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Rencontre Mgr Piat-PM: un game-changer

11 novembre 2017, 09:39

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On se demandait bien si Pravind Jugnauth était disposé à prendre l’énorme risque de révoquer son vice-Premier ministre Showkutally Soodhun suivant ses propos racistes et outrageants tenus à l’encontre d’une section de la population ?

Pourtant d’un commun accord entre le Premier ministre et Soodhun, décision a été prise pour ce dernier de step down. Ce vendredi 10 novembre a vu un événement qui s’est avéré un vrai game-changer sur toute la controverse entourant Soodhun. Il s’agit de la visite qu’a faite le chef de l’Église au Prime Minister’s Office. En prenant une telle initiative, le cardinal Maurice Piat a fait précipiter les événements bien qu’il ait choisi de ne pas révéler la teneur de ses discussions avec le Premier ministre. Apres cette rencontre, Pravind Jugnauth n’avait pas de choix. Il lui fallait lâcher un fardeau devenu insoutenable. Car si Soodhun restait toujours en fonction malgré la visite du chef de l’Église, cela aurait voulu dire que le Premier ministre ne faisait pas grand cas de l’opinion publique mais aussi du point de vue d’un player du calibre de Mgr Piat.

À noter toutefois que lors de sa conférence de presse, le Premier ministre n’a pas écarté la possibilité d’une réhabilitation de Soodhun, dépendant de ce que l’enquête policière va établir. Soodhun n’est pas n’importe qui. S’il n’avait pas existé, les Jugnauth l’auraient inventé. Car en termes de loyauté, Soodhun est exemplaire et exceptionnel. La décision la plus importante de sa carrière politique fut prise en 1987 quand il vota sans hésitation aucune pour l’abrogation de la Muslim Personal Law. Anerood Jugnauth avait alors pris l’initiative de «punir» une composante de l’électorat qui, dans son écrasante majorité, avait voté contre le MSM et ses alliés en 1983 et 1987. Par la suite, des mesures vexatoires furent aussi prises contre des pèlerins, hommes et femmes, qui revenaient de La Mecque. Et Soodhun n’éleva jamais la voix contre ce qui se passait à l’aéroport. Ne s’est-il pas autoproclamé «esclave» des Jugnauth ? Ce n’est pas de gaieté de coeur que les Jugnauth, surtout le parrain, quel que soit le degré de cynisme politique qui les anime, ont lâché un serviteur aussi fidèle. Ce n’est pas quelqu’un qui occasionnellement «déclare mari» à son leader politique et chef hiérarchique.

On dit que personne n’est indispensable mais Soodhun sera difficilement remplaçable. Il est l’allié idéal. Son accent impeccablement bhojpuri quand il parle créole prouve qu’il est bien intégré dans la composante qui soutient le MSM. D’ailleurs, ses propos insultants tenus contre certains Mauriciens visaient justement à rassurer ceux s’opposant à la construction de logements et l’arrivée d’outsiders dans leur voisinage. Qui remplacera un Soodhun sur le Front Bench du gouvernement ? Pour les Jugnauth, il serait difficile de trouver un vrai remplaçant.

La sortie verbale et son départ viendraient cristalliser les susceptibilités et cela va encore diminuer le poids électoral du MSM et de son allié-croupion, le ML. Après l’affaire des «démons», voilà un nouveau label qu’on colle sur le mur du Sun Trust. Les partis de l’opposition vont-ils profiter de la situation ? La contreattaque du MSM va être axée sur le passé peu glorieux du PMSD. D’ailleurs Soodhun s’était déjà lancé sur cette voie. Si d’après les calculs cyniques, le PMSD pourrait être tenté d’exploiter à fond l’affaire Soodhun, sa stratégie d’élargir son électorat serait compromise surtout si des jeunes sont exposés à des épisodes douloureux datant des années soixante.

Avant l’intervention du cardinal Piat, en se livrant à une analyse coût-bénéfice, les Jugnauth auraient sans doute opté pour maintenir Soodhun dans ses fonctions et continuer à l’utiliser à fond comme leur «carte musulmane» tant sur le plan local qu’international. Ils auraient accepté de prendre ce risque même si cela leur avait coûté l’aliénation d’une section de la population. Sur la base de leur victoire en 2014, les Jugnauth étaient sûrement convaincus qu’ils maîtrisent mieux que Rama Sithanen, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam cette science qu’on appelle les mathématiques électorales mauriciennes.