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La diya intérieure

16 octobre 2017, 15:06

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Il incombe aux médias de mettre en valeur des images, à différentes époques, d’hommes et de femmes exemplaires de par leur altruisme. L’inspiration qu’ils offrent au monde rend meilleur ce dernier, ce qui devrait aussi engager la responsabilité des journaux et autres relais d’information.

Parmi ces grandes figures dont la seule évocation peut redonner à une société son sens d’orientation, il y a ceux qui nous ont quittés et qui arrivent à travers leur engagement à rendre le monde meilleur, les Jo Cox, Mandela, Mère Teresa, Martin Luther King, Gandhi. D’autres, toujours de ce monde, Barack Obama, Jeremy Corbyn, Sadiq Khan, Justin Trudeau, sont de ceux qui, à un certain moment, furent présentés comme des icônes de l’autorité morale. Cependant, la vérité est un peu plus complexe.

À l’époque déjà de Martin Luther King, de Gandhi, de puissants dispositifs de communication et de persuasion masquaient la face cachée de ces personnages. Cela fut dévoilé plus tard, dans des biographies certes contestées mais jamais totalement démenties. Aujourd’hui, les choses vont plus vite, construction et déconstruction sont simultanées, nous n’avons pas tardé à savoir, par exemple, que derrière son image d’homme chaleureux et profondément humain, Obama avait vite succombé au piège de la realpolitik surtout dans sa politique étrangère et sa lutte contre le terrorisme. «On tue, on vérifie après.» AungSan Sui Ki, elle, Prix Nobel de la paix, subit actuellement les foudres de l’opinion publique internationale et de la presse en raison de sa passivité face au génocide des Rohingyas.

Ces hommes et femmes tellement encensés pour avoir laissé une empreinte des plus positives dans l’histoire de l’humanité ne seraient-ils donc que des manipulateurs, des hypocrites, voire des fumistes ? Avons-nous eu tort de les considérer comme les phares de l’humanité ? À partir du moment où nous savons que leur vie privée ne s’accorde pas à leur image publique, pouvons-nous continuer à puiser dans leurs enseignements, dans leur vécu ? Nous faut-il brûler ce que nous avons adoré lorsqu’il apparaît que leurs actes contredisent leurs discours ?

Nous aurons beau intellectualiser le fait que nul n’est parfait, nous ne pouvons-nous empêcher de nous sentir trahis quand nous voyons certaines fêlures abîmant l’image – en partie concoctée par les médias – de nos grands hommes, cela ébranlant le consensus fabriqué dans l’imaginaire collectif. Pressentant à quel point le tapage médiatique autour d’elle était une arme à double tranchant, Aung San Sui Ki détestait depuis déjà un certain temps le fait qu’on la mette sur un piédestal. De la même manière, Mandela rappelait toujours qu’il avait plusieurs défauts, qu’il était loin de l’habit de saint qu’on voulait lui faire endosser!

Effectivement, nous sommes tous prisonniers dans une certaine mesure de l’image que nous projetons. Et cela peut faire très mal. Car l’être humain malheureusement semble être par essence davantage doué pour voir la paille dans l’œil de son prochain que la poutre dans son propre œil. Nous nous permettons tous à des degrés différents d’être plus intransigeants envers les autres qu’envers nous-mêmes. Ironiquement au fait, nous prétendons connaître les autres alors que nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. Comment d’ailleurs la voir, cette fameuse poutre, si nous ne prenons pas la peine de réfléchir sur ce que nous sommes vraiment ?

Cinq siècles avant Jésus-Christ, l’enseignement du philosophe Socrate était axé autour de la nécessité d’avoir une meilleure connaissance de soi-même. Il avait déjà l’intuition de la profonde complexité de l’homme – capable du plus grand bien comme du plus grand mal. Il faisait comprendre à ses disciples qu’il était primordial de regarder en eux-mêmes: «Connais-toi toi-même.»

Ce n’est qu’au XIXe siècle, avec le développement de la biologie et des sciences humaines, que nous en apprenons davantage sur l’homme – sur l’existence de l’inconscient, des désirs et pulsions refoulés. Nous avons ainsi une nouvelle conception de l’homme – les frontières entre le bien et le mal volent définitivement en éclats. Cependant, nous continuons à entretenir une vision manichéenne du monde avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre. À Maurice, les fêtes religieuses sont par excellence le moment propice pour invectiver l’adversaire politique, pour le traiter de démon… Et si le rakshas se trouvait surtout en nous ?

Dans quelques jours, ce sera la grande fête de Divali, célébration de la victoire du bien sur le mal. Ne serait-ce pas l’occasion rêvée pour tout le monde, y compris l’auteur de ces lignes, de se remettre en question ? Car, comme le dit le Dalaï-Lama, «notre ennemi est en dedans de nous», rejoignant ainsi Freud qui affirmait que «le mal n’est peut-être pas dans le monde, mais en nous-mêmes». Le Dalaï-Lama dira aussi plus loin qu’être «conscient d’un seul de ses défauts est plus utile qu’être informé de mille travers chez quelqu’un d’autre»

Divali avec toutes ses lumières nous invite donc à prendre le temps pour aller à la quête de la lumière intérieure. C’est une véritable invitation à allumer la lampe de la connaissance en nous. Regardons-nous dans le miroir afin de connaître, afin de lutter contre nos démons intérieurs. Tout en nous invitant à faire face à la partie la moins lumineuse de notre âme, cette fête – véritable célébration du renouveau après un long passage dans le tunnel de l’obscurité – nous permet aussi de voir avec du recul nos relations aux autres et au monde. Il s’agit bien sûr d’éviter de juger les autres, mais aussi d’apprendre à rester forts sous le regard souvent inquisiteur d’autrui car, comme l’observait déjà au XVIIIe siècle l’académicien français Charles Pinot Duclos, «il y a un juge plus éclairé, plus sévère et plus juste que les lois, c’est le sentiment intérieur qu’on appelle la conscience».

Divali commémore un épisode du Ramayana, où Rama fait le pari, a priori impossible, de vaincre le démon Ravana, puis réussit ce qu’il a tenté.En ces temps troubles, nous ne pouvons-nous permettre cependant de vaciller. Gardons en tête ces mots du grand homme que fut Gandhi, malgré ses imperfections : «Le fatalisme a des limites. Nous devons nous en remettre au sort uniquement lorsque nous avons épuisé tous les remèdes.»

Que la lumière de Divali éclaire notre quotidien à tous. Du plus intime de l’intérieur au plus exposé de notre chemin auprès des autres.

 Une réponse à cet article: Happy Divali Gérard