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Sudhir Sesungkur: «Bondié donn tou dimounn enn lakrwa pou saryé»

18 février 2018, 17:00

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Sudhir Sesungkur: «Bondié donn tou dimounn enn lakrwa pou saryé»

Pas de cravate, pas de veste, c’est l’année du chien qui vous fait cet effet ?
(Rire) C’est pour faire moderne, c’est la tendance chez les jeunes. Parfois, il faut savoir rompre avec les codes politiques, vous ne trouvez pas ?

Entièrement d’accord, parlons d’astrologie chinoise…
Ah ! mais vous savez que ça me passionne. Je suis dragon, ça me correspond bien, j’aime me démarquer.

Ça, on sait : une telle collection de casseroles ne passe pas inaperçue…
Tout le monde a des casseroles, ça fait partie de la vie. Sauf que quand vous êtes ministre, le moindre petit problème peut prendre des proportions démesurées. On vous condamne sans vous juger. On vous colle une étiquette. Comme on dit : ‘Bondié donn tou dimounn enn lakrwa pou saryé’. Je porte ma croix avec philosophie : ce que Dieu me donne, je l’accepte.

C’est Dieu qui écrit vos sextos ?
Il n’y a pas eu de sextos, cette affaire a été montée en épingle pour me nuire. Depuis que Ramgoolam a débarqué dans ma circonscription (NdlR, la n°10, Montagne-Blanche–Grande-Rivière-Sud-Est), toutes sortes de bizarreries se produisent. Ce n’est pas un hasard et les médias sont parfois complices. Ils me font passer pour ce que je ne suis pas.

Dieu, Ramgoolam, les médias : vous n’êtes jamais responsable de rien, en fait…
Si. Quand mon fils a un accident, je dois assumer. Mais ce sont des choses qui arrivent, je ne vais pas lui interdire de conduire. Avec mon ancien partenaire d’affaires, c’est la même chose : un banal litige commercial est devenu une affaire d’État. Je ne dis pas que je suis parfait, mais j’ai une conduite, des valeurs. Je sais d’où je viens : d’une famille très pauvre. Nous étions six frères et soeurs, mon père ne travaillait pas, on ne mangeait pas tous les jours.

Faire pleurer dans les chaumières, c’est l’idée ?
Je vous raconte ça parce que vous m’interrogez sur ma conduite. Dans la vie, rien ne m’a été offert sur un plateau. Ce que j’ai, je suis allé le chercher. Je sais la valeur du labeur, de la persévérance. Ce n’est pas seulement une question de travail, il faut y mettre de la consistance. Moi, je suis quelqu’un d’ambitieux. Si je ne l’étais pas je n’aurais pas fait de politique, je serais resté expert-comptable chez PriceWaterhouseCoopers. J’en voulais plus, je voulais mon cabinet, devenir patron. J’ai persévéré et j’y suis arrivé.

«Tout le monde a des casseroles, ça fait partie de la vie. Sauf que quand vous êtes ministre, le moindre petit problème peut prendre des proportions démesurées.»

Quel gâchis…
Pourquoi ?

Les astrologues sont unanimes pour dire que les natifs du Dragon font d’excellents Premiers ministres.
(Rire) Il faut apprendre à marcher avant de courir. Je suis tout jeune en politique. Trois ans de Parlement, c’est peu. Je suis comme un enfant qui apprend.

Qu’avez-vous appris d’important ?
Pour espérer durer, il va falloir que je m’adapte, que je change un peu de style.

C’est-à-dire ?
Je suis quelqu’un d’assez réservé. Je n’aime pas me mettre en avant, me flatter. Je préfère l’action à la parole. Le bla-bla, les promesses, ce n’est pas mon fort.

Dans l’affaire Sobrinho, on a effectivement vu vos limites…
Sobrinho était mon premier dossier, j’étais en poste depuis quelques jours. C’est vrai que j’aurais pu mieux faire. J’ai réagi un peu trop à chaud, surtout au début, c’était une erreur. Par la suite le Premier ministre m’a guidé.

Guidé ou claqué ?
(Rire) Non, c’était moins violent…

Álvaro Sobrinho a-t-il investi ou blanchi son argent chez nous ?
Je n’ai toujours pas la réponse, dans son dossier il n’y a que des suspicions. Disons les choses clairement : aucune place financière n’est à 100 % nickel. Prenez la City, à Londres : le volume d’argent sale qui y circule est colossal. Le seul moyen de lutter est d’avoir des dispositifs de supervision efficaces. Cela passe par une meilleure régulation.

La Financial Services Commission est-elle à la hauteur ?
Elle doit s’améliorer et j’y travaille. Il ne peut y avoir de développement des services financiers sans un régulateur fort.

Si vous deviez mettre en avant une réussite ?
La confiance restaurée dans le Global Business. Elle était très abîmée, aujourd’hui elle est réparée.

Et un échec ?
Au niveau de la bonne gouvernance, on pioche un peu. La tâche est immense, on a un problème de ressources à régler.

Revenons à la politique. Comment avez-vous vécu l’épisode de Sébastopol ?
(Son visage se ferme) Comment je l’ai vécu ? Mal, très mal. Ce que Rajendrah Ramdhean a fait est honteux. C’est une honte pour la fédération. Une honte pour toute la communauté. (NdlR, la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation et son président ont désigné Navin Ramgoolam comme Chief Guest aux cérémonies de Sankranti en s’abstenant d’inviter les ministres de la circonscription.)

Comme vous y allez…
(Il ne décolère pas) Jamais dans l’histoire de la fédération un président n’avait osé transformer un temple en QG politique. C’est choquant ! On blâmait l’attitude politisée de Dulthumun mais on n’avait encore rien vu ! C’est scandaleux ce qu’a fait Ramdhean.

Et si «la communauté», comme vous dites, avait viré mam ?
C’est ce qu’ils essaient de faire croire, mais c’est une contre-vérité : je vous garantis que la communauté n’est pas derrière Ramgoolam.

Qu’est-ce que vous en savez ?
J’ai le flair pour cela, je suis sur le terrain tous les jours. La manoeuvre de Ramdhean va lui retomber dessus. Il veut crédibiliser Ramgoolam, qui se sert de lui pour ses intérêts politiques. Ramgoolam fait ce qu’il sait faire le mieux : diviser les hindous. Sauf que ça ne marchera pas. Sa crédibilité est en lambeaux depuis l’affaire des coffres.

En parlant de lambeaux, c’est quoi le malaise avec vos colistiers du n°10 ?
Il n’y a pas de malaise. Bholah, Tarolah et moi, on ne vit pas ensemble. Nos emplois du temps respectifs ne nous permettent pas d’être au même endroit au même moment.

Assez moyen comme argument…
(Il hausse le ton) Puisque je vous dis qu’il n’y a pas de malaise ! On se voit, on se parle, on a même validé, en début d’année, une stratégie pour la circonscription. Je ne sais pas d’où vient cette idée que Bholah et moi nous serions en froid. Je n’ai pas de problème non plus avec Tarolah, il fait son travail.

Vous appelez ça «un travail», vous ?
(Éclat de rire) Vous allez me faire avoir des ennuis…

Et si même les dragons avaient une fin ?
C’est possible…

Pas de ticket pour 2019 ?
Je ne peux rien prédire, cela ne dépend pas de moi.

On raconte que vous n’êtes plus dans les petits papiers du Sun Trust…
Ah bon ? Moi, je me sens bien au MSM. Si demain ça devait s’arrêter, je n’en mourrais pas. La politique ne m’obsède pas, ce n’est pas un moyen de gagner ma vie ; je la gagnais trois fois mieux avant. C’est une passion, un virus. Ce qui ne m’empêche pas d’être critique à l’égard de l’action, ou de l’inaction politique.

Développez…
Bérenger le dit bien lorsqu’il parle d’«appauvrissement intellectuel». L’état piteux dans lequel est tombé le débat d’idées dans ce pays, je trouve ça triste. Nous, les élus, avons notre part de responsabilités, mais c’est aussi une responsabilité collective : on a les députés qu’on mérite. D’un côté les Mauriciens disent les pires choses sur leurs ministres – ils volent, ils s’en mettent plein les poches – et en même temps ils nous courent derrière eux du matin au soir pour glaner des faveurs. Parce que c’est la facilité et que le goût de l’effort se perd. Nos jeunes sont portés vers l’immédiateté, le tout, tout de suite. Sakenn rod so bout, sa promotion, son petit privilège : la société mauricienne devient de plus en plus individualiste.

Vous ne l’êtes pas, vous ?
Je ne veux pas l’être, j’essaie de résister. Je veux léguer autre chose aux générations qui viennent, une société plus pérenne. Un moteur fort de l’individualisme, c’est la surconsommation. Regardez autour de vous, tout le monde surconsomme de tout, de l’Internet à la bouffe. C’est là qu’une réflexion politique s’impose, sur une question toute simple mais primordiale : quelle société voulons-nous ?

Ça doit être terrible de réaliser que son leader, son parti et son gouvernement ne savent pas penser, non ?
Je parle de la classe politique en général. Regardez ce que sont devenus le MMM et le Parti travailliste : sincèrement, que peuton espérer d’un Gunness ou d’un Assirvaden ?

Sincèrement, que peut-on espérer d’un Sesungkur ?
(Il réfléchit) La transformation politique. De nouvelles idées pour une société meilleure.