pli tipti ki bondieu. Après une maladroite expérience à la tyrolienne, on passe maintenant à la vitesse supérieure. C’est la MBC qui a été principalement chargée de cette oeuvre de déification. Ainsi, depuis trois semaines, à la MBC, on évoque, invoque, glorifie, encense, félicite Pravind Kumar Jugnauth à chaque fois que l’occasion se présente.

Que la MBC serve d’outil de propagande – parfois de façon grossière, parfois subtilement – pour le gouvernement et le Premier ministre du jour, cela a toujours été le cas. Souvent, les mêmes acteurs se chargent de la mission de glorification, de gouvernement en gouvernement. Au fait, il n’y a rien de plus facile, sous le climat sous-tropical de Maurice, pour les carapates de la MBC de changer de chien quelques mois avant, et certainement quelques mois après, les élections générales. À la MBC, ce changement de loyauté crée parfois des situations burlesques. Ainsi, en 1995, dans les derniers mois du gouvernement MSM, des chefs se chargeaient d’informer systématiquement Navin Ramgoolam de tous les moves de sir Anerood Jugnauth, y compris une annonce enregistrée dans la confidentialité pour une diffusion ultérieure.

Ce qu’il y a de tout nouveau à la MBC en 2018, c’est la KimIlsungisation tout court de sa vocation. Le nom Pravind Kumar Jugnauth est mentionné ad nauseam. Les bulletins d’information chantant la gloire du Grand Leader s’enchaînent. En premier, des journalistes travaillent des textes et des reportages qui décrivent les bienfaits des mesures prises par le Premier ministre ou le cheminement des projets appelés à avoir un impact positif sur la vie des Mauriciens. Ensuite, des reportages sur des discours des ministres dont l’attrait principal est l’évocation du nom du Premier ministre. Depuis quelques semaines, la MBC a inventé une nouvelle classe d’acteurs rencontrés comme par hasard sur la voie publique.

Les membres du personnel devenus cyniques sans doute après les changements de gouvernement et la succession de directeursgénéraux à la tête de l’organisme ont découvert la formule pouvant leur assurer un avancement dans leur carrière ou une place dans les délégations officielles partant pour l’étranger. Chacun y va de sa petite recette pouvant plaire au prince et aux conseillers de ce dernier. Dans la mesure du possible, on prend aussi une police d’assurance contre tout risque à l’avenir. On maintient les ponts avec les chefs du passé.

Quant aux ministres qui ne manquent pas de faire les louanges de leur chef, il est surtout question de s’assurer un ticket aux prochaines élections. Suivant les élections de 2014 quand un potentiel 60-0 s’est terminé par un 13-47, tous les espoirs sont permis, y compris pour Sangeet Fowdar autrefois rebelle. Tout le monde cherche à se faire remarquer de la cuisine. Avec quelques exceptions. Ainsi, le rival Raj Dayal ayant été éliminé, deux ministres qui potentiellement pourraient représenter une menace à la primauté de la cuisine pourraient être laissés sur le carreau. Les deux savent qu’ils sont des write-off. C’est pourquoi ils sont avares de commentaires passe-du-beurre envers le chef. Affaire à suivre, selon la formule consacrée.

Le plus beau dans cette oeuvre de déification de la MBC, c’est lepep rencontré dans la rue. Tout le monde couvre d’éloges des plus flatteurs le Premier ministre. La MBC prend grand soin de chercher surtout de belles paroles mielleuses venant de ceux facilement stéréotypés comme membres des «minorités». Le message est clair : si les «minorités» sont si enthousiastes à soutenir le Premier ministre, la clientèle normale se ferait-elle prier pour sanctifier le Premier ministre ? Il n’est pas difficile de découvrir que certaines opérations sont montées de toutes pièces. Ainsi, le jour de la présentation du Budget, un membre du public a utilisé un terme qui fait partie du jargon des professionnels des médias. Cette déclaration était suspecte car elle avait été évidemment «soufflée». Quand des membres du public se font déficitaires, on fait toujours appel à un élément de l’armée des conseillers.

Ce qui est encore plus remarquable face à cette nouvelle vocation coréenne de la MBC, c’est l’absence de réaction des forces de l’opposition. Car il est clair que la MBC viole les dispositions de la loi sur l’obligation d’observer la neutralité par rapport aux partis politiques et surtout dans le traitement de l’information et la diffusion de déclarations controversables et diffamatoires. Pour moins que cela, Shakeel Mohamed avait, en 1996, obtenu de la Cour suprême que la MBC lui donne un droit de réponse suivant des allégations faites contre lui relativement à l’affaire Gorah Issac.

Puisque la KimIlsungisation de la MBC introduit une nouvelle équation dans le jeu politico-médiatique du pays, il est encore tôt de se prononcer sur son impact réel sur le choix politique des Mauriciens. Ceux qui se moquaient des astuces politiques du MSM en 2014 auraient intérêt toutefois à ne pas prendre pour de l’enfantillage les manoeuvres praviniennes de la MBC new-look.